Où le Plan, ce qu’il est devenu et ce qu’il pourrait être, revient en force dans l’actualité en cette rentrée. Le Haut-commissariat au Plan sera-t-il le digne héritier de feu le commissariat général au Plan ?
Le 3 septembre dernier, François Bayrou a été nommé Haut-commissaire au Plan. Il évalue à une quarantaine les sujets vitaux
à traiter en priorité et précise : une fois pour toutes, c’est l’exécutif qui gouverne ! Mais au moins, il aura devant lui des caps, des cartes et des boussoles
. Reprenant ce vocable d’orientation maritime, le ministre de l’Economie, Bruno Le maire, approuve la nécessité de se doter d’une boussole
.
La nomination du Haut-Commissaire signe-t-elle une réactivation de feu le commissariat général au Plan créé en 1946 ? Pas si simple. Cette création d’un Haut-commissariat au plan et à la prospective, rattaché au Premier ministre, a été décidée dans le cadre du plan de relance. Il s’agit notamment pour la structure de participer à la reconstruction, à la relance et à l’embellissement, notamment par son verdissement, d’une économie mise à mal par les effets de la crise sanitaire.
Au fil des dénominations…
Selon sa mission fixée, ce Haut-commissariat sera chargé d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels
. C’est cependant une vraie/fausse création puisque la naissance
de ce Haut-commissariat ne met pas fin à France Stratégie. Tel qu’il se définit lui-même, ce dernier est un organisme d’expertise et d’analyse prospective sur les grands sujets sociaux, économiques et environnementaux
. France stratégie, rattaché au Premier ministre, publie des rapports et des notes d’analyse
et est doté de huit organismes spécialisés tel le COR pour les retraites ou encore du Conseil d’analyse économique.
France Stratégie est aussi le nom qu’avait adopté le Commissariat général à la stratégie et à la prospective créé en 2013. Ce CGSP qui succédait au Centre d’analyse stratégique (CAS) créé en 2006 -date de la fin du commissariat au Plan et de sa philosophie- avait été décidé pour sa conception lors de la conférence sociale de 2012, et notamment à la demande de FO qui revendiquait la réactivation du Commissariat au Plan.
Quelques temps après, la confédération déplorait l’orientation idéologique adoptée par ce CGSP qui avait par exemple présenté un rapport sur l’avenir de la France par des experts travaillant entre eux
s’insurgeait FO. Leurs propositions étaient on ne peut plus régressives en matière de droits sociaux
.
La confédération soulignait une nouvelle fois alors que notre pays a besoin, sur le modèle de l’ancien Commissariat au Plan d’une réelle instance de débats libres, ouverts, contradictoires et non instrumentalisés
.
Le Plan ou la stratégie du long terme
A l’occasion notamment d’un plan de reconquête industrielle
présenté par l’exécutif à l’automne 2013, la confédération avait rappelé dès l’été de la même année, la nécessité de retrouver un État stratège et planificateur au service de la défense de l’industrie existante, de la réindustrialisation et des emplois correspondants
. Et s’il fallait encore le prouver, FO n’a donc pas attendu la crise actuelle pour sensibiliser à la nécessité pressante de réindustrialiser
…
Désormais, selon les annonces récentes de ce début septembre, France Stratégie et ses services seront mis à la disposition de ce nouveau commissariat, ainsi doté d’un budget de quinze millions d’euros.
Plus largement, les derniers rebondissements concernant le Plan renvoient à sa longue histoire. Né au sortir de la 2e guerre mondiale, le commissariat général au Plan (CGP), qui pour réaliser ses études et faire des propositions de stratégies s’aidait notamment des données de l’Insee ou encore de celles du ministère des Finances, servait comme son nom l’indique à la planification de l’action publique, selon des objectifs fixés sur cinq ans. Accent mis sur le soutien à tel ou tel secteur de l’économie, développement de la production, amélioration des conditions sociales, réduction des inégalités… Le Plan, qui menait une réflexion privilégiant des mesures sur le long terme, était un des outils importants au service d’un État s’affirmant dans un rôle de stratège en planifiant ses politiques publiques (évaluées et contrôlées ensuite par le Parlement) et en leur donnant des axes prioritaires (mise en place d’objectifs quantitatifs pour la production par exemple, de mesures incitatives dans le domaine social, d’investissements ciblés…). Dix plans seront mis en œuvre entre 1946 et 1992 et la période qui suivra annoncera la fin, en 2006, de ce commissariat général au Plan.
Quelle place au dialogue avec les syndicats ?
Beaucoup d’observateurs expliqueront sa mise en désuétude dès la fin des années 1980, les attaques subies autour des années 1990 puis sa disparition en 2006, par le renoncement des exécutifs à bâtir encore une planification nationale de long terme alors qu’éclatait la mondialisation couplée à un libéralisme pur et dur cherchant à imposer aux actions publiques des réactions à court terme. Tout le contraire de l’idée du Plan qui laissait le temps aux études de se réaliser pour ensuite pouvoir prévoir, construire des perspectives.
A rappeler encore qu’une des caractéristiques, et pas des moindres, du Commissariat général au Plan, était de permettre le dialogue en associant à son travail et à sa réflexion les interlocuteurs sociaux, notamment les syndicats.
Puisque le gouvernement affiche, depuis la crise sanitaire, sa volonté d’un retour du dialogue social, reste à vérifier si ce dialogue aura une vraie place dans la nouvelle configuration du Plan.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly