La résiliation judiciaire est une action par laquelle le salarié demande au juge, alors que le contrat de travail est toujours en cours d’exécution, la rupture de ce dernier aux torts de l’employeur en raison de faits suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat. Si le bien-fondé de la demande est reconnu par le juge, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse voire (suivant le manquement invoqué) nul.
La résiliation judiciaire n’est ouverte en principe qu’au salarié. Ce n’est que si la loi l’autorise, que l’employeur peut y recourir. C’est par exemple le cas pour la rupture d’un contrat d’apprentissage (art. L 6222-18).
La Cour de cassation admet l’évocation de faits anciens (même prescrits), peu important que ceux-ci soient persistants dans le temps (Cass. soc., 15-1-20, n°18-23417) ou non. La Cour a, en effet, énoncé dans un arrêt du 30 juin 2021 que le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté (Cass. soc., 30-6-21, n°19-18533).
Ce devoir d’examen du juge de faits anciens (même prescrits) est rappelé dans un arrêt du 27 septembre 2023 (Cass. soc., n°21-25973).
En l’espèce un salarié, dont le contrat avait été suspendu, est classé en invalidité catégorie 2. L’employeur adresse un courrier au salarié lui indiquant qu’il a bien été informé de son classement. L’employeur, toutefois, n’organise pas de visite médicale de reprise.
Le salarié estime que le manquement de l’employeur est suffisamment grave et saisit le CPH en résiliation judiciaire de son contrat. L’affaire arrive en cour d’appel et les juges décident que la demande du salarié est irrecevable au motif que le courrier adressé au salarié date du 23 février 2009 et que celui-ci n’a saisi le CPH que le 26 mars 2015. La demande était donc prescrite selon les juges.
Le raisonnement des juges d’appel est censuré par la Cour de cassation. Dans sa solution, elle affirme que l’action en résiliation judiciaire du contrat de contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n’a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.
La condition principale de la recevabilité de l’action en résiliation judiciaire du contrat demeure la poursuite du contrat au jour où l’action est introduite. L’ancienneté des griefs, elle, importe peu. Il appartient au juge de décider si les faits sont ou non suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.
Mais attention tout de même à ne pas trop tarder pour formuler une demande de résiliation judiciaire.
En effet, si les règles de prescription n’ont pas vocation à s’appliquer à la résiliation judiciaire, cela ne signifie aucunement que l’ancienneté des faits ne puisse pas être opposée au salarié pour disqualifier la faute en convaincant le juge que les manquements n’ont pas empêché la poursuite des relations contractuelles.
A noter que certains manquements sont d’une telle gravité que la date de leur commission importe peu. Tel est, par exemple, le cas du harcèlement moral (Cass. soc., 11-12-15, n°14-15670).