L’amélioration des conditions de travail a toujours été une revendication du mouvement ouvrier de par le monde. La durée du temps de travail est l’un des chapitres les plus importants de ce combat. Et les différences sont encore énormes d’un pays à l’autre.
S i les travailleurs français sont passés aux 40 heures en 1936, aujourd’hui même les travailleurs chiliens manifestent régulièrement dans les rues de Santiago et de Valparaiso pour les obtenir. Et ne parlons pas du tiers-monde !
Avant la révolution industrielle, les paysans libres ne comptaient pas leurs heures mais ils pouvaient se reposer pendant l’hiver. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, dans les ateliers et les usines, les hommes, mais aussi les femmes et les enfants vont devenir de véritables bêtes de somme. Les patrons d’usines et leurs contremaîtres ont remplacé les nobles féodaux. Libéré de son servage, le paysan prolétarisé doit trimer dans l’Europe et le Nouveau Monde en voie d’industrialisation de 12 à 16 heures par jour, six jours sur sept. La semaine des 70 heures et plus est alors la règle. Ce n’est donc pas un hasard si les syndicats naissants font des 40 heures un de leur premier cheval de bataille, à l’instar de la CGT dès sa fondation en 1895.
Un combat planétaire
Avant de gagner les 40 heures, les syndicats se battent avec acharnement pour les 8 heures quotidiennes, mais encore six jours sur sept, soit 48 heures hebdomadaires. Les Australiens sont les premiers à les obtenir avant la Première Guerre mondiale. La révolution russe de février 1917 les instaure immédiatement. De peur d’une contagion révolutionnaire, l’Allemagne de Weimar en fait autant fin 1918, suivie quelques mois plus tard par la France de Clemenceau. En 1919, l’OIT naissante, dans sa convention n°1, déclare l’obligation de la journée de 8 heures.
En France, le Front populaire instaure les 40 heures, mais cette mesure sera abrogée fin 1939 pour les ouvriers métallos des usines d’armement qui repassent alors aux 60 heures, six jours sur sept. À la Libération, la jeune ONU se penche sur le problème sous la pression de l’OIT. L’article 24 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, en date du 10 décembre 1948, réaffirme l’obligation de la limitation du temps de travail. Si la Russie actuelle est aux 40 heures, la Chine est aux 44, l’Inde aux 48. Mais dans nombre de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, la réalité est plus proche des 60, voire 70 heures comme au XIXe siècle, alors qu’en France les 35 heures (qui n’ont pas fait l’objet d’une réelle compensation sur le plan de l’emploi) sont régulièrement attaquées par le patronat.
Paradoxalement, c’est la Hongrie qui interdit le travail des enfants dans les mines dès 1575, puis la Russie des tsars en 1579, alors qu’il faudra attendre 1813 en France ! L’Angleterre interdit le travail des enfants de moins de huit ans en 1801, contre 1841 en France. La convention n°5 de l’OIT en 1919 interdit le travail des enfants de moins de 14 ans, décision prise dès 1877 par la Suisse, pays pionnier en la matière.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly