Pour rappel, dans un arrêt du 21 septembre 2016, la Cour de cassation avait jugé que le délai à l’expiration duquel le comité d’entreprise est réputé avoir donné un avis court à compter de la date à laquelle il a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée, ce comité pouvant saisir le président du tribunal de grande instance s’il estime que l’information communiquée est insuffisante (Cass. soc., 21-9-16, n°15-19003). Le juge pouvait prolonger le délai de consultation si, au jour où il statue, le délai initial n’était pas échu. Si, au jour où le juge se prononçait, le délai pour que le CE rende son avis était expiré, celui-ci ne pouvait plus prolonger le délai préfix. Cette situation était une atteinte flagrante à l’effet utile de la directive européenne n°2002/14/CE du 11 mars 2002. Une action en responsabilité contre l’État du CE devant le tribunal administratif pouvait alors être envisagée.
Par un arrêt en date du 26 février 2020, la chambre sociale de la cour de cassation a fait évoluer sa position sur cette question épineuse (n°18-22759, PBRI).
Par le passé, la Cour de cassation avait jugé que le délai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou l’accord collectif prévoit la communication, et notamment ceux relevant de la base de données économiques et sociales, n’ont pas été mis à disposition du comité d’entreprise (Cass. soc., 28-3-18, n° 17-13081).
Le comité d’entreprise doit obligatoirement saisir la juridiction dans le délai qui lui est imparti pour donner son avis, en application de l’article R. 2323-1-1 du code du travail. Si la saisine est postérieure à l’expiration du délai, la demande de prolongation des délais est nécessairement irrecevable.
La saisine de la juridiction ne prolonge pas par elle-même les délais de consultation, comme l’indique l’article L. 2323-4 du code du travail.
Si la demande se révèle infondée, les documents ayant été transmis étant estimés par le juge comme suffisants pour que le comité d’entreprise puisse formuler un avis motivé, le délai s’achève à la date initialement prévue.
En revanche, si le juge considère que la demande est fondée, c’est-à-dire s’il retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, le juge peut dorénavant ordonner la production des éléments d’information complémentaires et dans ce cas, quelle que soit la date à laquelle il se prononce, prolonger ou fixer un nouveau délai de consultation pour une durée correspondant à celles fixées par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires (n°18-22759).
Depuis le 1er janvier 2020, il revient au CSE de saisir le Président du tribunal judiciaire, qui statue selon la procédure accélérée au fond, lorsqu’il estime que l’information transmise est insuffisante.
Cette évolution jurisprudentielle s’explique par les garanties offertes par le droit européen, l’article 4, § 3, de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, instaurant un droit à une information appropriée.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly