Le conseil municipal du Barcarès a approuvé cet été l’achat du village de vacances des Portes du Roussillon (2400 lits), pour l’heure géré par une association. Les salariés de la structure, soit 42 équivalents temps plein, sont inquiets pour leurs emplois.
Il s’agit d’une véritable institution au Barcarès.
Lancé en 1973, le village de vacances des Portes du Roussillon, qui s’étend sur quinze hectares non loin de la plage du Lido, recense 2400 lits et 42 équivalents temps plein (autour de 140 salariés en été, dont 12 CDI et 40 saisonniers titulaires). Il se démarque également par sa vocation sociale (accueil de familles aidées par la Caf, etc.).
Cependant, aujourd’hui, le centre est dans la tourmente. « La mort du village est programmée depuis plusieurs années, s’énerve l’un des salariés du site. Depuis quatre ans, le personnel a été réduit d’un tiers. Certains logements sont fermés car jugés vieillissants, alors qu’ils n’ont pas grand-chose. Mais vu que les investissements nécessaires ne sont pas réalisés… »
Deux désistements et une préemption
La situation a commencé à tourner franchement au vinaigre il y a deux ans. Jusqu’en 2017, le conseil d’administration de l’association Les Portes du Roussillon, qui emploie les salariés du site, était composé de représentants des trois structures propriétaires des terrains et du bâti, à savoir : Villages club du soleil (VCS), Ternélia (ex-Vent du large) et VVF Villages.
« En octobre 2017, deux des trois propriétaires (VCS et Ternélia), ont décidé de se retirer, relate le délégué syndical FO du village, Allan Mahi. Ils ont démissionné du conseil d’administration et VVF y est devenu majoritaire avec sa filiale Valinter. »
En parallèle, VVF s’est logiquement porté acquéreur des terrains des démissionnaires. « Mais la mairie a préempté les parties communes (voirie, etc.) en 2018, ce qui a bloqué la vente », poursuit Allan Mahi.
Le personnel dans l’expectative
Selon plusieurs sources proches du dossier, la préemption a ensuite été retirée. Cependant, VVF n’en a pas moins fini par céder aux sirènes municipales. « Ils ont signé un compromis de vente avec la mairie au début du mois d’octobre. Dans la foulée, le directeur des ressources humaines de VVF a annoncé aux salariés que la vente devrait être finalisée d’ici la fin du mois », souligne Allan Mahi.
Problème : le projet de la municipalité pour le site reste évasif (voir encadré).
Qu’adviendra-t-il des salariés si la vente aboutit ? « Sur le procès-verbal du dernier conseil d’administration de l’association des Portes du Roussillon, qui s’est tenu en mars, il est inscrit que nous continuerons à exploiter au moins jusqu’à la fin 2020 », répond le délégué syndical.
« Nous n’abandonnerons pas nos salariés »
Et après, quoi ?
Contactée, la direction de VVF assure vouloir à tout prix éviter la « casse sociale ». « Nous n’abandonnerons pas nos salariés, martèle un responsable de l’association. Nous leur proposerons des reclassements dans d’autres villages du groupe situés à proximité. »
Le personnel semble dubitatif. « Il n’y a pas de possibilités de reclassement à proximité, indique Allan Mahi. Les sites les plus proches sont à Sigean et Prats-de-Mollo, mais il n’y a pas assez de places pour nous reclasser là-bas ! » De son côté, le secrétaire départemental de FO, Jérôme Capdevielle, compte bien soutenir la lutte des salariés. « Dans ce dossier, on est dans l’opacité la plus totale, fulmine-t-il. Les instances représentatives du personnel n’ont été associées à aucune décision. J’en appelle à VVF et à la mairie pour que la dimension sociale soit prise en compte et qu’on donne aux salariés des réponses concrètes sur leur avenir. »
Le syndicat compte bien mobiliser l’ensemble de ses moyens pour aider les employés du village à faire valoir leurs droits.
Quel avenir pour le site ?
Dans son édition de juillet/août, le journal de la ville du Barcarès confirme que le conseil municipal a approuvé l’achat « des parcelles bâties et non bâties du village de vacances Les Portes du Roussillon » : « En effet, l’acquisition de ce site permettrait à la commune de développer une offre d’hébergement répondant à la demande actuelle en lien avec le plan Littoral 21, ceci afin de conserver l’attractivité de la ville à l’horizon 2050. »
Le but étant, rajoute le rédacteur du bulletin, de « faire émerger un renouvellement urbain de qualité dans ce quartier stratégique de la ville ».
Quelle forme pourrait exactement prendre ce « renouvellement » ? « Nous sommes en phase de réflexion. Nous n’avons pas encore pris de décision définitive », assurait ce mardi en fin de matinée le maire de la commune, Alain Ferrand.
Cependant, le 21 août dernier, sur sa page Facebook, son épouse, Joëlle Ferrand, maire du Barcarès de 1999 à 2011 et candidate déclarée aux prochaines municipales, assurait que lors de ses mandats, deux groupes avaient manifesté leur intérêt pour réaliser respectivement un projet immobilier et un site dédié au tourisme sur le secteur.
Les salariés des Portes du Roussillon estiment qu’il s’agit là de projets destinés à une « clientèle aisée ». À mille lieues de la tradition sociale et familiale du lieu.
L’Indépendant – 15 octobre 2019 – Arnaud Andreu