La multinationale du commerce en ligne a perdu les accréditations permettant à ses lobbyistes d’accéder au parlement européen. La décision sanctionne l’opacité de l’entreprise quant aux conditions de travail dans ses entrepôts et son refus de s’expliquer sur le sujet devant les eurodéputés.
Le géant américain du commerce en ligne se voit retirer l’accréditation qui permet à ses lobbyistes d’accéder aux bâtiments de l’Union européenne à Bruxelles et à Strasbourg. La raison ? Plusieurs refus successifs de l’entreprise de participer à des auditions sur les conditions de travail dans ses entrepôts ou d’accueillir des eurodéputés dans ses locaux allemands et polonais.
Au cours du seul mois de janvier, l’entreprise avait pourtant rencontré neuf parlementaires, dont une fois le lendemain d’une audition à laquelle elle avait refusé de participer, selon UNI Europa. Le dernier refus en date, rejetant une convocation pour le 23 janvier, avait débouché sur une demande de sanction – prévue au règlement de l’institution – par Agnes Jongerius, eurodéputée néérlandaise et ses collègues de la Commission de l’emploi et des affaires sociales. C’est la deuxième fois dans son histoire que l’institution applique une telle sanction, depuis le précédent Monsanto en 2017.
Un message fort quant aux responsabilités de l’entreprise
La demande a été largement soutenue par un collectif de 34 organisations (parmi lesquelles la Confédération européenne des syndicats, UNI Europa et IndustriAll Europe) dans un courrier envoyé le 12 février à la présidente maltaise de l’Union européenne. Cette suppression d’accréditation est un message fort, observe Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO au secteur international et Europe. Il s’agit de rappeler à l’entreprise qu’elle n’est pas là uniquement pour défendre son existence et recevoir des subventions, mais qu’elle doit aussi répondre quand un problème est constaté. Gianpaolo Meloni, salarié italien d’Amazon et membre de son comité d’entreprise européen a également salué la décision : Cela montre qu’Amazon ne peut pas continuer à mépriser nos institutions démocratiques sans conséquences. Et j’espère qu’il en sera bientôt de même concernant nos droits, tels que celui d’adhérer à un syndicat librement et de négocier pour de meilleurs salaires et conditions de travail.
Les syndicats demeurent mobilisés contre les abus de la multinationale
Amazon est en effet l’objet de nombreuses critiques quant aux conditions de travail qu’elle offre à ses salariés : lors de la réunion du 23 janvier, des licenciements sans raison valable, des objectifs de productivité inatteignables, le sentiment d’être traités comme des robots ont été rapporté par des représentants syndicaux européens d’UNI, Ver.di et Solidarnosc. Par ailleurs l’entreprise est régulièrement accusée d’exploiter les travailleurs, de violer les lois anti-concurrentielles, de pratiquer l’évasion fiscale et de ne pas respecter l’environnement.
Les syndicats comptent bien poursuivre la mobilisation. La CES demande que l’accréditation soient également retirée à tous les sous-traitants d’Amazon, ajoute Branislav Rugani. De son côté UNI Global Union a lancé depuis l’automne 2023 une campagne baptisée « Make Amazon Pay » afin que la multinationale paie des salaires décents, s’acquitte d’impôts et répare les dommages causés à l’environnement. Des manifestations et grèves avaient été organisées dans quelque trente pays à l’occasion du Black Friday 2023.