C’est un immense gâchis social, et la fin annoncée d’une aventure industrielle débutée en 1948. Le tribunal de commerce de Lille métropole a prononcé le 27 novembre la liquidation judiciaire du fabricant de cabines d’engins de chantier TIM, qui emploie 304 salariés. En cessation de paiement, l’entreprise basée à Quaëdrype, près de Dunkerque (Nord), avait demandé fin août à être mise en redressement judiciaire. « L’arrêt de l’activité a été purement et simplement prononcé. Les salariés vont se retrouver au chômage après avoir donné trente ans de leur vie au travail », s’indigne Christophe Fournier, délégué syndical FO, et représentant du personnel dans le cadre de la procédure.
Plainte pour escroquerie
L’entreprise n’a finalement reçu aucune offre de reprise. Si le groupe GM Services, à l’initiative de sa société Sépode, avait formulé une offre, avec la reprise de 40 salariés il l’a retirée, faute d’éclaircissements sur les intentions de l’industriel Fil Filipov. En juillet 2017 via le groupe allemand Atlas GMBH qu’il contrôle -et qui est par ailleurs client de la société nordiste- cet industriel avait racheté TIM alors menacée de liquidation judiciaire.
L’homme d’affaires a mis en gage l’outillage et le matériel, comme garantie, contre l’octroi d’un prêt de plus de 2 millions d’euros concédé… par Atlas UK, basée en Grande-Bretagne. « Fil Filipov bloque toute reprise. Mais il aura des comptes à rendre pour sa gestion. Il a détruit notre outil de travail et toute perspective de redressement » s’insurge Christophe Fournier. Le 20 novembre, dix salariés, représentants de FO et d’un autre syndicat, ont déposé une plainte contre X pour escroquerie, qui vise la reprise de 2017.
L’expertise comptable à charge
Comme l’a révélé l’expertise comptable commandée par le Comité social et économique (CSE), le groupe Atlas a rétrocédé ses parts pour 1 euro à Fil Filipov, ce qui contrevient à l’avis du tribunal de commerce. Si en juillet 2017 ce dernier avait désigné Atlas comme repreneur, c’est parce que sa surface financière offrait une garantie. Or, selon l’avocat des salariés, Fil Filipov en déposant le bilan n’a aucune responsabilité financière au-delà de cet euro symbolique… De surcroît, l’outillage, gagé en faveur d’une de ses sociétés, échappe à la liquidation. Et, en l’absence de liquidités, le système de garantie des salaires (AGS) devra payer les indemnités légales des salariés licenciés.
La liquidation judiciaire aurait-t-elle été organisée ? C’est la question soulevée par l’expertise comptable, laquelle semble avoir noté des bizarreries dans les écritures dont des remises commerciales importantes sur les cabines fabriquées par TIM pour le groupe Atlas de Fil Filipov. « Elles ont été produites à perte », résume Christophe Fournier.
Depuis 2017, aucun investissement n’a été réalisé, alors que TIM a bénéficié d’un important soutien financier de l’État et de la Région Hauts-de-France : 5,5 millions d’euros au total (2 millions d’euros de prêt de l’État, 3,5 millions d’euros de la Région). Sans compter les 600.000 euros d’aides publiques, au titre du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi).
Obtenir des mesures d’accompagnement
En attendant la décision du procureur de la République sur d’éventuelles poursuites judiciaires, la priorité insiste Christophe Fournier pour FO est d’obtenir « des mesures d’accompagnement dignes de ce nom » pour les 304 salariés, qui devraient recevoir les lettres de licenciement autour du 12 décembre. « Comme il n’y a plus un rond dans l’entreprise, rien n’est prévu » déplore-t-il.
Ces mesures seront à l’ordre du jour de la réunion attendue cette semaine, en sous-préfecture de Dunkerque, avec les représentants de Bercy (possiblement la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher) et la Région Hauts-de France. Cette dernière – qui perd dans la liquidation l’hypothèque de 3,5 millions d’euros qu’elle détient sur le terrain et les bâtiments – dit travailler à une reprise. Son président Xavier Bertrand la pense réalisable, en partageant l’activité en deux. Il se murmure que Fil Filipov proposerait de reprendre 40 emplois.
« Nous ne laisserons pas faire », prévient Christophe Fournier. « Il est hors de question d’accepter un arbitrage qui ferait fi du droit français et du respect des salariés. Ils ont été traités comme des kleenex ».
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly