La grève des conducteurs de bus du réseau FSO, qui dessert les agglomérations de Cergy-Pontoise et de Conflans-Sainte-Honorine en région parisienne, est entrée le 7 janvier dans son troisième mois. La négociation d’un accord de substitution suite au changement de prestataire survenu en 2024 tourne au bras de fer. FO, qui accuse la direction de déloyauté, a obtenu du préfet la nomination d’une médiatrice. Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, s’est rendu ce mardi sur le piquet de grève.
En soixante-quatre jours de mobilisation, ils ont subi le froid, le vent, la pluie, la neige et passé les fêtes de fin d’année sur le piquet de grève, tenu jour et nuit, avec des barnums pour seul abri. Mais la détermination des conducteurs de bus du réseau FSO, qui couvre les agglomérations de Cergy-Pontoise et Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, ne fléchit pas. Ils ont reçu, le 7 janvier, la visite de Frédéric Souillot, secrétaire général de la confédération FO, qui s’est rendu devant le dépôt de Saint-Ouen l’Aumône, dans le Val d’Oise.
Pour sortir le conflit de l’enlisement et conclure un accord dans les meilleurs délais, FO, syndicat ultra-majoritaire dans l’entreprise, a obtenu la nomination par le préfet d’une médiatrice le 3 janvier. Il s’agit de la vice-présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Cette dernière a rencontré la direction et le syndicat FO le 8 janvier dans les locaux de la préfecture. Elle doit recevoir les élus de Cergy le 10 janvier. Il s’agit d’une médiation dans le cadre d’un conflit social, encadrée par le code du travail. La direction a été dans le déni de cette médiation jusqu’au 7 janvier, mais elle a fini par l’accepter, précise Vincent Vilpasteur, secrétaire général de l’union départementale FO du Val d’Oise.
Pour rappel, les 32 lignes du réseau de bus ont été regroupées en un lot, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des transports publics d’Ile-de-France, en application d’une réglementation européenne. Le marché a été remporté en janvier 2024 par FSO, filiale du groupement Lacroix-Savac, suite à un appel d’offre.
Le nouvel employeur et les représentants du personnel ont jusqu’en mars 2025 pour négocier un accord de substitution visant à harmoniser les conditions de travail et de rémunération des 480 salariés issus de deux sites jusqu’alors indépendants. Le dépôt de Conflans était auparavant géré par Transdev et celui de Cergy par Stivo. Mais le dialogue social a tourné au bras de fer.
22 réunions et aucune avancée
Si la direction promet le versement d’une indemnité différentielle pour garantir aux salariés le maintien de leur niveau de salaire actuel, FO pointe notamment une perte de rémunération avec la disparition de différentes primes et la suppression de 12 jours de RTT. Les conducteurs dénoncent également la dégradation de leurs conditions de travail depuis l’entrée en vigueur de nouveaux plannings, en septembre dernier, qui augmentent le nombre de rotations et compressent les temps de pause.
Dans un communiqué daté du 3 janvier, l’union départementale reprochait à la direction sa déloyauté dans les négociations. Il n’y a pas eu de réponse après le dépôt de l’alarme sociale le 8 octobre, ni de réponse aux revendications du préavis de grève. Elle n’a fait aucune proposition pendant les 20 premiers jours de grève. Depuis, nous avons eu 22 réunions, mais pour n’aboutir à rien. La direction cherchait seulement à gagner du temps, dénonce Vincent Vilpasteur.
La situation commence à peser lourdement sur les conducteurs comme sur les 80 000 usagers impactés par le mouvement social. Après plusieurs semaines sans aucune rotation, le dépôt de Saint-Ouen-l’Aumône a été débloqué. Quelques bus circulent désormais sur une poignée de lignes, conduits essentiellement par des intérimaires. Le service est pourri. Les intérimaires ne connaissent pas les trajets. La direction essaie de mettre en place un service minimum mais elle n’y parvient pas, expliquent les grévistes emmitouflés dans de grosses écharpes.
La maison-mère, un fonds de pension luxembourgeois
La pression financière commence aussi à peser sur les grévistes. Une partie des salariés sont en arrêt maladie. D’autres ont exercé leur droit de retrait. Mais la direction a opéré des retenues sur salaire, au mépris de la législation sur le droit de retrait et de l’accord de subrogation pour le paiement des arrêts maladie. Les grévistes se tournent vers leurs proches pour joindre les deux bouts. La direction sait qu’on a besoin d’argent, elle joue là-dessus, mais on demande juste à garder nos acquis, pas plus, rappelle un jeune père de famille. Ils bénéficient aussi du soutien des usagers. On nous donne de l’argent, de la nourriture, ça nous a émus, poursuit un autre conducteur venu du dépôt de Conflans, où plus de la moitié des salariés sont également en grève.
Le syndicat FO compte sur la médiatrice pour avoir plus de visibilité sur le contrat passé entre IDFM, l’autorité organisatrice des mobilités en Île-de-France, et FSO, ainsi que sur l’utilisation du budget alloué au versement des salaires et des cotisations sociales. Il y a une omerta sur ce contrat. Nous avons aussi appris que l’agglomération de Cergy avait contractualisé avec IDFM pour une amélioration de l’offre du service, et qu’elle versait pour cela 3 millions d’euros par an, soit 18 millions d’euros pour la durée du contrat. Le service a été augmenté, nous aimerions maintenant savoir où sont passés ces millions, poursuit Vincent Vilpasteur.
Il rappelle que le groupement Lacroix-Savac, qui a remporté l’appel d’offre, appartient à Cube, un fonds d’investissement luxembourgeois. Le verrou est là, l’objectif est de faire remonter de l’argent à la maison-mère, Lacroix-Savac n’est qu’un intermédiaire, estime-t-il.