Alors que plusieurs classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont menacées de fermeture dans la capitale, FO se mobilise, aux côtés des enseignants et des élèves dans la rue. Le syndicat souligne les faux arguments du rectorat et pointe l’enjeu de ces formations qui accueillent un public plus divers qu’il n’y paraît.
Le rouge des drapeaux de FO ressort sur la place de la Sorbonne. Mercredi 13 décembre, plusieurs centaines de personnes se sont réunies pour manifester contre la fermeture de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) à Paris. Les élèves sont là, brandissant des pancartes « République = prépas publiques » et entonnant leurs slogans. À côté d’eux, leurs enseignants répondent aussi présents, eux aussi font du bruit pour sauvegarder ces CPGE.
L’annonce est venue du rectorat, en novembre dernier : en tout, cinq classes préparatoires seront fermées à la rentrée prochaine. En filière littéraire, la première année du lycée Lamartine et la deuxième année du lycée Chaptal, sont concernés. Côté économique, la prépa ECG du lycée Jacques Decour est menacée. La CPGE Adaptation technicien supérieur (ATS) du lycée Pierre-Gilles de Gennes, qui prépare les lycéens issus de la filière technologique aux écoles d’ingénieurs, est également sur la liste. Finalement, les prépas scientifiques de Claude Bernard et Carnot sont finalement sortie de cette liste funeste.
Des CPGE qui recrutent des profils divers
Tous les arguments du rectorat pour fermer ces classes sont faux, voire mensongers, souligne Benoît Connétable, secrétaire académique du SNFOLC dans la capitale. Selon le rectorat de Paris, les CPGE mobilisent de très importants moyens. Or, à la rentrée 2023, 1 565 places financées n’étaient pas pourvues en 1re et en 2e années, écrit-il dans un communiqué de presse. Comment sont calculées ses places, s’interroge François Bozzo di Borgo, général du syndicat FO des lycées et collèges. Les CPGE ont une capacité d’accueil de 48 élèves, lorsqu’il y a un ou deux élèves de moins dans une classe, elles sont considérées en sous-effectif. Le seuil maximal de 48 élèves par CPGE semble être devenu un seuil minimum. Pourtant, les statuts précisent que les effectifs sont pléthoriques à partir de 36 élèves, là on est à 48 !, souligne Benoît Connétable. De fait, les classes concernées par les fermetures accueillent entre 35 et 47 élèves.
L’académie de Paris estime aussi que les CPGE peinent à atteindre complètement leur objectif d’ouverture sociale. Il y a un vrai problème pour faire connaître ses formations aux élèves issus de classes populaires, mais les fermer n’est pas la solution, s’agace le secrétaire académique du SNFOLC 75. Surtout que les classes sur la liste sont loin de correspondre à cette image, pointe une jeune étudiante en hypokhâgne à Chaptal, venu manifester. Dans ma promotion, il y a plein d’étudiants boursiers ou qui viennent de banlieue. C’est chouette cette mixité sociale. Très vite, elle se met à chanter avec ses camarades La prépa, c’est pas que pour les bourgeois !. Le fait est que les établissements ciblés par les fermetures sont les plus mixtes socialement mais aussi au niveau du genre, avec plus de filles que la moyenne des CPGE, pointe François Bozzo di Borgo.
Un boulevard pour le secteur privé
Les fermetures visent à financer et ouvrir d’autres CPGE à destination de néo bacheliers professionnels. C’est une bonne chose d’ouvrir ces formations, mais pourquoi cela implique la fermeture d’autres classes prépas, qui fonctionnent et recrutent ? s’interroge le secrétaire du SNFOLC. Pour son collègue de Paris, c’est une nouvelle mise en concurrence des formations entre elles. Le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) qui doit ouvrir à Henri IV ne s’adresse pas aux mêmes étudiants que la CPGE Lamartine. Idem pour les prépas pour les lycéens professionnels. Surtout, il ne s’agit pas d’ouverture à budget constant, martèle Benoît Connétable. Quatre voire cinq classes préparatoires vont fermer, mais seulement pour deux ouvertures. Il s’agit donc bien de faire des économies. D’autant que le PPPE n’est pas du tout une classe prépa : c’est un détournement des fonds dédiés au CPGE vers d’autres formations., lance le militant.
Il dénonce un cercle vicieux : avec moins de places en CPGE, les élèves vont moins y postuler, ce qui encourage à la fermeture d’autres CPGE. On va vers un mouvement de destruction massif des CPGE !. D’autant que la problématique ne concerne pas seulement Paris : des fermetures sont aussi prévues à Rennes et au Havre, mais nous n’avons pas encore toutes les informations qui sont remontées, indique François Bozzo di Borgo. Le secrétaire général du SNFOLC n’exclut pas un mouvement d’ampleur : si le problème est national, cela appelle à une mobilisation plus large. Nous n’acceptons pas ces fermetures !
Comme la plupart des enseignants, il craint pour l’offre de formation publique : Lorsque l’on ferme une classe prépa publique, cela laisse le champ libre au secteur privé. Les élèves qui ont les moyens risquent de se tourner vers des écoles avec des bachelors, à plus de 2 000 euros l’année… Derrière la fermeture des CPGE, on retrouve la logique du gouvernement qui est d’attaquer le service public, quitte à le dégrader gravement, et ce qui amène au final à faire la part belle au privé.
Les CPGE des formations académiques d’excellence
Face à cette décision incompréhensible de fermetures de classes, la mobilisation s’est organisée. Au début, chaque établissement était dans son coin pour mener la bataille. Mais après, avec l’impulsion des syndicats, et notamment de FO, les enseignants se sont regroupés pour une mobilisation d’ampleur, raconte Benoît Connétable. Outre la manifestation du 13 décembre, un premier rassemblement avait été organisé une semaine auparavant, le 6 décembre. Non loin de la rue de Grenelle et du ministère de l’Éducation nationale, près de 500 élèves et enseignants s’étaient rassemblés pour manifester leur opposition aux décisions du rectorat.
Nous avions demandé une audience auprès de la conseillère sociale du ministre, explique François Bozzo di Borgo. Mais nous avons été renvoyés vers le rectorat en précisant que c’était de sa compétence. Certes c’est l’académie qui propose une carte des formations sur son territoire, mais celle-ci doit-être approuvé par le ministère. C’est donc à Grenelle que revient la décision finale.
Et ces décisions de fermetures interviennent alors que Gabriel Attal vient d’annoncer son choc des savoirs fondamentaux. Lorsque l’on évoque les savoirs fondamentaux, évidemment que l’on pense aux CPGE qui sont des formations académiques d’excellence. Mais on les ferme. Allez savoir pourquoi, grince Benoît Connétable.