La détection de la fraude aux cotisations sociales et du travail dissimulé ne s’est jamais aussi bien portée. Mais celle-ci n’est pas toujours suivie de recouvrements effectifs, laissant un important manque à gagner à la Sécurité sociale. FO demande à muscler la législation afin de rattraper les fraudeurs et d’en finir avec un phénomène dont pâtissent les assurés sociaux.
Jamais la fraude aux cotisations sociales n’a été aussi bien détectée. En dix ans, le montant des redressements ordonnés par le réseau des Urssaf – qui a pour mission de collecter les cotisations auprès des employeurs et des entrepreneurs afin de financer le système de protection sociale – a été multiplié par quatre. En 2024, ce montant atteint 1,6 milliard d’euros, un chiffre en hausse de 34% en un an. Il regroupe deux types de redressement : les contrôles classiques à destination des entreprises n’ayant pas déclaré correctement leurs cotisations, et les contrôles visant à lutter contre le travail dissimulé.
À titre de comparaison, l’Urssaf précise que ces 1,6 milliard d’euros pourraient par exemple servir à financer la quasi-totalité des accouchements en France, ou 91 millions de consultations chez un médecin généraliste, ou encore 500 000 journées en soins intensifs. Et encore, ce montant détecté n’est pas grand-chose face aux pertes estimées – entre 7 et 9 milliards d’euros. Lorsqu’on parle de fraude, souvent, par raccourci, on pense à la fraude des assurés sociaux, souligne Eric Gautron, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale collective. Alors qu’on sait que la première des fraudes, c’est la fraude aux cotisations sociales. Donc par les employeurs.
89% des fraudes détectées ne sont pas recouvrées
Si FO salue l’effort des inspecteurs de l’Urssaf ayant réalisé ce bilan record, le syndicat tempère cette victoire. Car détection d’une fraude ne vaut pas systématiquement encaissement de la somme due. Il existe une différence notoire entre le montant des redressements qu’on nous annonce assez fièrement et les 11% réellement recouvrés, précise Eric Gautron. En effet, sur 1,096 milliard d’euros de cotisations non déclarées détectées, seuls 121 millions d’euros ont finalement été récupérés par l’Urssaf. C’est tout à fait insuffisant, affirme le secrétaire confédéral. C’est comme si un gendarme posté à un feu rouge constatait les infractions mais ne donnait pas d’amendes.
Les fraudeurs parviennent ainsi fréquemment à organiser leur insolvabilité. En tant que personne morale, il est plus aisé de s’évaporer ainsi, de chercher à échapper aux inspecteurs. Pour ces derniers, les chaînes de sous-traitance comme les sociétés éphémères compliquent aussi considérablement leur travail. Quand les autorités regardent le compte en banque de la personne, elles voient qu’il n’y a rien à saisir, explique Eric Gautron. Mais parfois il y a des biens dans son entourage, qui pourraient être saisis. Les secteurs professionnels dans lesquels l’Urssaf effectue la majorité des redressements sont le BTP (877 millions d’euros), les services aux entreprises (207 millions d’euros) et le commerce (57 millions d’euros), pour un montant moyen de 245 000 euros.
Vers une législation plus ferme pour dissuader les fraudeurs
Cette fraude a au moins un triple coût pour la société. Tout ça, c’est du manque à gagner pour la Sécurité sociale, puisque l’Urssaf récolte toutes les cotisations servant à financer la CPAM, la CAF etc., rappelle Eric Gautron. En bout de chaîne, ce sont donc l’ensemble des assurés sociaux qui en pâtissent. Deuxièmement, les salariés non déclarés dans le cadre d’un travail dissimulé ne bénéficient d’aucune couverture pour l’assurance chômage, la retraite ou en cas d’accident du travail. Enfin, du point de vue des entreprises qui restent vertueuses, c’est de la concurrence déloyale, pointe Eric Gautron.
FO appelle donc à une évolution de la législation, afin de pouvoir réellement taper au portefeuille pour dissuader efficacement les fraudeurs. Avec un objectif clair : en finir avec le fameux déficit de la Sécurité sociale, que certains attribuent à une excessive générosité du système. C’est surtout un problème de financement, affirme Eric Gautron. Il s’agit de finances qui n’arrivent pas, à cause des exonérations patronales et des milliards qui nous échappent par la fraude. Tous ces manques à gagner recouvrent peu ou prou le trou de la Sécu.
À l’approche des 80 ans de la Sécurité sociale, FO a pris la parole lors du Conseil d’administration de l’Urssaf nationale pour alerter sur une dérive délétère. Les principes de solidarité et d’universalité qui ont présidé à sa création sont aujourd’hui gravement menacés par une vision étatique qui réduit les cotisations sociales à des charges, donnant prétexte à des exonérations et conduisant inéluctablement à une fiscalisation, expose la confédération. Force Ouvrière le réaffirme avec vigueur : les cotisations sociales ne sont pas des charges, mais bel et bien du salaire différé, fruit du travail des salariés, qui doivent en bénéficier tout au long de leur vie.