Derrière les frontières qui se ferment pour lutter contre la propagation du Coronavirus se déroule aussi un autre combat, celui des travailleurs pour obtenir la préservation de leurs emplois et de leurs salaires. La CES (Confédération européenne des syndicats) a dressé le 27 mars un bilan de mesures obtenues par les organisations syndicales, sur la base d’une enquête réalisée par l’ISE-ETUI (Institut syndical européen).
Selon l’ISE, dix-huit pays de l’Union européenne, ainsi que la Norvège et le Royaume-Uni, ont pris à ce jour des mesures à court terme visant à protéger les emplois et les salaires des travailleurs dont l’activité a été suspendue ou réduite en raison de la crise sanitaire. Des mesures qui ont découlé de propositions des organisations syndicales et/ou de négociations menées par les organisations syndicales avec les employeurs et les gouvernements, souligne la CES (Confédération européenne des syndicats). En voici quelques exemples.
Réduction du temps de travail, aides d’État…
En Autriche, une négociation tripartite a débouché sur une réduction du temps de travail, désormais limité à un maximum de 90 % de la durée du travail légale appliquée en période normale (il ne peut non plus descendre en deçà de 10 %). Les salariés à bas salaire recevront 90 % de leur rémunération habituelle tandis que ceux qui ont un salaire moyen ou un haut salaire recevront respectivement 85 % et 80 % de leur rémunération normale. Pour rappel, en 2018, le gouvernement autrichien avait imposé un allongement de la durée du travail (le maximum hebdomadaire était passé de 50 heures à 60 heures et le maximum quotidien de 10 à 12 heures).
Aux Pays-Bas, le gouvernement a annoncé le maintien pendant trois mois des revenus des salariés. Pour ce faire, les entreprises pourront − en fonction de la perte de leur chiffre d’affaires − bénéficier d’une aide d’État. Cette mesure concerne aussi les travailleurs intérimaires et les contrats à durée déterminée.
Au Danemark, l’État subventionne temporairement les salaires pour les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire de façon à ce que les salariés continuent de percevoir 100 % de leur salaire. L’État finance 75 % des salaires inférieurs à 23 000 DKK (environ 3 000 euros) depuis le 9 mars et le fera jusqu’au 9 juin. Durant cette période, les entreprises concernées doivent s’abstenir de procéder à des licenciements économiques.
En Roumanie, l’accord tripartite passé le 18 mars pour une durée de trente jours prévoit notamment que les travailleurs dont l’entreprise aura cessé son activité perçoivent au minimum deux tiers de leur salaire habituel. Ils ne pourront pas être payés en deçà du salaire minimum.
En Espagne, le 27 mars, le gouvernement a adopté un décret interdisant à partir du 28 mars les licenciements qui auraient le Coronavirus pour motif. Les contrats temporaires ne pourront pas être rompus, seulement suspendus jusqu’au retour à la normale. Le gouvernement a aussi mis en place des procédures simplifiées pour le chômage partiel.
Protéger aussi les travailleurs indépendants
Au Royaume-Uni, le gouvernement s’est engagé à rembourser 80 % des salaires plafonnés à 2 500 livres sterling (soit 2 800 euros) des salariés mis provisoirement au chômage. Cette mesure s’appliquera pendant trois mois, période qui pourra être prolongée dans un second temps. Le 26 mars, le gouvernement a annoncé qu’il garantira aussi dans les mêmes proportions les revenus des travailleurs « indépendants ».
En Italie, le 16 mars, le gouvernement a étendu le champ d’application de ses deux fonds de garantie des salaires à l’ensemble des entreprises, de tous secteurs, de toutes régions, y compris aux TPE de moins de cinq salariés et ce pour une durée de neuf semaines. Le revenu des travailleurs indépendants (l’Italie est le pays européen qui en compte le plus) a été partiellement exonéré de charges au mois de mars.
Partout en Europe, les syndicats veillent à ce que les personnes n’aient pas à choisir entre rester en sécurité ou payer leurs factures durant la crise du Coronavirus
, souligne Esther Lynch, secrétaire générale adjointe de la CES.
La CES favorable aux Corona bonds et à la suspension des recommandations économiques à destination des États de l’UE
Au-delà de la protection des travailleurs, explique-t-elle, les politiques raisonnables mises en place pour protéger les salaires et les emplois contribueront également à faire en sorte que l’Europe ne se retrouve pas face à une nouvelle crise économique dévastatrice en plus de l’actuelle urgence sanitaire.
Soulignant que les gouvernements qui tardent à agir devraient suivre l’exemple d’autres pays européens et s’asseoir autour de la table avec les syndicats pour définir les mesures à même de protéger les moyens de subsistance des travailleurs et la santé publique
, la CES appelle les responsables européens à s’assurer que les fonds nécessaires sont disponibles afin de protéger les travailleurs et l’économie
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Pour ce faire, l’organisation européenne est favorable à l’émission d’obligations « corona » à faible intérêt et à la suspension des recommandations économiques à destination des États membres
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Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly