Quelque 500 délégués ont participé au 24e congrès de la fédération FO Com qui s’est tenu du 19 au 23 février 2024 à Bordeaux. Les services publics, les salaires, les conditions de travail… Ces préoccupations ont été au cœur des débats de l’instance de la fédération, laquelle regroupe notamment les agents et les salariés de La Poste et d’Orange, mais aussi des entreprises de télécommunication (Free, SFR, Bouygues, etc). Au cours de ce congrès où les enjeux de la création du CSE à La Poste ont tenu une large place dans les interventions des militants à la tribune, Christine Besseyre a été réélue pour un second mandat à la tête de la fédération.
En quatre ans, la fédération FO Com, regroupant La Poste, Orange et la branche Télécom a été très active. Pendant la pandémie de covid-19, nos syndicats ont assuré la sécurité des travailleurs. Ils ont travaillé en visio, se sont déplacés sur les sites, malgré les risques, pour soutenir leurs collègues et assurer la continuité de service. Ils ont su maintenir la continuité du dialogue social, négocier en urgence des accords de télétravail a salué Christine Besseyre, secrétaire générale de FO Com, en ouvrant le 20 février le 24e congrès national de la fédération au Palais des congrès de Bordeaux.
Comme l’a fait remarquer Frédéric Souillot, le secrétaire général de la confédération venu saluer les congressistes le 22 février, la fédération s’est aussi fortement mobilisée pendant la réforme des retraites. En février 2024, elle est également montée au créneau auprès de la direction de La Poste pour exiger des mesures de sécurité pour les postiers, face au climat d’insécurité et de violence à Mayotte perturbant le bon fonctionnement des missions publiques.
Durant ce congrès, 500 militants venus de toute la France, représentant les 166 syndicats FO implantés à La Poste, chez Orange ou encore Iliad, ont débattu et travaillé à établir une feuille de route pour les quatre ans à venir. Le rapport d’activité de la fédération a été adopté par les congressistes à 81,75 %, le rapport de trésorerie à 91,65 %.
Avec trente-neuf interventions à la tribune, les échanges ont illustré la combativité des militants car à La Poste ou chez Orange, les enjeux sont nombreux, a rappelé Christine Besseyre : transformation des emplois avec la numérisation, missions de service public menacées par les politiques d’austérité. Fustigé aussi : le désengagement de l’État, tant à La Poste que chez Orange, ce qui a pour effet d’entraîner une insuffisance patente de moyens, avec pour conséquences une dégradation des conditions de travail et des suppressions d’effectifs.
La défense d’un service public postal
Ainsi, la place de l’État ne cesse de diminuer. Désormais il est actionnaire qu’à 23 % chez Orange. Et concernant La Poste, la baisse de la compensation financière publique est évaluée à 4 milliards d’euros depuis 2016. A la tribune, les délégués ont particulièrement dénoncé les conséquences délétères pour La Poste et ses missions publiques de ce retrait de l’État. Ainsi, pour les postiers, en Ille-et-Vilaine, cette baisse d’engagement de l’État se traduit par une dégradation des conditions de travail, au rythme incessant des réorganisations, avec suppression d’emplois à la clé. La branche colis et courrier subit des réorganisations continuelles, au nom d’un leitmotiv de performance. La nouvelle gamme courrier, mise en place depuis janvier 2023, et le J+3 comme standard de distribution n’a fait qu’accélérer les organisations de travail flexibilisées, avec le recours aux intérimaires en renfort. Tout cela a fait augmenter l’absentéisme, le taux d’accidents du travail, et le désintérêt croissant du travail ! a souligné Laetitia, représentant FO Com 35. La Poste organise la paupérisation de son personnel, a lancé à la tribune Danièle Ferrin, de FO Com des Côtes d’Armor, qui a fustigé le directoire de La Poste qui fragilise notre outil de travail avec sa gestion aléatoire, cent millions d’euros de pénalités par ci, cent millions d’euros de redressement fiscal par là. Elle aussi a dénoncé le désengagement financier de l’État. Il oublie que le service public est une de ses missions.
Dans sa résolution générale, adoptée à l’unanimité le 22 février, le congrès rappelle son attachement à la définition du service public postal et exige que soit compensé à l’euro près le coût du service universel postal et de toutes les missions confiées à La Poste. Il condamne les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur le budget de l’État en 2024, annonce récente faite par le gouvernement et signe d’un supplément d’austérité. Le congrès appelle à combattre par tous les moyens les stratégies de productivité, faites d’outils bien connus : la fermeture de bureaux de poste, la suppression d’emplois, cela conduisant à la dégradation des conditions de travail.
A La Poste, l’urgence d’augmenter les salaires
Dans le Val-de-Marne, les réorganisations à La Poste sont menées au pas de charge, nous n’avons aucune visibilité a témoigné Delphine, de FO Com 94, qui a insisté aussi sur l’urgence d’augmenter les salaires : Dans mon département, nous avons encore certains agents qui dorment dans leur voiture faute d’un salaire suffisant pour pouvoir aborder la location d’un logement. On fait ce que l’on peut pour les aider avec le service social de La Poste, mais ce n’est pas supportable. Qu’est-ce qu’on attend pour rehausser les grilles de salaires pour que nos facteurs puissent vivre décemment ?, a-t-elle alerté.
De nombreux militants ont ainsi revendiqué des hausses de salaires pour les postiers, encore plus cruciales face à l’inflation et aux difficultés qu’ils rencontrent pour se loger. Alors que les NAO 2024 sont actuellement en cours, la première proposition de la direction, soit une augmentation générale de 0,6 %, est une provocation s’est indigné Mustafa Ramdani, délégué départemental FO Com à La Poste des Hauts-de Seine. Les militants ont aussi dénoncé des stratégies inacceptables de la direction œuvrant à un non-respect d’accords signés à La Poste. Et d’évoquer, par exemple, le cas de primes de mobilité dans les centres financiers. Des primes au final nettement moindres que les dispositions actées par accord.
Dans sa résolution, le congrès revendique l’augmentation des salaires, un treizième mois pour tous, et la revalorisation du point d’indice pour les agents, fonctionnaires, à La Poste et chez Orange. Il dénonce le dumping social interne pratiqué tant à La Poste que chez Orange entre maison mère et filiales, la sous-traitance et l’utilisation massive aux contrats précaires.
CSE à La Poste : affronter ce défi et le réussir
Alors que La Poste va basculer dans le système du CSE (comité social et économique) au 31 octobre prochain, l’enjeu des élections professionnelles de ces nouvelles instances a aussi largement occupé les débats. Si la fédération condamne la philosophie même du CSE, imposé par la loi, diminuant le nombre d’instances et les moyens des élus, elle s’y prépare activement : il va falloir renforcer le syndicalisme de proximité, via les représentants de proximité a souligné Christine Besseyre, appelant par ailleurs les militants à se sensibiliser à la santé et la sécurité au travail, au-delà des commissions SST.
En vue des élections, dix accords (concernant les périmètres, moyens syndicaux…) ont déjà été négociés et signés par FO Com. Et les militants de La Poste ont été formés au CSE. Ce CSE, nous sommes contre. Mais il nous faut affronter ce défi et le réussir. Dans les accords, nous avons tout mis en œuvre pour arracher des moyens, notamment des audiences et des bilatérales, concernant le dialogue social a souligné Michaël Amsilli, coordinateur FO Com au sein des Directions à compétences nationales (DCN) de La Poste.
Le militant a rappelé les atouts de FO pour aborder ce cap. FO est ainsi le deuxième syndicat dans les directions transverses de La Poste. Et dans d’autres secteurs, l’organisation affiche déjà aussi une audience importante. FO est ainsi le deuxième syndicat représentatif (avec 21,13 %) dans les CAP de la branche colis. Et troisième chez les fonctionnaires, avec 19,42 % des voix en 2022 lors des élections aux CAP (Commissions administratives paritaires). On est en ordre de marche pour réussir cette aventure complexe du CSE. Le réseau des militants des coordinations départementales va devenir très important a appuyé Sébastien, coordinateur FO Com pour la région Bretagne.
Orange, une représentativité à reconquérir
Dans ce congrès, la perte de représentativité chez Orange a bien sûr été évoquée. Mais en mode détermination afin de retrouver la place que FO doit avoir. En 2023, lors des élections aux CSE, FO a perdu de peu sa représentativité, à 54 voix près. La baisse des effectifs du groupe, l’augmentation du nombre de cadres n’ont pas été sans conséquences sur le scrutin, a analysé Christine Besseyre. La secrétaire générale a appelé à rester combatif, notamment auprès des cadres : Nous avons quatre ans pour relever le défi, et faire en sorte qu’il s’agisse d’un simple accident de parcours.
Dans sa résolution, le congrès s’engage à lutter contre le plan stratégique d’Orange qui accentue encore l’objectif d’économies. Après 700 millions d’économies entre 2019 et 2022, ce plan prévoit en effet 600 millions d’euros en moins d’ici 2025. Avec des suppressions d’emplois à la clé : Il va falloir défendre les salariés. Orange annonce déjà 643 départs volontaires dans sa filiale Business. C’est un signal d’incertitude fort pour l’ensemble du personnel a lancé à la tribune Céline Rémond, responsable du secteur Orange chez FO Com. Evoquant la sous-traitance accrue, elle a en outre rappelé que 4 000 à 6 000 départs par an n’étaient pas compensés par des embauches chez Orange.
Faire face à la filialisation
Qu’ils soient issus de La Poste ou de chez Orange, les congressistes ont maintes fois évoqué le problème de cette filialisation grandissante en France. Pour les salariés basculant ainsi sous d’autres conventions collectives, (comme ceux des boutiques Orange employés par La générale du téléphone, filiale d’Orange), il nous faut bâtir des revendications spécifiques pour eux » a souligné Christine Besseyre. A la fin du congrès, elle a ainsi annoncé qu’après validation de la confédération, les filiales d’Orange, de La Poste et de la branche télécom seraient désormais rattachées à FO-Com pour « répondre aux questions de ces salariés et développer une action syndicale plus cohérente. De quoi s’armer pour les prochaines années.
Réélue pour un second mandat à la tête de la fédération, Christine Besseyre l’a réaffirmé avec force : réussir la mise en place des CSE à La Poste, reconquérir notre représentativité chez Orange et développer nos syndicats vont être nos priorités. En cette période d’austérité, il ne faut rien lâcher !. C’est bien une fédération en ordre de marche et combattive qui sort de ce 24e congrès.