Yves Veyrier était « L’invité de l’économie » de la matinale de Radio Classique, vendredi 20 mars.
Sur la mise en place du télé travail de masse, sur la sécurité des salariés qui continuent à se rendre sur leur lieu de travail, est-ce ce que l’éco ne ralentit pas un peu trop ?
Yves Veyrier : Un peu trop ? Par rapport à la santé de l’ensemble de la population et à commencer par les salariés, leur famille et leurs proches, ça ne sera jamais un peu trop ! L’enjeu est prioritairement de mettre tous les moyens pour assurer la protection de la santé et la sécurité, évidemment des agents des services publics, mais aussi de l’ensemble des salariés qui sont mobilisés en matière de santé, en matière d’approvisionnement. Il faut se concentrer là-dessus ! Et avant de nous dire qu’il faut déroger aux règles du Code du travail, comme entend le faire le gouvernement, moi j’appelle le gouvernement à mettre tous les moyens. Vous savez on nous a parlé de guerre, en temps de guerre, et j’espère que ça n’arrivera plus, on est capable de produire massivement des systèmes de protection, des casques des blindages… Et bien là il faut que le gouvernement mette tous les moyens pour ce qu’il y ait des masques, des gels, des parois de plexiglace protectives pour tous ceux qui sont au contact du public et qu’on mette en place des organisations du travail. Vous parliez de télétravail, mais là, où on est obligé physiquement d’aller travailler il faut qu’on y aille en toute sécurité.
Il y a des excès des deux côtés, il y a des salariés légitiment inquiets, de l’autre côté il y a des cas, comme l’employeur Amazon qui menace de ne pas payer les salariés qui menacent de ne pas venir travailler, on est quand même dans le flou.
Le flou il vient du fait qu’on priorise la rentabilité de l’entreprise sur la santé et la sécurité, non seulement des salariés, mais y compris, si ces salariés sont dans des secteurs essentiels en ce moment, on met en péril leur sécurité ; on va mettre en péril la santé et la sécurité de toute la population. Donc il faut sécuriser complètement tout ce qui est essentiel en ce moment. Les premiers quinze jours de confinement, la priorité doit être à mettre tous les moyens pour qu’on sécurise vraiment. Quand un salarié est inquiet pour sa santé, c’est parfaitement légitime ! Donc il faut surtout faire en sorte qu’il ne le soit pas. Pour cela, il faut que concrètement la sécurité et la santé soient assurées.
J’entends, vous ouvrez grand le parapluie, vous défendez les salariés. Quand on regarde ce qui s’est passé en Italie, les syndicats et patronats ont trouvé assez rapidement un accord pour sécuriser les conditions de travail. Ce même accord, la CFDT et le Medef aimeraient bien qu’il soit retransposé en France. Je lis Le Figaro, qui dit « La CGT et FO ne veulent pas le signer ».
Le Figaro il écrit avant que se passent les choses. La question n’était pas de signer un accord de type italien, parce que l’accord en Italie il a pour objectif d’édicter des règles que l’état (parce que l’organisation est beaucoup plus régionalisée au plan national) n’est pas capable de mettre en œuvre. Hier, nous avons réuni les 3 organisations patronales et les 5 organisations syndicales, de 18h à 21h, nous nous sommes mis d’accord sur un relevé de notre réunion qui dit des choses importantes. Premièrement, nous sommes attachés à notre liberté de comportement. Nous ne sommes pas des supplétifs des pouvoirs publics. Par contre, nous appelons les pouvoirs publics à mettre en œuvre avec les entreprises tous les moyens indispensables à la protection de la santé et la sécurité des salariés devant travailler, ça c’est la priorité ! Nous insistons sur l’importance dans ce contexte du dialogue social et de la négociation collective. Il faut que dans toutes les entreprises, à tous les niveaux, on réunisse les comités sociaux économiques, les commissions qui représentent les salariés à travers leurs délégués élus, y compris dans les très petites entreprises. On va mobiliser les instances de dialogue social, pour examiner justement tous les points de difficultés, les faire remonter et demander à ce que des solutions soient apportées. Bien évidemment, on a hier soir, salué l’engagement de tous les agents des services publics, de tous les salariés qui sont mobilisés en ce moment, dans le secteur de la santé et y compris en matière de continuité d’approvisionnement.
Yves Veyrier on évoque l’idée d’une prime Macron bis, une prime qui serait versée aux salariés qui doivent occuper leur poste. Vous en pensez quoi ?
J’espère que l’idée n’est pas de mettre en péril la santé contre une prime. Il va de soi que la question que nous posions depuis longtemps, par exemple, sur les moyens de services publics, les moyens des hôpitaux… Il y a eu suffisamment d’alertes données depuis des mois et des mois, pour ne pas dire des années. Les conditions de travail de salariés, dans des secteurs aujourd’hui qui sont très mobilisés, sont souvent des secteurs où on n’est pas très bien rémunéré, avec des conditions de travail difficiles. Je pense aux transports, je pense à tout le secteur de l’agro-alimentaire, l’alimentation, où les agents à la caisse des supermarchés et des petits commerces, qui sont souvent des métiers précaires, mal rémunérés ; aujourd’hui ce sont les héros qu’on doit saluer, féliciter et protéger !
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly