Yves Veyrier : « À l’OIT, pour que les actes soient en cohérence avec la parole »


C ette semaine s’est ouverte la 108e Conférence internationale du travail à Genève. Outre son examen du respect des normes internationales du travail par les différents pays, dont vingt-quatre feront l’objet d’une attention particulière du fait notamment d’infractions graves à la liberté syndicale, elle doit être celle de l’adoption d’une convention importante, destinée à lutter contre toutes les formes de violence et de harcèlement au travail, sujet revenu à la une de l’actualité en France avec le procès concernant France Télécom.

Mais cette conférence est aussi celle du centenaire de l’OIT, qui affirmait à sa constitution qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale.

Une commission doit, à ce titre, préparer une déclaration dont nous attendons qu’elle soit à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui, celui justement de la justice sociale dans un contexte où les tensions s’accroissent, où les risques de conflits resurgissent, où les protections sociales acquises par les luttes syndicales et la négociation collective sont remises en cause jusque dans les pays démocratiques en Europe.

Nombreux sont les chefs d’État qui devraient intervenir devant les délégués, au nombre de 5 000, annonçait le directeur général Guy Ryder. Le discours du président de la République, le 11 juin, s’est inscrit dans la lignée de la parole de l’État français, affirmant l’engagement historique de la France en faveur des normes internationales du travail et de l’OIT.

En ce sens, s’est-il laissé emporter par l’esprit du lieu en affirmant qu’il refuserait désormais tout accord commercial qui conduirait à des régressions sociales ou environnementales ? Il sera en tout cas attendu par les représentants des travailleurs.

S’il a d’ailleurs aussi repris à son compte l’enjeu de la cohérence sociale [1] du système multilatéral, je lui ai pour ma part rappelé que nous militions pour que la cohérence soit aussi celle du discours et des actes dès le niveau national, au risque sinon d’affecter le crédit de la parole portée au niveau international.

J’ai souligné en particulier que cela demande le respect de la liberté de négociation collective et la non-ingérence du gouvernement dans celle-ci – quant à son contenu comme à son niveau. Je pensais, pour ce qui nous concerne, à la négociation des salaires minima hiérarchiques dans les branches, où le gouvernement émet des réserves et des exclusions à l’extension, rendant non applicables des éléments de rémunération au prétexte qu’ils vont au-delà de ce que prévoient la loi et les ordonnances travail.

J’ai aussi appelé à un dialogue social respectueux de l’indépendance des interlocuteurs sociaux, qui tienne compte de ce que portent les syndicats dans l’intérêt des travailleurs, y compris au niveau interprofessionnel, quand c’est par la presse que nous sommes informés des intentions et décisions du gouvernement, comme sur l’Assurance chômage ou la retraite ces derniers jours.


[1] Les travailleurs soutiennent, depuis les années 1990, l’introduction d’une forme de clause sociale, de conditionnalité ou de cohérence sociale, dans les échanges commerciaux notamment, qui conduise à ce que l’économie serve l’objectif de la justice sociale, à l’encontre de l’illusion libérale de la main invisible du marché.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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