De Renault Billancourt il ne reste presque plus rien. Pour préserver la mémoire industrielle de la ville, une promenade sonore a néanmoins été créée, qui réveille ce passé pas si lointain.
Voyage en industries est une balade un peu déstabilisante. On peut l’effectuer librement, smartphone à l’oreille ou s’inscrire dans l’une des visites guidées que propose régulièrement le Pavillon des projets (certaines sont menées par d’anciens travailleurs de Renault) pour découvrir le passé industriel et ouvrier de Boulogne-Billancourt. Mais entre l’histoire qui coule dans vos oreilles et l’environnement actuel du quartier, presque totalement rasé et reconstruit ces dernières années, le changement est considérable.
Les neuf stations qui rythment ce parcours d’une heure trente sont chacune animées par un texte enregistré (qui dure 5 à 6 minutes) et un texte écrit. Le tout est également accessible en ligne sur le site du parcours et enrichi de documents d’époque. Si Renault occupe une bonne partie du récit, la ville n’oublie pas non plus qu’elle fut le siège de nombreuses tanneries, blanchisseries, des premiers constructeurs d’avions ou encore des Ateliers de Boulogne qui créèrent la cocotte-minute (baptisée auto-thermos à l’époque).
L’ex-plus grande usine de France
Pour la réalisation des vignettes sonores, des historiens et sociologues ont été sollicités, d’anciens salariés de Renault ont également été interviewés. Du passé agricole de l’île à son industrialisation totale, de l’introduction du fordisme et du taylorisme au premier accord d’entreprise et à la troisième semaine de congés payés, des conditions de travail difficiles aux apports des premiers comités d’entreprise : ce qui fait l’histoire de l’ex-plus grande usine de France (dans les années 1930) est brossé à grands traits.
On est tous attachés à prolonger la mémoire de Renault à Boulogne-Billancourt, souligne Daniel Théry, le secrétaire général d’Ametis (Association de la maîtrise, de l’encadrement et des techniciens de l’île Seguin), l’une des associations participantes. Et on a maintenant des relations plus apaisées. Lui-même a travaillé de 1965 à 1985 sur l’île et a connu différents mouvements sociaux déclenchés sur le site.
Témoignages des anciens de Renault
Il y a une histoire forte dans cette entreprise, reconnaît Arezki Amazouz ancien ouvrier spécialisé et président d’Atris (l’association des anciens travailleurs de Renault Billancourt sur l’île Seguin). Boulogne-Billancourt a rassemblé jusqu’à 38 000 ouvriers au lendemain de la nationalisation. Au fil des années un million de travailleurs de 53 nationalités se sont succédé sur les chaînes, parfois ils ne parlaient pas la même langue. Le CE a fait un énorme travail d’alphabétisation.
De cette épopée industrielle ne demeure aujourd’hui que le bâtiment Dreyfus (celui de la direction), un fronton déposé devant le lycée Jules-Guesde et la sirène sur la place du même nom. Pour la petite histoire, celle-ci n’a jamais eu de rôle dans la production de la moindre automobile. Elle avait été érigée pendant la deuxième Guerre mondiale pour alerter en cas de bombardement. Et elle a sonné le jour de la sortie des lignes de l’île Seguin de la dernière auto produite sur le site, en 1992, précise Daniel Théry.