Une nouvelle directive européenne instaure une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, jusqu’ici en proie à un « troisième statut » désavantageux. Mais le chemin de la transposition dans le droit français est semé d’embûches.
C’est à Paris que s’est déroulée, les 25 et 26 septembre, la troisième édition du « Platforum », le plus grand rassemblement syndical consacré aux travailleurs des plateformes numériques. Tout un symbole, car la France est l’un des deux pays de l’Union européenne à s’être opposé jusqu’au bout à la directive européenne sur l’économie des plateformes, en gestation depuis trois ans et qui a finalement fait l’objet d’un relatif consensus au début de l’été.
Si de nombreux acteurs, dont FO, l’auraient voulue plus protectrice, il ne faut pas sous-estimer cette directive, analyse Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat FO-VTC. Les travailleurs sont très contents qu’il y ait au moins un espoir. Le militant s’est donné pour objectif de faire entendre la voix des invisibles, des forçats du bitume, luttant contre le « troisième statut » – ni salarié, ni indépendant – qui mine les droits de ces travailleurs.
Transparence des algorithmes
Selon le texte, la charge de prouver que le travailleur est bien indépendant incombe désormais aux plateformes, ouvrant la voie à une requalification de la relation de travail en salariat s’il est manifeste que la plateforme exerce un contrôle sur le travailleur ou dirige son action. Autre objectif ambitieux : la transparence des algorithmes organisant le travail et celle de l’utilisation des données personnelles des travailleurs par les plateformes.
Les États membres ont désormais deux ans pour transposer la directive dans leur droit national, mais comment le feront-ils ? Cela dépend de leur bonne volonté, rappelle Tea Jarc, secrétaire confédérale à la Confédération européenne des syndicats (CES). De nombreux défis se dressent sur le chemin d’une transposition juste, parmi lesquels l’absence de moyens suffisants pour contrôler l’application de la loi.
Actuellement en France, le modèle de dialogue social concernant les plateformes numériques passe par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Un système loin d’être satisfaisant, indique Brahim Ben Ali, qui, d’ailleurs, le combat. L’ARPE ne sert qu’à faire gagner du temps aux plateformes et à éliminer les faisceaux d’indices pouvant permettre la requalification, souligne le militant.