Alors que les intérimaires continuent de payer un lourd tribut en matière de santé et de sécurité, FO a rappelé, lors de la réunion d’une réunion, le 27 mars 2025, au ministère du Travail, que les constats ne suffisent plus. Il est temps d’agir, de donner aux droits d’alerte une suite concrète, et de garantir aux intérimaires les mêmes protections que les autres salariés.
Les intérimaires en première ligne
Les interlocuteurs sociaux de la branche du travail temporaire, dont FO, ont été conviés le 27 mars 2025 par la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid PANOSYAN-BOUVET, dans le cadre d’une réunion du Conseil national d’orientation des conditions de travail (CNOCT), consacrée au renforcement des engagements en matière de prévention des accidents du travail, notamment les plus graves et mortels.
Ce rendez-vous s’inscrit dans la continuité du « Plan JO » et de ses premiers bilans. À cette occasion, la branche du travail temporaire a une nouvelle fois été pointée du doigt, avec un chiffre alarmant : 30 % des accidentés du travail sont des salariés intérimaires.
FO n’a pas attendu cette rencontre pour alerter sur la situation.
Déjà, lors de nos échanges avec le ministère du Travail à l’issue de la période Covid, dans le cadre des négociations sur les salaires minima de branche, nous avions alerté sur les conditions de travail dégradées de certains intérimaires, évoquant notamment le cas dramatique d’un salarié dans une entreprise utilisatrice en Seine-et-Marne (77). Pourtant, un droit d’alerte avait été déclenché et l’Inspection du travail s’était déplacée à deux reprises sur les lieux.
Le constat du CNOCT
La ministre a ouvert la réunion en soulignant que le nombre d’accidents du travail mortels ne baisse plus. En 2023, 810 accidents mortels ont été recensés, notamment dans l’agriculture, le transport, le BTP et le travail temporaire. Parmi eux, 63 intérimaires ont perdu la vie, le plus souvent lors de manutentions, de chutes ou d’accidents de la route.
Face à ce constat, la ministre appelle à un renforcement du dialogue de branche, en lien avec la Direction Générale du Travail (DGT), pour construire des engagements concrets. Si des efforts de prévention existent déjà dans la branche (prévention primaire, accompagnement social), ils doivent être amplifiés, en particulier :
• par un meilleur accueil et une formation renforcée des intérimaires,
• par un suivi post-accident structuré,
• par une coordination plus solide des actions menées par la branche.
Le tour de table des interlocuteurs de la branche
Du côté patronal, les représentants ont admis que les intérimaires sont plus exposés aux risques que les salariés en CDI, en raison de leur mobilité, leur affectation fréquente à des postes dangereux, et de leur faible ancienneté.
Les représentants patronaux ont dénoncé une application insuffisante des préconisations des CARSAT, et proposé de s’inspirer des référentiels MASE pour structurer la prévention.
Ils ont également proposé :
• de réactualiser l’accord SST de 2017, jugé obsolète,
• de renforcer les CSSCT en créant des passerelles avec les CSSCT des EU,
• d’améliorer les EPI fournis par les ETT,
• de renforcer les liens avec les services de santé au travail des EU,
• de rendre obligatoire la transmission des fiches de poste des EU aux ETT.
Les revendications de la délégation FO
FO a rappelé l’urgence d’un changement de méthode, fondé sur le retour du terrain et notamment la prise en compte effective des droits d’alerte.
Des accidents sous-déclarés
Beaucoup d’accidents ne sont pas déclarés : les intérimaires craignent de perdre leur mission. Les salariés en CDI-I, mieux protégés, déclarent davantage, ce qui biaisent les statistiques.
Une double responsabilité : EU et ETT
• Les EU affectent souvent les intérimaires aux postes les plus dangereux : FO demande l’accès aux tableaux de fréquence et de gravité pour comparer les expositions.
• Les ETT, en surcharge, ne produisent pas toujours de fiches de poste fiables, et les visites médicales d’embauche sont souvent absentes, en raison du manque de médecins du travail et du turn-over.
Sur la téléconsultation
FO s’oppose à une téléconsultation sans encadrement. Un intérimaire pourrait dissimuler une pathologie pour ne pas perdre sa mission. Une téléconsultation est envisageable uniquement en cabinet médicalisé, avec la présence d’une infirmière.
Vieillissement des intérimaires
L’âge moyen a augmenté d’un an en cinq ans. FO demande une visite médicale renforcée pour les travailleurs de plus de 60 ans.
La Ministre a conclu la réunion en précisant que des interventions de la CPAM et de la DGT auront lieu, suivies d’un tour de table. La Ministre a indiqué qu’elle attendait un accord à ce sujet fin 2025.
FO restera particulièrement attentive à ce que les travaux engagés ne se limitent pas à une énième analyse rétrospective des accidents. Ce qu’il faut, c’est un suivi dynamique des droits d’alerte, une reconnaissance concrète des remontées syndicales comme les droits d’alerte, et des actes à la hauteur des enjeux.