À l’approche du seul jour férié « obligatoirement chômé et rémunéré pour tous les salariés », artisans boulangers et fleuristes demandent une évolution de la loi pour pouvoir faire travailler leurs employés le 1er mai. En réponse, le syndicat Force Ouvrière 66 réplique « le 1er mai est un totem social ».
Suite à la relaxe de cinq boulangers par le tribunal de police de La Roche-sur-Yon, en Vendée, verbalisés après avoir ouvert et employé des salariés le 1er mai 2024, des sénateurs centristes ont déposé une proposition de loi pour « permettre à certains salariés volontaires de travailler le jour de la fête du Travail. Bien entendu, ils seront payés double, percevant leur salaire habituel plus une indemnité égale à ce salaire ». De son côté la sénatrice vendéenne Annick Billon était interpellée par la Fédération française des artisans fleuristes (FFAF) sur « une situation ubuesque ». Précisant « Ils (les fleuristes) n’ont pas le droit d’ouvrir le 1er mai alors que les vendeurs de muguet présents dans l’espace public sont eux autorisés d’exercer leur commerce ». Ajoutant « il faut donc clarifier la loi ».
C’est en effet un sujet complexe. Les trois patrons fleuristes et le boulanger perpignanais contactés par l’Indépendant ont tous tenu à garder l’anonymat. Ils confirment qu’ils ouvriront bien leur boutique jeudi 1er Mai, mais « uniquement en matinée ». Et sans salarié. Cette cheffe d’entreprise confie « je travaillerai aux côtés de son conjoint ». Un confrère : « Je serai tout seul. J’ai trois salariés mais ils seront de repos ». La troisième fleuriste interrogée reconnaît, « oui, il m’est arrivé de faire une entorse à la loi en ce jour très spécial pour notre profession, toujours à flux tendus. Mais je vous rassure, mes deux employées étaient d’accord pour venir me donner un coup de main et ont été payées double ». Quant à l’artisan boulanger il sera « bien présent, mais seul, jeudi pour accueillir mes clients. Je laisserai mon apprenti profiter de sa journée off ».
Entre 750 et 1500 euros d’amendes pour le chef d’entreprise surpris à faire travailler ses salariés un 1er mai
Stéphanie Sicart, de la Fédération de la Boulangerie et Boulangerie-Pâtisserie des Pyrénées-Orientales, précise : « La loi actuelle n’interdit pas d’ouvrir le 1er Mai à des boulangers chefs d’entreprise, s’ils le souhaitent. Une certaine tolérance existe aussi pour le conjoint collaborateur ou toute personne avec qui il peut prouver un lien familial et qui n’est pas habituellement embauché. Ce qui est passible de sanctions c’est de faire travailler ses salariés ou ses apprentis le jour de la fête du Travail. II s’expose alors à des amendes qui peuvent vite grimper : 750 euros par salarié à 1500 euros par apprenti. Cependant il existe des exceptions et des dérogations : être l’unique boulanger de sa commune, assurer au quotidien des livraisons de pains en Ehpads ou en centres hospitaliers ».
De son côté Damien Ribeiro, le directeur de la Maison de l’Artisan, souligne, « c’est une problématique qui revient sur le devant de l’actualité chaque année depuis 40 ans à la même période. La plupart des fleuristes que je reçois me disent que le 1er Mai est un acquis. D’autres que la législation ne repose sur aucune dérogation légale explicite ». Le débat lui ne chôme pas.
Force Ouvrière 66 : « Le 1er-mai n’est pas à vendre »
Jérôme Capdevielle, le secrétaire général de l’Union Départementale FO des Pyrénées-Orientales, livre son analyse sur la fête des travailleurs qu »il considère comme étant « un totem social ».
« Le 1er Mai, désolé mais on n’y touche pas ! C’est presque sacralisé en France. C’est un totem social gagné de haute lutte en 1889 par nos prédécesseurs. Après, que les patrons prennent l’initiative d’ouvrir ce jour-là leur magasin, puisqu’on évoque ici le cas des boulangers et des fleuristes, et de travailler en solo, libres à eux. Mais ce qui pose problème au défenseur des droits des travailleurs que je suis, c’est cette « carotte » – le doublement de salaire – que tendent certains chefs d’entreprise à leurs salariés sur la base de ce ‘volontariat subi’ me fait bondir. Et fait bondir FO qui dénonce avec force la demande émanant de certains boulangers et fleuristes, soutenus par le gouvernement, d’ouvrir leurs commerces le 1er mai. C’est en totale contradiction avec une décision claire de la Cour de cassation en 2006 et des contrôles de l’inspection du travail. Le 1er mai n’est pas à vendre. Il appartient aux salariés et il doit rester chômé et payé ».
L’indépendant le 29 avril 2025 – Valérie PONS
