Transports : FO revendique un « vrai » déconfinement


Au quatrième jour de la première étape du déconfinement, les images de quais et de rames de métros parfois bondées, où l’on voit des voyageurs dans l’impossibilité de respecter la distanciation physique préconisée pour enrayer la pandémie, continuent de circuler sur les réseaux sociaux. La plupart concerne la région parisienne où les moyens de transport n’étaient déjà plus à la hauteur des besoins bien avant la pandémie. Pour les personnels, la situation est aussi très difficile dans les zones moins fréquentées. La question des protections sanitaires se pose comme celle des effets des suppressions d’emplois et des fermetures de guichets de ces dernières années qui se font cruellement sentir. FO refuse la gestion de la pénurie et y oppose des revendications pour réaliser un vrai déconfinement respectueux des besoins sanitaires.

Rien ne change, les heures de pointe restent les heures de pointe, dans les grandes agglomérations, en particulier en Île-de-France, nous sommes, comme déjà avant la pandémie, en sous capacité par rapport au nombre d’usagers à transporter, résume Patrice Clos, secrétaire général de la fédération FO Transports et Logistique. Mais en temps de pandémie, l’inquiétude s’ajoute à l’inconfort, d’autant que chacun sait que le processus de déconfinement n’en est qu’à son début.

Pourquoi une sous-capacité des transports en région parisienne

D’où vient ce problème de sous-capacité des transports ? De mauvais choix politiques et de mauvais investissements répondent en substance les fédérations FO concernées. Depuis des années les trains du quotidien et, surtout, les infrastructures destinées à leur circulation ont été négligées, voire abandonnées, en termes d’investissements, au profit du tout TGV, explique notamment Philippe Herbeck, secrétaire général de la fédération FO Cheminots [1].

Simultanément, le nombre de salariés travaillant à Paris mais vivant en banlieue n’a cessé de s’amplifier du fait de la hausse des loyers dans la capitale et de la baisse du pouvoir d’achat, souligne le responsable syndical.

Il ne faut donc pas s’attendre à des miracles aujourd’hui. Aux heures d’affluence, insiste-t-il, même avec la remise en circulation de la totalité des métros et des RER et trains de banlieue (pour l’instant limité à 75% de l’offre habituelle pour les métros et à 60% pour les RER et les trains de banlieue), le respect de la distanciation physique sera bien difficile.

La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a ainsi prévenu que le filtrage des passagers et le contrôle des attestations (que toutes les entreprises franciliennes doivent obligatoirement fournir à leurs salariés), devront continuer après le rétablissement de 100% de l’offre de transport, qui a-t-elle assuré, devrait être effectif le 2 juin au plus tard.

Télétravail et verbalisation en guise de palliatifs

La présidente du conseil régional a aussi demandé que ce contrôle soit fait dès 6 heures du matin, à l’entrée des gares, par la police et les forces de l’ordre. Il y aura toujours une restriction très forte de la capacité des transports en commun, en raison de la distanciation sociale obligatoire (…) L’objectif est que si vous n’avez pas de motif pour vous déplacer, vous ne prenez pas la place de quelqu’un qui doit aller travailler, a-t-elle ajouté.

Pour rappel, l’attestation, sur laquelle l’employeur doit faire mention des heures d’embauche et de sortie du salarié, est pour l’instant nécessaire entre 6h30 et 9h30 puis de 16h à 19 heures. Elle doit être renouvelée chaque semaine. Ne pas être en capacité de la présenter au moment du contrôle est passible d’une amende de 135 euros (une tolérance est néanmoins prévue durant cette première semaine de déconfinement). Une autre attestation (à écrire soi-même) est obligatoire en cas de déplacement pour motif impérieux durant les heures de pointe (visite médicale, garde d’enfant, convocation de police ou de justice).

À l’instar de la ministre des Transports Elizabeth Borne, l’élue de la région Ile de France a appelé les Franciliens à télétravailler au maximum jusqu’à l’été, à économiser leur transport et à étaler leurs horaires d’arrivée au bureau. Et d’insister : C’est impératif.

Malheureusement, ceux qui s’entassent dans les transports aux heures de pointe, sont précisément pour la plupart ceux dont l’emploi ne permet pas le télétravail, et souvent aussi ceux qui doivent être les premiers sur le pont pour, par exemple, nettoyer les locaux, ramasser les ordures dans les rues, ou encore assurer une garde à l’hôpital…

TER : des règles différentes d’une région à l’autre …

Du côté des grandes lignes de la SNCF, 35% des TGV et 25% des Intercités circulent depuis le 11 mai. Un siège sur deux doit rester inoccupé dans tous les trains. La réservation y est donc plus que jamais obligatoire.

Un peu plus de la moitié des TER circule (55%). La réservation est devenue obligatoire dans certains d’entre eux seulement. Ce sont en effet les régions qui en décident, en tant qu’Autorités organisatrices des transports. Depuis la loi de 1982 qui les a créées, ces dernières sont en effet chargées de la politique de desserte et de la politique tarifaire des transports de voyageurs en lieu et place de l’État et l’entreprise publique SNCF (les communes elles sont chargées des transports urbains).

De plus, tous les TER d’une même région ne sont pas concernés. À ce jour la réservation n’est donc obligatoire que dans certains des TER de cinq régions (Bourgogne-Franche-Conté, Centre-Val-de Loire, Hauts-de-France, Normandie et Occitanie). La liste précise des trains dans lesquels les voyageurs doivent être munis d’un coupon obligatoire est disponible sur le site Internet TER des régions concernées.

Un coupon obligatoire mais non distribué en gare

Ce coupon obligatoire pour pouvoir monter dans le train est disponible dans les trois jours précédant le jour du voyage sur l’application Assistant SNCF et sur le site TER de la région concernée.

Attention, ce coupon ne sera pas distribué en gare, précise la SNCF sur son site. Et pour cause. De très nombreux guichets ont été fermés ou les horaires d’ouverture réduits ces dernières années pour privilégier le tout digital et supprimer des emplois qui aujourd’hui nous font cruellement défaut explique Philippe Herbeck. A titre d’exemple, près d’une quarantaine de gares de la région Pays de la Loire ont été concernées par ce type de mesures ces deux dernières années. Ceux qui n’ont pas d’accès à Internet n’ont donc d’autre choix que de rester chez eux par exemple, sachant que ne pas avoir de coupon entraîne une amende de 20 euros.

En revanche, la réservation n’a pas été rendue obligatoire dans les trains du réseau Transilien (trains de banlieue d’Île-de-France). Dans certaines gares, comme à Creil, dans l’Oise, peuvent ainsi se croiser des voyageurs de TER soumis à l’obligation d’avoir un coupon et d’autres dont l’abonnement habituel suffira. Une différence de traitement qui n’est pas sans susciter l’incompréhension des usagers au moment du filtrage, ce qui occasionne des tensions dont les cheminots chargés du contrôle font souvent injustement les frais.

Des personnels toujours en nombre insuffisant et insuffisamment protégés

Paradoxalement, les filtrages et contrôles se révèlent très compliqués aussi dans les zones moins peuplées de province, où la fréquentation des trains reste pourtant très faible, explique Philippe Herbeck.

Le manque de personnel empêche en effet de surveiller simultanément les différentes entrées des gares et les forces de l’ordre sont beaucoup moins présentes que dans les grandes agglomérations.

Les contrôleurs (Agents du service commercial trains, ASCT) sont particulièrement à la peine. Les masques aux normes FFP2 (les seuls reconnus comme réellement protecteurs contre le risque viral par le Code du Travail) font toujours défaut. Les ASCT à qui l’on demande aussi de contrôler le port du masque des passagers et de verbaliser ceux qui n’en ont pas (l’amende s’élève à 135 euros ), se trouvent donc contraints de s’approcher des passagers en infraction sans avoir eux même la protection qu’exige la situation !

Pour la fédération FO Cheminots, les décisions n’ont pas été guidées par la pandémie mais par la pénurie et la première décision à prendre est de proposer des protections en masse, en nombre suffisant, pour toute la population.

Le mot d’ordre de FO a toujours été, et restera le même : prudence, protégez-vous, ne vous mettez pas en danger ! , rappelle-t-elle.

Rentabilité et crise sanitaire : la dangereuse équation

Patrice Clos, pour la fédération FO des transports et de la logistique donne aussi l’exemple de la situation vécue aujourd’hui par les conducteurs de bus des entreprises privées (Transdev, Kéolis…).

Ceux-ci refusent juste la ré ouverture des portes à l’avant des véhicules de façon à ce que la distanciation physique entre eux et les voyageurs puisse être respectée. À l’inverse, les directions, elles, multiplient les pressions pour que la montée des voyageurs recommence à se faire par l’avant. En réalité, les directions veulent avant tout que les chauffeurs reprennent la vente des billets à bord des bus. C’est juste une question de rentabilité, explique le responsable FO. Et de rappeler que sa fédération revendique l’arrêt de tous les appels d’offre et s’oppose à l’ouverture à la concurrence des lignes de bus de la RATP prévue à partir du 1er janvier 2025.

Diminution des effectifs et des moyens, désengagement de l’État pendant des années, mauvais investissements ou investissements insuffisants, tout cela pour préparer le terrain de l’ouverture à la concurrence… Si ces problèmes ne datent pas d’aujourd’hui, la crise sanitaire agit comme une loupe sur leurs effets dévastateurs.


[1] La SNCF via son réseau Transilien exploite en effet les lignes C,D et E du RER (Réseau express régional d’Île-de-France) et, conjointement avec la RATP, une partie des lignes A et B. Dix autres lignes de trains de banlieue dépendent d’elle, en plus des TER (Trains express régionaux) qui font aussi partie de ces trains du quotidien pour de très nombreux salariés venant parfois du fin fond de la région, voire de plus loin, pour travailler dans la capitale.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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