Face aux propositions minimales du patronat lors des NAO de branche – 1,1% de hausse générale des salaires –, la Fédération Nationale des Transports et de la logistique FO-UNCP appelle les salariés du secteur de la logistique à faire grève le 2 avril. Pour la fédération, les bons résultats du secteur doivent permettre une vraie redistribution pour les salariés. Et par ailleurs, la pénibilité des métiers doit être rétribuée.
Plusieurs organisations du transport-logistique, dont FO, ont claqué la porte de la dernière réunion des négociations annuelles obligatoires (NAO) de la branche Logistique, début mars. Malgré les hausses records du chiffre d’affaires du secteur ces deux dernières années – 5,5% en 2022 et 2,5% en 2023 –, les organisations patronales se sont bornées à proposer successivement une mesure générale de hausse de 0,6% puis de 1,1%. La Fédération Nationale des Transports et de la logistique FO-UNCP appelle les salariés du secteur à prendre conscience que les patrons s’enrichissent sur leurs dos sans aucun partage, souligne la fédération dans un communiqué.
En conséquence, FO incite les travailleurs de la logistique à faire grève le 2 avril afin de peser sur les négociations de branche, laquelle rassemble 8 800 établissements, 190 000 salariés et près de 100 000 intérimaires. Comme le secteur fonctionne à flux tendu, qu’il n’y a de stock nulle part dans les magasins, gêner l’approvisionnement va beaucoup déranger les entreprises, anticipe Bruno Lefebvre, secrétaire général adjoint FO-UNCP. La logistique est le fil conducteur du secteur : si elle ne fonctionne pas, le transport ne fonctionne pas non plus.
Des métiers plombés par la trappe à bas salaires
Afin de permettre aux salariés de faire face à la hausse des prix, le syndicat revendique une augmentation générale des salaires à hauteur de 10%. En 2023, la partie patronale avait accordé 4,2% de hausse. A la sortie de la crise du Covid, le patronat n’a pas pu cacher les résultats très intéressants obtenus, souligne Bruno Lefebvre. Pourtant, les plus bas échelons de la grille salariale conventionnelle du transport-logistique se retrouvent aujourd’hui officiellement en-dessous du Smic : Sept coefficients et quatorze métiers, dénonce l’élu FO. Le secteur a toujours flirté avec le salaire minimum, mais ça s’amplifie.
De plus en plus de salariés sont ainsi touchés par ce phénomène de Smicardisation. Comme beaucoup d’autres, le milieu du transport et de la logistique subit de plein fouet le mécanisme de la trappe à bas salaires induit, entre autres, par des exonérations de cotisations sociales, totales, jusqu’à 1,6 Smic.
Un impact probable sur les NAO d’entreprise
Une prochaine réunion NAO est prévue le 4 avril, deux jours après le mouvement. Ce bras de fer prête d’autant plus à conséquence que les NAO d’entreprise ont elles aussi commencé, et pourraient pâtir d’une trop faible hausse des salaires concédée au niveau de la branche. Par exemple, une entreprise pourrait proposer 4% d’augmentation en disant : “Regardez, on est au-dessus de la grille conventionnelle”. Mais si cette grille est elle-même en-dessous du Smic, ça ne fait pas grand-chose, explique Bruno Lefebvre.
Pendant ce temps, les dirigeants reçoivent des primes d’objectif énormissimes, ajoute José Zydower, secrétaire fédéral chez FO-UNCP. Face à ces écarts manifestes, le dialogue social est rarement fructueux avec les trois organisations patronales du secteur, l’Union des entreprises transport et logistique de France (Union TLF), l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) et la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). On arrive à discuter, mais pas à négocier, déplore Bruno Lefebvre.
Une pénibilité du travail mal prise en compte
Le manque de partage de la valeur créée est d’autant plus inacceptable au vu de la pénibilité du travail dans ce secteur, parmi les plus accidentogènes. Le boulot est difficile, se fait souvent de nuit, et entraîne des problématiques de santé comme des troubles musculosquelettiques, des maladies professionnelles et j’en passe, énumère Bruno Lefebvre. Face au manque de reconnaissance, le malaise et la colère des salariés va donc croissant dans la logistique où les conditions de travail sont par ailleurs toujours plus déshumanisantes. Les entrepôts logistiques se robotisent de plus en plus, souligne le militant. Les salariés deviennent des sous-machines qui répondent à un ordinateur pour préparer les commandes !
Afin de limiter les risques de troubles musculosquelettiques, la question du chargement et du déchargement des camions a été mise sur la table par les organisations syndicales. Ces dernières années, l’Espagne et le Portugal ont tour à tour fait passer des mesures pour interdire aux entreprises de demander aux chauffeurs routiers de décharger eux-mêmes leurs marchandises. Avant le remaniement gouvernemental, un rapport était en préparation sur le sujet, expose José Zydower. Le rapport est prêt, mais toujours pas publié. Il faut qu’on avance sur ce dossier afin de soulager les conducteurs routiers. De nombreuses entreprises freinent pour le moment des quatre fers, craignant de devoir embaucher du personnel pour décharger les véhicules. Un sujet d’autant plus prégnant que la profession se féminise, souligne le secrétaire fédéral : S’il n’y a pas d’évolution, les femmes seront découragées de choisir ces métiers.