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Pour la deuxième fois, les salariés des très petites entreprises ou des particuliers employeurs sont appelés à voter pour un syndicat à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 13 janvier. Les militants font campagne pour faire valoir l’action syndicale à ces travailleurs très isolés et peu informés.
Pour « donner de la force à nos métiers » selon la CGT, « donner du poids à vos droits » pour FO, pour que « petite entreprise ne rime pas avec petits droits » d’après la CFDT, pour « un syndicalisme de lutte qui agit contre les discriminations » avec Solidaires… Via des a ches, des di usions de tracts et de guides d’information sur le droit du travail et les conventions collectives, des sites Internet dédiés, les syndicats rivalisent d’imagination pour capter l’attention des salariés des très petites entreprises (TPE).
L’affaire ne fait pas grand bruit, mais à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 13 janvier en métropole (20 janvier dans les DOM) quelque 4,5 millions de travailleurs, employés par des sociétés ou artisans de moins de 11 salariés ou par des particuliers employeurs, sont invités à voter pour le syndicat de leur choix lors de ce deuxième scrutin national TPE après celui de 2012. En principe, ils ont reçu à leur domicile le matériel électoral et peuvent voter soit par courrier, soit par Internet.
La complexité de ce scrutin découlant de la réforme de 2008 sur la représentativité, qui concerne un public par définition isolé et peu informé, se double cette année des effets du report des dates du vote à la suite du contentieux entre la CGT et le Syndicat des travailleurs corses. Le ministère du Travail a finalement choisi de faire démarrer le vote le 30 décembre, plaçant la dernière ligne droite de la campagne en pleine trêve des confiseurs, au moment où les équipes militantes s’accordent un repos bien mérité. « Dans cette élection, on a tous les éléments contre nous », soupire Christophe Dague, secrétaire général de l’union départementale (UD) CFDT de Paris, qui avoue être « tout seul » cette semaine à l’UD. « Mais, quoi qu’il arrive, la campagne aura servi à créer du lien, tout ça n’est pas perdu, elle nous a poussés à aller vers ces salariés qui sont compliqués à toucher. » « Rien n’est fait pour que ça marche », renchérit Frédéric Bodin, coordinateur de la campagne chez Solidaires, qui déplore le manque de communication de la part du gouvernement. « On est censé être dans la phase active de communication, mais, à part dans le milieu militant, personne n’en parle. Quand on pense au battage médiatique autour des primaires de la droite… » De quoi remettre sérieusement en question l’objectif d’améliorer le taux de participation, qui s’était élevé en 2012 à 10,38 %, et que le ministère du Travail espérait porter à 20 % cette année. Les syndicalistes redoutent qu’il ne soit finalement encore plus bas qu’en 2012.
Arriver à toucher ces salariés dispersés
C’est donc la semaine prochaine surtout que les équipes militantes reprendront la campagne entamée depuis plusieurs semaines ou mois. Quelle que soit l’organisation, la principale difficulté est d’arriver à toucher ces salariés dispersés. « La problématique des TPE, c’est que ces salariés sont partout et nulle part », explique Amandine Da Silva, qui a coordonné la campagne de Solidaires dans le Gard. La plupart des syndicats ont sillonné les rues commerçantes, entrant dans les boutiques pour rencontrer directement les employés, mais impossible de toucher sur leur lieu de travail les salariés de TPE d’autres secteurs, sans parler des employés à domicile. « Du fait des seuils inscrits dans le Code du travail, les salariés des TPE ont moins de droits, explique Richard Delumbée, responsable de l’union locale CGT de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Mais leurs conditions de travail sont aussi moins contrôlées par l’inspection du travail ou des Urssaf. Pour les salariés qui travaillent au domicile de leur employeur, il n’y a carrément pas de contrôle alors qu’il y a des situations de maltraitance très graves. » D’après ce militant de la CGT, « le vécu des salariés des TPE est en décalage avec les grands discours car ils n’ont aucun déroulement de carrière, leurs salaires augmentent souvent seulement avec la hausse du Smic, ils n’ont aucun avantage lié au comité d’entreprise. Ils subissent une plus forte précarité car l’employeur est souvent un sous-traitant lui-même précaire, ou bien ce sont des commerçants qui peuvent fermer ou être revendus, et toute cette précarité redescend sur les salariés ».
« Ils nous demandent ce qu’on peut faire pour eux »
Dans ces conditions, comment les militants présentent-ils l’enjeu des élections ? Sachant que les résultats du scrutin serviront à la fois à déterminer la représentativité des syndicats au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, après agrégation avec les résultats des élections dans les plus grandes entreprises, à désigner des représentants des salariés des TPE dans les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) créées par la loi Rebsamen d’août 2015, et à désigner les conseillers de prud’hommes, qui ne sont plus directement élus… Des enjeux difficilement mobilisateurs, sur lesquels les syndicalistes n’insistent pas forcément. « La plupart des salariés que nous rencontrons n’ont jamais vu un syndicaliste de leur vie, ils sont plutôt contents de nous voir mais demandent ce qu’on peut faire pour eux, constate Christophe Dague, de la CFDT. Nous en profitons plus pour présenter la CFDT et les droits des salariés. Mais on s’adapte aux situations et à leurs questions. » Chez FO, on « insiste surtout sur l’importance de voter et de se rapprocher d’un syndicat, explique Jérôme Capdevielle, secrétaire de l’UD des Pyrénées-Orientales. Comme il n’y a pas de délégués dans ce type d’entreprises, ces salariés sont esseulés, livrés à eux-mêmes et à M. Google quand ils ont un problème. On leur explique qu’il existe un syndicat non dogmatique qui se met à leur service pour leur apporter des conseils, des informations sur leurs droits, sur la convention collective. Ensuite, seulement, on pourra aller vers des revendications sur le pouvoir d’achat et les conditions de travail. »
« On espère faire des voix, mais la campagne sert aussi à la syndicalisation, on explique l’importance d’un syndicat pour se défendre et faire valoir ses droits », raconte Frédéric Bodin, de Solidaires, qui a réuni 4,75 % des voix en 2012. Mais « c’est très difficile de faire campagne sur nos idées quand on passe déjà beaucoup d’énergie à informer de l’existence du scrutin et de l’importance de participer au vote », déplore Amandine Da Silva. D’après Solidaires, citant les chiffres de la Direction générale du travail, le fichier des électeurs, établi sur la base des situations d’emploi en décembre 2015, comporterait 10 % d’adresses postales erronées, soit autant de salariés privés d’information et de la possibilité de voter.
FANNY DOUMAYROU – VENDREDI, 30 DÉCEMBRE, 2016 – L’HUMANITÉ
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