Temps de travail : Stop à la surveillance à outrance !

La surveillance des salariés, chère aux employeurs, fait l’objet d’un encadrement bienvenu par les juges. Un arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2024 (Cass. soc., 25-9-24, n°22-22851), consolide la préservation des droits et libertés du salarié.

En l’espèce, un salarié est engagé en tant que distributeur de journaux et de publicités. Plusieurs années après son embauche, un système de géolocalisation est mis en place par l’employeur afin de contrôler le temps de travail des distributeurs.

Le salarié décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de la surveillance excessive qui pèse sur lui, et demande aux juges de reconnaitre que cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel déboute le salarié de ses demandes et donne à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail les effets d’une démission. Le salarié forme par conséquent un pourvoi en cassation.

A l’appui de son pourvoi, le salarié développe les arguments suivants :

d’une part, il ne peut être apporté aux droits et libertés des personnes, de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Le salarié ce faisant, évoque l’article L 1121-1 du code du travail ;

d’autre part, l’utilisation d’un système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail, n’est licite qu’à la condition qu’un autre moyen, même moins efficace, ne puisse pas permettre d’assurer un tel contrôle.

Le salarié reproche en outre aux juges d’appel d’avoir estimé que le contrôle du temps de travail par géolocalisation était le seul système possible dès lors que l’entreprise pratiquait la modulation du temps de travail et qu’une partie des salariés n’était pas en horaire collectif et réalisait une partie importante de leur temps de travail en dehors des locaux de l’entreprise.

La Cour de cassation approuve le salarié. Elle rappelle au visa de l’article L 1121-1 que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Elle reprend ensuite l’argument du salarié en affirmant que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen.

Enfin, la Cour déclare que la géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

Elle casse de ce fait l’arrêt de cour d’appel.

La géolocalisation est par essence liberticide en ce qu’elle porte atteinte à la vie privée du salarié en surveillant ses déplacements. La Cour de cassation régule depuis longtemps cet outil. Dans un arrêt du 3 novembre 2011 (Cass. soc., 3-11-11, n°10-18036), elle affirmait déjà que l’utilisation d’un système de géolocalisation n’est possible que si aucun autre moyen de contrôle de la durée du travail n’existe.

Elle a ensuite régulé plus fortement la géolocalisation, en rajoutant que si un autre système existe, même moins efficace, celui-ci devait être utilisé (Cass. soc., 19-12-18, n°17-14631).

Le présent arrêt n’est donc que la confirmation d’une jurisprudence bien établie.

En outre, l’intérêt du présent arrêt est l’application des principes précités à des salariés autonomes dans l’organisation de leur travail. Ici encore, l’arrêt du 25 septembre 2024 confirme une solution que la Cour de cassation a établi depuis plusieurs années. En effet, depuis un arrêt du 3 novembre 2011 (Cass. soc., 3-11-11, n°10-18036), elle juge que la géolocalisation n’est pas justifiée pour des salariés autonomes dans leur organisation du temps de travail. Elle ne peut donc être utilisée à leur égard.

Cet arrêt est d’autant plus important qu’en l’espèce, la prise d’acte du salarié risque de produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d’une démission.

On retiendra enfin de l’arrêt du 25 septembre, que si la surveillance des salariés entre dans les prérogatives de l’employeur, comme tout abus de droit, celui-ci sera sanctionné.

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