MANIFESTATION. Plus de 3 000 personnes ont défilé hier à Perpignan à l’appel des syndicats de la fonction publique.
Dix ans que cela n’était plus arrivé. Hier, l’ensemble des syndicats présents dans la fonction publique appelait à descendre dans la rue. Des plus contestataires (CGT, FO, Solidaires…) aux plus réformistes (Unsa, CFDT…). L’union a visiblement porté ses fruits. C’est au final une véritable marée humaine qui a déferlé dans les rues de Perpignan ce mardi matin. Plus de 3 000 personnes ont participé à la manifestation (4 800 selon les syndicats).
Tous réclamaient d’une même voix la fin du gel du point d’indice, qui grève le pouvoir d’achat des fonctionnaires, et l’arrêt des suppressions de postes dans la fonction publique (120 000 annoncées d’ici la fin du quinquennat). Mais chaque corps de métier avait également ses revendications spécifiques. Comme le personnel de l’hôpital de Perpignan, qui lutte pour obtenir des moyens pour sa maternité, actuellement en proie à une affluence sans précédent. « Maternité saturée, personnel épuisé, femmes en danger », scandaient les salariés de l’établissement de santé.
- « Un peu de bon sens »
Les pompiers étaient eux aussi sur le pont. « Mon grand-père et mon père, qui étaient déjà pompiers, sont partis à la retraite à 55 ans, indique Ludovic, 48 ans. Dans notre métier, 55 ans, c’est une limite physique. Ils parlent de supprimer les statuts particuliers.
Mais pour nous, travailler jusqu’à 65 ans, c’est impossible. » Les enseignants étaient également légion dans le cortège. « On est là pour dire non à l’hypocrisie, proclame Hervé, un prof de collège de 47 ans. On nous enlève un peu plus de moyens chaque année, histoire que ça ne se voit pas trop. Et après, on rejette la faute sur nous quand les élèves ne réussissent pas. De plus, dès qu’on change de ministre, tout change. Il n’y a aucune vision à long terme. Ça manque cruellement de bon sens. »
- Services publics cherchent avenir
Les enseignants des écoles primaires du département, où le taux de grévistes dépassait les 50 % selon la FSU, étaient tout aussi remontés. Le directeur de l’école Néo d’Elne, Roland Castanier, était notamment venu dénoncer les effets néfastes de la réduction drastique des contrats aidés : « Je défends la présence de tous les contractuels dans les écoles (AVS et aides de direction).On a besoin de ce personnel. Il faudrait pérenniser ces emplois. Ma secrétaire fait 20 heures par semaine. Si son contrat n’est pas reconduit, je ne pourrai pas assurer l’ensemble des tâches qu’elle effectue. Mon école serait en dysfonctionnement. » Du côté de la préfecture aussi, l’inquiétude grandit de jour en jour. « Les préfectures vont perdre encore 400 agents en 2018, déplore Karine, une secrétaire administrative de 46 ans. On a déjà eu beaucoup de suppressions de postes. Et ils veulent désormais s’attaquer au statut de fonctionnaire. On craint qu’à terme, il ne reste que la fonction publique régalienne (sécurité publique, etc.) et que tout le reste soit délégué au privé. C’est contre ça qu’on veut se battre. »
Paroles de syndicalistes : « Nous ne lâcherons pas »
Julien Berthélémy, de la CGT :
« La fonction publique est le ciment de notre nation. Avec le gel du point d’indice, le rétablissement du jour de carence et les 120 000 suppressions de postes annoncées, nous craignons une régression sociale sans précédent. Ils veulent en finir avec les fonctionnaires et le modèle social français. Il est temps de dire stop. »
Jérôme Capdevielle, de FO :
« La fonction publique n’est pas un coût. C’est la richesse de tous, l’ADN de la république sociale. Les fonctionnaires en ont assez de servir de variables d’ajustement budgétaire. Ils veulent une véritable reconnaissance qui passe par une revalorisation de leurs salaires. »
Lors de leur déclaration commune, les représentants de la FSU et de Solidaires ont appelé à l’unité : « Nous insistons sur la nécessité de poursuivre la mobilisation de la manière la plus unitaire possible. Nous appelons à la convergence des luttes. »
Anne-Sophie Philippe, de la CFDT : « Macron avait promis de ne pas diminuer le pouvoir d’achat des fonctionnaires. C’est aujourd’hui remis en cause. Nous nous joignons à l’appel et nous ne lâcherons pas. »
Jean-François Virama, de l’Unsa : « 120 000 suppressions d’emplois, ça vaut bien une grève et des manifestations… Défendre les fonctionnaires, c’est défendre des services publics de qualité au service de toutes et tous. »
Véronique Bardeau-Harlé, de la CFTC : « Nos droits, nos acquis et la qualité des services publics sont menacés. La CFTC ne doit pas trahir ses valeurs. Nous demandons à notre confédération de rejoindre l’intersyndicale contre la loi travail. »
Estelle Blanc, de la CFE-CGC : « Nous sommes là pour défendre les acquis sociaux que nous sommes en train de perdre et parce que les fonctionnaires sont aujourd’hui obligés de travailler dans
des conditions exécrables. »
Laurent Rovira, de la Fédération autonome : « Le service public mérite qu’on le défende car c’est une richesse redistribuée à tous sans distinction sociale. »
L’Indépendant – édition du 11 octobre 2017 – Arnaud Andreu