Aux urgences de Strasbourg, FO-HUS n’en finit pas d’alerter sur la dégradation des conditions de travail et la répercussion sur la qualité des soins aux patients. Face à des situations qui pourraient revêtir la qualification pénale de non-assistance à personne en danger, le syndicat a décidé de recourir à la voie judiciaire.
Année difficile aux urgences des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) qui s’est terminée avec le déploiement d’une unité sanitaire mobile sur le parking de l’établissement depuis le 22 décembre. Initialement prévue pour quatre jours, elle est désormais reconduite « jusqu’à nouvel ordre ». Nous l’avions demandée, mais pas sous la forme actuelle. On se retrouve aujourd’hui avec une unité non médicalisée, précise Christian Prud’homme, secrétaire général FO de l’établissement. Il n’y a même pas d’infirmière pour s’occuper des patients, seuls deux ambulanciers sont présents dans l’unité. En quelque sorte, donc, une salle d’attente supplémentaire pour libérer les véhicules d’intervention qui peuvent patienter de nombreuses heures devant l’accès au service, faute de place à l’intérieur. Pas étonnant face à un taux d’occupation qui flirte certains jours avec les 200 %, explique Christian Prud’homme.
Des dizaines de droit d’alerte chaque année
Le syndicat alerte depuis plusieurs années en raison de conditions de travail dégradées qui mettent en danger la santé des agents et celle des patients accueillis dans le service : 55 droits d’alerte pour danger grave et imminent ont été déposés en 2022 et 36 en 2023. Le 11 décembre une procédure inédite a été entamée : un signalement auprès de la procureure de la République au titre de l’article 40 du code pénal. Nous avons un dossier de près de 500 pages d’évènements indésirables graves, poursuit Christian Prud’homme qui cite en exemple : un patient qui attend six heures dans l’ambulance avant d’être pris en charge pour un infarctus, une autre qui reste deux heures dans le véhicule avant que son état se dégrade et qu’elle soit intubée pour un transfert vers un autre établissement de la région, et en 2022 deux patients décédés dans le service, dont l’un après plus de vingt heures aux urgences alors qu’on ne devrait pas passer plus de douze heures ici avant de rentrer chez soi ou d’être hospitalisé…
Le syndicat avait à l’époque réclamé une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales, sans succès jusqu’à présent.
Nous sommes sous-dimensionnés par rapport à la demande
L’avocat du syndicat qui a constitué le signalement a dressé une liste de ces évènements, qui selon FO seraient évitables si les conditions de travail et le nombre de lits étaient à la hauteur. Nous avons jusqu’à 400 lits fermés pendant les périodes de vacances, détaille Christian Prud’homme. Et 200 hors vacances, parce que le recrutement ne suffit pas. Nous sommes sous-dimensionnés par rapport à la demande. Nous avons besoin de lits de médecine et de gériatrie, en ce moment nous identifions 40 à 50 patients qui devraient être en soins de suite et de réadaptation plutôt qu’aux urgences…
La procureure de Strasbourg a désormais trois mois pour décider d’enclencher des poursuites ou de classer le dossier. Si ce signalement ne donne rien, nous porterons plainte (avec constitution de partie civile, Ndlr) en saisissant le juge d’instruction, conclut Christian Prud’homme. Monter un tel dossier coûte de l’argent, mais nous avons budgété la somme nécessaire. Et je ne vois pas comment on pourrait ignorer les faits rapportés.