Pour la Cour des comptes, le service universel postal, actuellement en recul par le volume moindre de courrier échangé, a un coût qui plombe la situation financière de La Poste, malgré les compensations de l’État. La rue Cambon suggère de s’interroger sur la fréquence de distribution du courrier… Concrètement la diminuer. Au risque de destructions d’emplois de postiers. Au risque aussi d’une atteinte à la mise en œuvre quotidienne de la démocratie.
Des suggestions inquiétantes. Il faut adapter les missions de service public au recul de leur usage et à leur utilité réelle en diminuant leur champ et en ajustant leur compensation (par l’État, actionnaire à 34%, Ndlr) à hauteur du déficit comptable qui en résulte assénait ainsi la Cour des comptes le 17 février dans un référé adressé à plusieurs membres du gouvernement concernant « la trajectoire financière » du groupe La Poste sur 2019-2023.
Le document, garni de cinq préconisations en vue d’un prochain plan stratégique, pointe une dégradation de cette trajectoire avec un résultat net affaissé, tandis que le chiffre d’affaires du groupe (dont la caisse des dépôts est actionnaire à 66%) est passé de 22 à 34 milliards d’euros entre 2013 et 2023.
La dégradation assortie d’un endettement en hausse du fait des acquisitions serait due à une nouvelle baisse des métiers historiques et une rentabilité insuffisante des activités de diversification. Le rapport précise que La Poste réalise désormais 44 % de son chiffre d’affaires à l’international et opère sur de nombreux secteurs au-delà du courrier. (…) depuis son plan stratégique 2014-2020 (…), le groupe a cherché à compenser la baisse de son activité traditionnelle en se développant sur la logistique et la bancassurance ainsi que sur de nouveaux relais de croissance dans des secteurs éloignés de son cœur de métier (comme acteur de proximité en matière de santé, autonomie et numérique).
A boulets rouges sur les quatre missions de service public de La Poste
Mais alors que sont pointés les métiers historiques, en clair les métiers principalement du courrier, La Cour note que le montant de la compensation par l’État à La Poste, s’il a doublé au cours des cinq dernières années, pour atteindre 1,1 milliard d’euros en 2022 et 1 milliard en 2023, il est inférieur de 683 millions d’euros en 2023 et de 834 millions en 2024 aux charges estimées par La Poste. Ce constat – qui souligne le désengagement de l’État – n’empêche pas la Cour de désigner l’activité courrier comme un des grands maux dans la situation financière de La Poste. Elle pointe ainsi concrètement le service universel postal, soit une des missions de service public de La Poste avec le transport et la distribution de la presse, la contribution à l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire.
Réalisée par 233 000 postiers dont 60 500 facteurs (La Poste est le deuxième employeur public en France, après l’État), cette activité services-courrier-colis est certes en recul, ce qui ne surprendra personne, chacun constatant l’ampleur du développement des échanges numériques. Si elle représentait 50% du chiffre d’affaires du groupe en 2010, elle en représente encore toutefois 15% en 2023.
La Cour tire néanmoins à boulets rouges sur ce service postal et plus largement sur les missions de service public de La Poste qui seraient « nombreuses » et « plus exigeantes » que chez les voisins européens. Ces missions ont vu leur rentabilité se dégrader, sans que la hausse des compensations n’enraye la détérioration de leur situation économique estime la rue Cambon. Et d’ajouter : Même si les missions de service public ne sont pas la seule cause de la baisse de rentabilité du groupe et de l’augmentation de sa dette, le financement des opérations de croissance externe et des pertes sur certaines activités y ayant également contribué, il n’en demeure pas moins que l’écart croissant entre le coût de ces missions et le montant de la compensation versée par l’État pèse lourdement sur la dette du groupe et limite sa capacité d’investissement.
La solution de la dégradation du service
Sur le mode radical, la Cour prône alors de s’interroger sur la fréquence de distribution du courrier. On comprend en diminuer cette fréquence. Et de trouver une justification à cette idée : La France est un des derniers pays européens à réaliser une distribution du courrier six jours sur sept et à maintenir 17 000 points de contact.
Mais outre de priver les citoyens de la livraison des lettres et des colis 6 jours sur sept – ce qui peut avoir des conséquences graves au quotidien pour certains citoyens ne pratiquant pas l’outil numérique (la fracture numérique touche huit millions de personnes) – descendre cette fréquence impacterait aussi la distribution de la presse sur tout le territoire, ce qui aurait tout à voir avec l’atteinte de l’exercice quotidien de la démocratie. La Cour constate d’ailleurs que La Poste reste le seul opérateur à pouvoir assurer une distribution en zone rurale tandis que les éditeurs de presse n’ont pas à ce jour réalisé les investissements requis au portage en zone dense
FO demande toujours un financement pérenne, à l’euro près
Mais la Cour des comptes veut-elle tuer la poste ? réagissait FO Com mi-février rappelant que depuis le passage de La Poste en Société Anonyme, en 2010, FO Com n’a eu de cesse de revendiquer un financement pérenne de la part de l’État, à l’euro près, des quatre missions de service public qui constituent la raison d’être de La Poste. Ainsi le traitement et la distribution du courrier, cher à tous les citoyens dans le pays.
Pour FO Com, les préconisations de la Cour des comptes ne peuvent que nous alerter et doivent alerter tous les postiers mais aussi tous les citoyens. Si elles étaient mises en œuvre, les risques seraient lourds en ce qui concerne l’emploi, elles auraient aussi un lourd impact sur les conditions de travail avec un alourdissement de la charge de travail et une recrudescence de l’absentéisme déjà très élevé. FO Com fustige ces vraies mauvaises idées : Déjà en danger, le Service public serait anéanti et toutes les missions dégradées et cela aurait pour conséquences un moins-disant social dangereux pour la démocratie.