Fin novembre, le premier séminaire de la confédération européenne des syndicats organisé avec FO à Paris a invité les syndicats à se saisir de la question des multiples discriminations dont sont victimes les travailleurs handicapés. Et à devenir plus inclusifs pour guider leur action.
Les 30 novembre et 1er décembre, s’est tenu au siège de la confédération à Paris le premier séminaire d’un cycle intitulé « les syndicats contre les discriminations » organisé par la Confédération européenne des syndicats (CES) et FO. Sujet choisi pour inaugurer ce cycle : les discriminations liées au handicap. Entre état des lieux et recueil de pratiques syndicales, une trentaine de syndicalistes venus d’Irlande, des Pays-Bas, d’Italie ou encore de Belgique, ainsi que des spécialistes, ont partagé leurs expériences.
Au programme de ces journées : comment faire évoluer l’action syndicale face aux discriminations que subissent les travailleurs handicapés européens lorsqu’ils cherchent un emploi ? Malgré les lois et autres quotas d’embauche, le problème du chômage reste chronique. Alors que l’Europe compte 80 millions de personnes handicapées, un chiffre conséquent, seulement 51,3 % ont un emploi. Contre 75,6 % pour les salariés sans handicap.
Dans tous les pays, les discriminations demeurent. En France, parmi les 7 000 saisines du Défenseur des droits en 2022, le handicap reste le premier motif de saisine. 80 % des saisines concernent des discriminations liées au maintien en emploi et l’évolution de carrière des salariés handicapés. 20 % concernent l’accès à l’emploi a souligné Fabienne Jégu, conseillère handicap au Défenseur des droits. L’absence d’aménagement du poste de travail pendant la période d’essai, l’affectation à un emploi non adapté à son handicap sont des motifs récurrents. Les préconisations de la médecine du travail pour adapter le poste ne sont pas suivies a-t-elle précisé. Pour y remédier, une des solutions pourrait être un passeport professionnel comportant les aménagements de poste nécessaires, propriété du salarié. C’est un outil que nous proposons aux syndicats, qui peut être inclus dans la négociation d’accords a expliqué Quinn Roache, chargé des questions du handicap au Trades Union Congress (TUC) au Royaume-Uni.
Pour des syndicats plus inclusifs
Alors que le rôle des syndicats est majeur pour faire appliquer les aménagements de poste, les intervenants ont souligné la nécessité de continuer à les sensibiliser au handicap : Il faut continuer à accompagner nos syndicats, à outiller les élus des CSE pour favoriser l’insertion et le maintien en emploi de travailleurs handicapées. En 2023, 1,1 million de personnes en situation de handicap exercent une activité en France. Ça augmente, mais malgré tout, leur taux de chômage reste important. Il faut aussi aider nos militants à prévenir les licenciements pour inaptitude qui ont beaucoup augmenté ces dernières années a souligné Anne Baltazar, conseillère confédérale FO chargée du handicap.
Les syndicats eux-mêmes doivent-ils évoluer pour mieux appréhender ces discriminations ? La stratégie européenne 2021-2030 en matière de handicap pousse les États-membres à promouvoir des syndicats plus inclusifs. Ils doivent s’ouvrir, intégrer en interne davantage de travailleurs handicapés a estimé Beppe de Sario, de la fondation Giuseppe de Vitorrio. Les participants, sondés en direct, ont été unanimes sur ce point. Difficile en effet d’appréhender les discriminations des travailleurs handicapés et leur maintien en emploi sans œuvrer dans le même temps à les intégrer dans le syndicalisme. On sait par exemple que le risque de harcèlement des femmes handicapées est très important. Sept femmes handicapées sur dix y sont potentiellement exposées. Or, on manque de femmes handicapées dans les syndicats et dans les gouvernances du travail a fait remarquer Quinn Roache.
L’âge et le genre, motifs de discriminations
Autre axe du séminaire : les discriminations intersectionnelles. Un sujet complexe. Les discriminations que vivent les travailleurs handicapés sont multiples. Elles tiennent à la fois à l’accès au travail, mais aussi à l’âge et au genre. Il faut renforcer nos connaissances sur ce sujet a souligné Francesca Carrera, de la fondation Giuseppe Di Vittorio.
Cette notion de discrimination intersectionnelle des travailleurs handicapés commence tout juste à émerger dans les politiques européennes, notamment dans le plan de stratégie 2021-2030 pour les droits des personnes handicapées. Pour approfondir ce sujet, deux ateliers ont été organisés, portant sur des types de discriminations spécifiques « le handicap et le genre » et « le handicap et l’âgisme ». Et sans surprise, de l’avis des participants, les jeunes et les salariés handicapés vieillissants sont particulièrement exposés. Mais aussi les femmes. En France, seulement 20 % des femmes handicapées travaillent à temps plein, contre 29 % pour les hommes handicapés a rappelé Pascale Ribes, présidente de l’APF France Handicap. La dimension du genre est donc très importante. Les femmes handicapées ont beaucoup plus de mal à obtenir un temps plein que les hommes. Elles sont confrontées à des difficultés financières plus grandes.
En Europe, les études manquent pour mieux appréhender ces discriminations croisées. La confédération européenne des syndicats, qui suit de près le volet emploi de la stratégie européenne sur le handicap, en a conscience : Nous avons demandé à la commission européenne d’améliorer les statistiques sur l’emploi des personnes handicapées, par genre notamment a indiqué Ignacio Doreste, chargé des questions de santé et de sécurité au travail à la CES. Une base nécessaire pour orienter l’action syndicale. Et mieux protéger ces travailleurs vulnérables.