Ancien travailleur de l’automobile, Sébastien Delmotte, 50 ans, a monté une section FO dans sa nouvelle entreprise, Sol viandes. Le travail syndical qu’il a mené pour renverser le rapport de force s’est traduit par un score plus que massif aux élections puis par une grève victorieuse.
Il est arrivé là presque par hasard, à la faveur d’un poste ouvert non loin de chez lui, en Corrèze. Mais en tout juste cinq ans chez Sol viandes, abattoir spécialisé dans le veau à Argentat-sur-Dordogne, Sébastien Delmotte a changé du tout au tout la face du rapport de force au sein de l’entreprise. En 2018, lorsqu’il est embauché comme opérateur polyvalent sur ce site de 42 salariés intégré au groupe Bigard, aucun syndicat n’y est implanté et personne ne s’active pour les droits et le bien-être des travailleurs. L’état du dialogue social ? Inexistant, tranche le militant. Il existait bien sûr un CSE mais les élus avaient été placés par la direction : ça ne faisait pas de bruit, et tout roulait comme ça.
Pourtant, le milieu de la production de viande nécessite une forte solidarité entre les salariés. Sébastien Delmotte découvre avec stupeur combien l’abattage est un métier difficile, entre fatigue physique et confrontation à la mort des animaux. Issu de l’industrie automobile, licencié lors de la fermeture de sa précédente entreprise, il n’imaginait pas la rudesse de ce nouveau métier. L’ambiance et le fait qu’ils se soutiennent aident cependant les salariés à tenir le coup : Aujourd’hui, je peux dire malgré tout que j’aime mon travail, grâce à l’équipe avec laquelle tout se passe bien.
Après quelques mois dans l’entreprise, l’opérateur est élu au CSE en 2019 – sans étiquette. Un premier pas. Avant de créer, et de toutes pièces quelques années après une section FO chez Sol viandes, avec l’aide du coordinateur FO du groupe Bigard, Dominique Douin. Une belle personne, très présente, qui n’a pas peur de prendre sa voiture pour faire 500 kms et venir nous aider, salue Sébastien Delmotte. Il m’a donné l’envie de me battre davantage, m’a épaulé.
Primes non versées et insécurité au travail
Au fil de ses discussions avec Dominique Douin, le militant repère de nombreux manquements dans l’application des accords du groupe sur le site Sol viandes. La direction ne respectait pas les niveaux de salaire et n’appliquait pas certaines primes auxquelles les salariés avaient droit, explique-t-il. La sécurité au travail posait aussi problème : lorsque le personnel signalait du matériel défectueux, celui-ci n’était pas toujours remplacé. Sébastien Delmotte y voit des entorses intolérables aux droits des salariés. Moi, mon moteur, c’est que je veux l’égalité. Et si personne ne se bat pour elle, elle n’existe pas.
En 2023, Sébastien Delmotte est à nouveau élu au CSE, cette fois sous l’étiquette FO, qui rafle 100% des voix chez les cadres comme chez les ouvriers et employés. Quand nous leur avons rapporté tous les manquements de la direction, ça leur a ouvert les yeux. Avant, tout leur paraissait normal faute de connaître les accords du groupe, car personne ne faisait passer les informations. La direction a tenté de contrecarrer l’essor de FO, en cherchant des appuis qui lui aurait été plus favorable au CSE… Mais comme plusieurs cadres étaient devenus militants FO, on a pu leur barrer la route, se réjouit Sébastien Delmotte. Sur 42 employés, dix-huit ont choisi d’adhérer au syndicat.
Une première grève victorieuse
Fort de cette victoire, une grève est organisée et qui mobilise l’intégralité des effectifs d’abattage. Les gens ne se doutaient pas de ce que l’on peut accomplir par la force collective. J’ai réussi à convaincre une bonne partie du personnel de se serrer les coudes, en expliquant que c’est comme ça qu’on avancerait : par le collectif et non l’individualisme. Les résultats ne se font pas attendre : les questions de sécurité sont mises sur la table et des primes sont attribuées. Plusieurs embauches surviennent dans les mois qui suivent, pour faire face au problème de sous-effectifs.
Encore aujourd’hui, il nous manque deux ou trois postes. Paraît-il que la Corrèze est un bassin de plein emploi.., mais quand on tape du poing sur la table, on s’aperçoit que la direction trouve du monde à embaucher ! Sébastien Delmotte n’est pas dupe de cette soi-disant difficulté à dénicher des salariés : Comme un peu partout, la direction freine sur les effectifs : si le travail peut se faire à dix, pourquoi le faire à treize ? Une problématique d’autant plus prégnante que des travaux d’agrandissement de l’abattoir sont prévus de 2024 à 2026.
La fin d’un climat de peur
Mais plus encore, les élections et la grève victorieuse ont marqué la fin d’un climat de peur et de résignation dans l’entreprise. Avant, la parole des salariés était fermée, raconte Sébastien Delmotte. Si l’un d’entre eux osait sortir du rang, on lui mettait la pression voire on le convoquait pour une sanction disciplinaire. La forte participation aux élections du CSE et la syndicalisation éclair des salariés ont fait prendre conscience à la direction de la solidarité existant entre les travailleurs.
A présent, la hiérarchie se méfie, constate le militant : Si elle veut tenter quelque chose, elle jauge le ressenti du personnel, et si ça ne passe pas elle n’insiste pas. FO incarne désormais la défense des salariés qui l’ont bien compris, en adhérant et en votant pour les listes FO.