Samuel Norel, 44 ans, est le secrétaire du syndicat FO de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus importante d’Europe, dont quelque 65 % des 1 800 agents se sont mobilisés dès le 5 décembre contre le projet de réforme des retraites.
Le syndicat est majoritaire, avec près de 42 % des voix.
Syndiqué depuis une dizaine d’années, secrétaire du syndicat FO de la centrale nucléaire de Gravelines depuis cinq ans, Samuel Norel n’est pas un novice. Partisan opiniâtre de la négociation tant qu’il est possible d’en tirer quelque chose, il n’a jamais esquivé un conflit quand cela s’est avéré nécessaire. Mais cette fois, il dit avoir été très surpris par la colère et la motivation
de ses collègues, mobilisés depuis le 5 décembre contre le projet de réforme des retraites. Présents par centaines dans toutes les assemblées générales, ils ont notamment décidé de rester mobilisés les 24 et 31 décembre. Puis début janvier, alors qu’ils prêtaient main forte à d’autres secteurs depuis un mois en participant massivement aux blocages alentour, ils ont décidé de réinvestir leur propre outil de travail
, c’est-à-dire d’occuper le site de la centrale. Celui-ci est resté bloqué dix jours, durant lesquels ne passaient les grilles que les agents qui pilotent
les réacteurs. C’est normal, il s’agit de la sûreté nucléaire. La majorité étaient grévistes et n’étaient payés que 20 % de leur salaire mais ils devaient être là, au cas où
, explique Samuel. Nous dormions sur place, se souvient-il. Les responsables syndicaux devaient être disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour organiser la grève et surtout écouter les collègues et discuter avec eux.
Un soir, le syndicaliste, qui est aussi guitariste, a offert un concert, avec son groupe de musiciens, à ceux qui tenaient le piquet de grève
. Adepte de l’autodérision, Samuel confie en riant : Nous, les militants, avons compris que jusqu’ici nous avions une vie de syndicalistes plutôt tranquille !
À FO, le syndicat de base est souverain
Le militant a visiblement de l’énergie à revendre. Une énergie qu’il nourrit de son optimisme. Impossible de ne pas être optimiste quand on est syndicaliste
, s’exclame-t-il. Mais il est aussi très réfléchi. Entré à EDF en 2000, il ne s’est syndiqué que dix ans plus tard, après son embauche à la centrale de Gravelines. Les autres syndicats dans mes anciens lieux de travail [RTE, puis Enedis – NDLR] ne me convenaient pas, même si je m’intéressais de près à ce qu’ils faisaient. À FO, c’est le syndicat de base qui est souverain et c’est ce qui m’a plu.
FO, qui recueillait à peine 10 % des voix en 2010 à Gravelines, est passé à 23 % en 2013. Le syndicat a continué à grandir après l’élection en 2014 d’une équipe élargie et rajeunie, dont Samuel au mandat de secrétaire général. Aujourd’hui, FO compte près de trois cents adhérents, contre soixante-dix en 2013, et a recueilli 42 % des voix fin 2019. Nous nous sommes d’abord beaucoup consacrés à la défense individuelle des salariés, explique le militant. Puis nous avons commencé à agir pour la défense des droits collectifs, par la négociation et parfois par la grève. Mais nous ne faisons pas que défendre nos acquis, nous voulons aussi des améliorations, sur la base du cahier de revendications dressé avec les collègues. Depuis un an et demi, par exemple, nous négocions un changement d’horaires et je pense que nous sommes en train de parvenir à un compromis satisfaisant pour l’ensemble des agents du site.
Optimiste, réfléchi et tenace.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly