Qu’ils soient salariés du public ou du privé, la hausse des salaires reste à l’évidence en tête de liste de leurs priorités. Rien d’étonnant. Dans le privé, ce sont par exemple des NAO qui bloquent à la suite de propositions patronales plus que rudimentaires. Dans le public, c’est l’annonce d’un nouveau gel du traitement indiciaire. Après deux années d’une inflation forte et de mesures salariales qui, au mieux, n’ont fait que la compenser, la colère gronde tant dans les entreprises que dans les services. La préservation des emplois et la nécessité de recrutement est aussi une préoccupation majeure. Cela sur fond d’économies toujours plus drastiques visées par la sphère publique – qui persiste dans la suppression de postes – et, dans le privé, d’une recherche de profitabilité toujours plus forte, ce que traduisent actuellement beaucoup de PSE engagés.
Autre préoccupation marquée, les conditions de travail, lesquelles se dégradent au fil des suppressions d’emplois, du manque de moyens mis en œuvre et de dispositions diverses d’organisation du travail visant toujours plus de rentabilité. Plus largement, dans le privé comme dans le public, les salariés demandent une reconnaissance de leur travail, de leurs efforts et que cela se traduise concrètement, par l’amélioration des emplois, des statuts, par le respect de leurs droits… Petit tour d’horizon de grèves, annoncées, en cours, ou qui ont déjà permis de faire aboutir les revendications. Des actions qui illustrent toute la détermination de FO, toujours aux côtés des salariés.
Leroy Merlin : une grève pour dénoncer des augmentations de salaires dérisoires
Le 13 novembre, à l’appel de deux syndicats dont FO, un mouvement de grève national a touché une quarantaine de magasins Leroy Merlin en France. Les syndicats protestaient contre la proposition patronale lors des NAO pour 2025. Le 5 novembre en effet, ces négociations annuelles sur les salaires ont abouti à l’octroi d’une augmentation générale de seulement 1,1 %, avec un socle minimal garanti de 30 euros brut, pour le soutien aux bas salaires. L’intersyndicale demande la réouverture de négociations, refusée par la direction. 1,1 %, c’est moins que l’augmentation du Smic en novembre. On ne peut pas laisser passer ça !, fustige Bernard Vigourous, DSC FO chez Leroy Merlin France. FO revendiquait une hausse de 60 euros brut afin que les 31 000 salariés, employés et cadres bénéficient d’une revalorisation identique. Mais la direction est restée inflexible, déplore le militant.
Des salariés qui demandent reconnaissance
Pour Bernard Vigourous, cette grève traduit un grand ras-le-bol des salariés. Chez Leroy Merlin, le salaire moyen d’un employé est de 2 104 euros brut, et le premier niveau de la grille salariale est à 15 % au-dessus du Smic. Les vendeurs sont mal payés, mais leur travail s’intensifie ! Signe du malaise : en 2024, le turn-over dans les magasins atteint le score de 17 %. La faiblesse des NAO 2025 ne va pas résoudre le problème des démissions silencieuses. La direction semble au contraire les encourager. La pilule passe d’autant plus mal que l’entreprise, propriété de la famille Mulliez, va bien : sur un an, ses bénéfices avant impôts, 396 millions d’euros en août 2024, ont augmenté de 38 millions d’euros. Cela devrait se retrouver dans les augmentations salariales, et ce n’est pas le cas. Nous sommes clairement sur un problème de redistribution des profits, dénonce le DSC.
Les cheminots en grève contre la destruction du transport public ferroviaire
Les cheminots étaient appelés à faire grève le 21 novembre, avec le soutien de FO, pour une première journée de mobilisation, avant un appel à la grève illimitée à compter du 11 décembre. Les syndicats dénoncent notamment la filialisation du transport ferroviaire et l’ouverture à la concurrence.
Au 1er janvier prochain, dans le cadre d’un accord passé avec la Commission européenne, Fret SNCF, leader français du transport ferroviaire de marchandises, doit être liquidé pour renaître sous la forme de deux sociétés distinctes, vers lesquelles les cheminots seront transférés.
Dégradation des conditions de travail
Hexafret s’occupera des activités de transport et Technis de la maintenance. Au passage, quelque cinq cents emplois seront supprimés, soit 10 % des effectifs. Côté transport de voyageurs, l’ouverture à la concurrence des lignes TER, Transilien et Intercités se concrétise, avec à la clé un abaissement des coûts et une dégradation des conditions de travail.
Au 15 décembre, les cheminots opérant sur les lignes TER de l’étoile d’Amiens et de l’étoile de Nice vont ainsi être transférés vers les entreprises ayant remporté les appels d’offres passés par les régions.
La ligne Nice-Marseille suivra en juin 2025. Filialisation, privatisation, régionalisation, autant de mots pour cacher l’explosion de l’opérateur historique, dénonce la fédération FO-Cheminots.
La fédération appelle également à poursuivre la bataille pour l’augmentation des salaires et l’abrogation de la réforme des retraites. Pour les NAO, la direction n’a accordé que 0,5 % d’augmentation générale, dénonce Daniel Ferté, secrétaire fédéral FO-Cheminots.
À l’hôpital Beaujon, les soignants en grève depuis plus d’un mois
Devant l’hôpital Beaujon de Clichy-la-Garenne, établissement où les services dans leur totalité sont en grève depuis le 14 octobre, la fatigue des agents se mêle à la colère. Car les professionnels ne demandent qu’une chose : pouvoir soigner les patients dans de bonnes conditions. Or par le manque de personnels, qui induit des fermetures de lits, les conditions de travail se dégradent, ce qui impacte autant les agents que les usagers. Les soignants qui manquent à l’appel ne sont pas remplacés, explique Jean-Emmanuel Cabo, secrétaire général FO-APHP. Du coup, les personnels présents doivent courir d’un patient à l’autre, voire changer de service et être flexibles.
Une économie de 400 millions d’euros imposée à l’AP-HP
Au sein de l’hôpital, ces soignants évoquent les heures supplémentaires, les jours de repos qui ne sont pas respectés et donc la fatigue qui s’installe. La direction générale de l’AP-HP exige un plan d’économie de 400 millions d’euros sur l’ensemble des établissements, relate Jean-Emmanuel Cabo. On arrête le recours aux intérimaires et on renvoie les CDD. Mais en tant que service public, l’hôpital continue de fonctionner, et les agents connaissent de plus en plus de difficultés pour assurer un service de qualité. Ils ne sont pas les seuls dans ce cas. D’autres établissements de l’AP-HP sont également mobilisés. On ne peut que constater une souffrance commune des soignants et leurs conditions de travail dégradées, souligne le militant. Tôt ou tard, cela donnera lieu à une mobilisation plus globale. À nous de la construire avec les agents.
Après dix jours de grève, la victoire salariale des agents d’entretien d’ArcelorMittal de Fos
Ce fut une grève marquée par une vraie solidarité !, indique, ému, Abdoulaye Sall, délégué central FO chez Isor (où FO est majoritaire). Le 5 novembre, vingt-trois salariés travaillant sur le site ArcelorMittal de Fos-sur-Mer, employés par la société de propreté Isor, se sont mis en grève devant l’entrée du site de l’aciériste. Au prix de dix jours de mobilisation, ces agents de nettoyage, ces travailleurs invisibles mais essentiels, souligne le militant, ont obtenu des avancées notables.
Solidarité entre les syndicats FO
Ainsi, la revalorisation des bas échelons de la grille salariale, ce qui bénéficie à vingt-huit salariés. On parle de professionnels dont le salaire n’a pas augmenté depuis près de sept ans !, précise Abdoulaye Sall. Autre mesure, l’inscription dans le contrat de travail d’un treizième mois payé à 100 %. Dans les accords entre la société prestataire Isor et ArcelorMittal-Fos, le treizième mois est cette année payé à 70 % et doit atteindre 100 % pour 2025. Les salariés exigeaient que cet accord soit écrit dans leur contrat. Cela pour qu’ils soient protégés au cas où l’activité de nettoyage du site serait reprise un jour par une autre entreprise.
Au cours de cette grève, le syndicat FO d’ArcelorMittal a été très présent. Il nous a beaucoup soutenus, et les camarades ont évoqué auprès de leur direction le risque de danger imminent pour eux, puisque le ménage des machines n’était pas fait. Après leurs alertes, la direction d’Isor, sous la pression de son client, est revenue vers nous pour nous faire ses propositions.
Chloé Bouvier
Fonction publique : de la colère à la grève
Sur fond rouge, un poing serré et un slogan : « Non ! », « Touche pas à mon fonctionnaire ». Voilà, créé par FO-Fonction publique, l’autocollant que de nombreux agents arboreront lors de la grève des 10, 11 et 12 décembre décidée par l’union interfédérale, laquelle a déposé un préavis pour la période du 1er au 31 décembre. Annonce faite au Premier ministre, via un courrier le 20 novembre où FO rappelle ses revendications. L’arrêt des suppressions de postes ou encore la nécessité de moyens budgétaires pour les services, dont ceux de santé publique. La SPS-FO milite pour un Ondam (la progression des dépenses de santé) affichant une hausse de 10 % en 2025 et non de 2,8 % comme prévu par le gouvernement. Elle fustige les près de 80 000 fermetures de lits d’hospitalisation complète entre 2007 et 2023, dont 4 900 lits cette dernière année. Le signe évident du manque de personnels, dû notamment au manque d’attractivité des carrières. La fédération se réjouit par ailleurs de l’examen par l’Assemblée, a priori le 12 décembre, de la proposition de loi (PPL) sur la fixation d’un ratio minimal de soignants par patient à l’hôpital, une revendication de longue date. Cette PPL a été validée par le Sénat en 2023.
Stop aux mesures destructrices et aux provocations
Plus largement, l’union interfédérale FO rappelle d’autres revendications, nombreuses. Ainsi, l’ouverture de négociations salariales, la hausse du point d’indice de 10 %, l’amélioration de la grille, l’abandon du projet pour une loi d’« efficacité de la fonction publique ». Elle revendique aussi l’abandon de la mesure relevant à trois le nombre de jours de carence en cas d’arrêt maladie, ainsi que celle portant un recul de 10 % de l’indemnisation des arrêts. Provocation, le ministre Guillaume Kasbarian convoque le 3 décembre un conseil commun de la fonction publique afin d’examiner le projet de décret pour cette dernière mesure. Et alors que le projet de loi de finances est encore débattu au Parlement. La journée d’actions du 5 décembre dans le public (qui sera suivie d’une intersyndicale à laquelle FO-Fonction publique participera) ne peut être qu’un avertissement, préparant la véritable mobilisation à partir du 10 décembre. Soit le gouvernement retire immédiatement ses mesures contre la fonction publique et ses agents, soit la mobilisation du 10 au 12 décembre, décidée par FO et dont elle espère l’unité la plus large possible, montrera toute la détermination des agents à gagner.
Ouverture à la concurrence : les conducteurs de bus de Cergy en grève depuis le 7 novembre
À la suite d’un appel à la grève illimitée lancé par le syndicat FO, ultra-majoritaire, les bus de l’agglomération de Cergy-Pontoise, dans le Val-d’Oise, et de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, sont totalement à l’arrêt depuis le 7 novembre. Les conducteurs dénoncent une dégradation de leurs conditions de travail depuis le changement d’employeur survenu en janvier dernier dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des transports publics d’Île-de-France.
Le marché a été remporté par le groupement Lacroix-Savac. Le réseau a été attribué au candidat le moins-disant, et le budget n’est pas suffisant pour que ça fonctionne, dénonce Frédéric Mirande, délégué FO.
La mise en place de nouveaux plannings en septembre dernier a mis le feu aux poudres. Les nouvelles feuilles de service sont faites par ordinateur, personne n’est venu sur place pour vérifier que les temps de route étaient tenables en conditions réelles. Nous sommes toujours en retard, nous sommes devenus des robots, poursuit le militant, qui pointe également la vétusté du matériel.
Un médiateur a été nommé
Malgré cette situation explosive, le dialogue social était toujours bloqué le 26 novembre. Le syndicat a déposé un droit d’alerte en septembre dernier, puis une alarme sociale, restés sans effets. Les élus de l’agglomération de Cergy-Pontoise, qui dénoncent une situation insoutenable pour les utilisateurs des bus, ont voté une motion à l’unanimité, le 12 novembre. Ils appellent à ce que les négociations aboutissent le plus rapidement possible et que rien ne soit fait au détriment des salariés.
Le donneur d’ordre, Île-de-France Mobilité, a également nommé un médiateur le 18 novembre, sans succès jusqu’à présent. Le syndicat est d’autant plus inquiet qu’un nouvel accord d’entreprise doit être trouvé avant mars prochain, et que les négociations n’ont toujours pas démarré.
France Travail : grève et rassemblement à Paris le 5 décembre
Huit syndicats de France Travail, dont quatre représentatifs (avec FO), appellent à une grève nationale le 5 décembre. Un rassemblement est prévu à Paris, aux Invalides, en fin de matinée. Les agents de la structure, qui compte un effectif moyen mensuel de 58 613 personnes (plus de 55 200 relèvent du droit privé, 3 300 sont agents de droit public), s’élèvent contre la suppression de 500 postes (ETPT) prévue par le projet de loi de finances pour 2025. Cela alors que l’on nous demande d’accompagner les demandeurs d’emploi et que France Travail est coordonnateur du réseau pour l’emploi !, s’indigne Natalia Jourdin, déléguée centrale FO. La charge de travail supplémentaire pour le seul accompagnement des allocataires du RSA (réforme en vigueur au 1er janvier 2025) nécessite 500 postes (ETPT), estime un document. Ce n’est donc pas supprimer 500 postes qu’il faut, mais au contraire en créer 500 de plus !
Salaires : la demande d’une hausse générale de 250 euros net par mois
La grève portera aussi la revendication salariale : une augmentation générale et a minima de 250 euros net par mois, avec effet rétroactif au 1er janvier 2024. Et pour cause. Depuis 2018, les agents de droit privé n’ont reçu qu’une revalorisation de 5,5 %. Ceux de droit public, de 1,5 % en 2023 après 3,5 % en 2022. Le premier échelon de la grille est sous le Smic. Quant au premier niveau de la grille des conseillers d’emploi, il se situait à 303 euros au-dessus du Smic en 2018 mais à 57 euros seulement au-dessus du Smic au 1er novembre 2024, rappelle Natalia Jourdin.