A l’issue d’un appel à la grève, suivi par la moitié des 420 salariés du site pharmaceutique Merck situé à Martillac (Gironde), FO a obtenu la revalorisation de la quasi-totalité des mesures d’accompagnement au reclassement, alors en cours de négociation. Le syndicat a validé le 14 avril le projet de suppression de 101 emplois, dont 75 licenciements contraints.
La grève a renversé le rapport de forces. A l’appel d’une intersyndicale comprenant FO (deuxième organisation), près de 200 des 420 salariés de Merck, développant à Martillac (Gironde) des molécules biologiques et principes actifs utilisés dans les traitements en oncologie, ont débrayé le 8 avril pour exiger un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr) plus juste et respectueux des droits des salariés.
L’ampleur de la mobilisation a incité la direction à lâcher du lest. Alors qu’elle s’arc-boutait sur ses propositions, elle a accepté de revaloriser significativement la quasi-totalité des mesures d’accompagnement au reclassement, ainsi que FO le revendiquait, explique Frédéric Guichard, délégué syndical (DS) FO, également secrétaire général du syndicat FO Pharma 33 (Gironde, Ndlr). Satisfait de cette issue, FO a validé le 14 avril le projet de 101 suppressions d’emplois, dont 75 licenciements contraints.
La santé du groupe est florissante
Depuis que Merck France (4 000 salariés répartis sur 12 sites dans l’Hexagone) a annoncé mi-janvier son projet de cession du site de Martillac, ainsi qu’une réorganisation des deux activités qui y sont opérées (l’activité LifeScience doit être vendue en août au laboratoire américain de recherche AbbVie qui reprendrait 300 salariés, et l’activité HealthCare doit être arrêtée en 2026, suite à la résiliation de l’unique contrat de sous-traitance, ndlr), le militant FO n’a cessé d’exiger des mesures d’accompagnement proportionnelles aux moyens du groupe. Car le géant pharmaceutique allemand Merck KGaA se porte bien : son chiffre d’affaires était de 21,2 milliards d’euros en 2024 et son bénéfice net 2024, de 2,8 milliards d’euros.
La santé du groupe est florissante, appuie Frédéric Guichard. Le DS FO conteste la motivation économique des suppressions d’emplois : il pointe des erreurs stratégiques ainsi que l’incapacité du groupe à trouver de nouveaux clients pour le site. Nécessairement, la décision de cession interroge, intervenant quelque deux ans après que Merck a investi sur le site plus de 80 millions d’euros pour développer les capacités de production. Quatre nouveaux bâtiments ont été construits. Merck considère que le site n’est pas profitable à court terme. Mais il ne s’est pas donné le temps suffisant pour atteindre un retour sur investissement, estime le militant FO, rappelant la centaine de recrutements réalisés depuis 2022. Jugeant la vente précipitée, il dénonce aussi le fait que le CSE (comité social et économique) n’ait pas été consulté en 2024 sur les orientations stratégiques.
Le nombre de suppressions de postes réduit à 101
Si les avancées obtenues (notamment la revalorisation de l’indemnité de licenciement et l’augmentation de la durée du congé de reclassement) ont emporté la signature de FO, les trois mois de négociations ont été très éprouvants, commente le militant, pointant des procédures très compliquées.
En effet, la direction a choisi de mener, en parallèle, deux consultations des institutions représentatives du personnel (IRP) (l’une sur la cession du site, l’autre sur les réorganisations préalables à la cession de LifeScience et sur l’arrêt de l’activité HealthCare), alors que les conséquences sociales sont liées. La durée de ces deux consultations n’étant pas similaire, cela n’a pas aidé à avoir une vision globale de la restructuration, euphémisme le DS FO. A ce flou, s’est ajoutée la complexité de la réorganisation, laquelle est notamment assortie de la réaffectation des salariés des services partagés entre les deux activités, dont celle devant fermer en 2026 – la réaffectation signifiant, dans ce cas, un licenciement économique à terme.
Autre difficulté pour les négociateurs, la multiplicité des dispositifs utilisés. Au final, les 101 suppressions de postes projetées se feront via deux plans de départs volontaires (dont un différé) et via un PSE concernant 75 salariés. Il y a à redire concernant ce projet de PSE, notamment sur les catégories professionnelles qui servent de base à l’application des critères d’ordre des futurs licenciements. Malgré plusieurs demandes de FO, la direction a refusé de les élargir (et donc d’en réduire le nombre, ndlr). Résultat, elles sont trop ciblantes. Elles servent la réorganisation voulue par la direction au lieu de faciliter les reclassements internes, dénonce Frédéric Guichard. Par le jeu de la négociation, FO aura cependant réussi à diminuer le nombre total de suppressions de postes projetés, de 106 à 101.