Au travers de deux rapports qu’elle vient de publier, la Confédération internationale des syndicats (CSI) rappelle au FMI et à la Banque mondiale les effets dévastateurs de leurs politiques sur le contrat social, au cours des dernières décennies. Elle demande aux deux institutions financières internationales de tirer les enseignements du passé et de dépasser le stade des réformes structurelles dictées par le fondamentalisme du marché
. Un véritable changement de paradigme. En Europe, le plan de relance présenté le 27 mai par la Commission européenne, sans le concours ni du FMI, ni de la Banque mondiale, n’en illustre pas moins la difficulté de l’exercice.
9 000 milliards de dollars. Tel est, à l’échelle de la planète, le montant total déjà injecté par les États pour limiter les dégâts causés par la pandémie sur l’économie. Dans les pays avancés du G20, la dette publique devrait bondir de près de vingt points du PIB en 2020, passant de 113% à 132% du PIB.
Les plans de relance budgétaire adoptés ces deux derniers mois ont par la force des choses rompu avec les politiques d’austérité imposées dans le sillage de la crise de 2008-2009. Mais vient aujourd’hui le temps de faire les comptes. Qui va payer la facture ? Qui va rembourser la dette ? Et comment ? Faudra-t-il de nouveau en passer par des plans de rigueur draconiens ? La question fait de plus en plus débat parmi les économistes.
La CSI appelle à mettre fin aux politiques d’austérité
C’est dans ce contexte que la Confédération syndicale internationale (CSI), elle, appelle le FMI et la Banque mondiale à supprimer les conditions entourant les prêts
(qu’ils octroient aux États en difficulté, ndlr ), et en particulier à mettre un terme aux mesures d’austérité comme conditionnalité
. Elle appelle ainsi à réformer le FMI et la Banque mondiale pour mieux se relever de la crise du Covid-19
.
Sa secrétaire générale, Sharan Burrow, rappelle qu’après la crise de 2008 provoquée par le secteur financier et les plans destinés à sauver ceux-là mêmes qui étaient responsables de cette crise, les travailleurs sont devenus la cible d’une guerre ouverte contre la négociation collective, les droits du travail et les services publics
.
Aujourd’hui, souligne-t-elle, à l’heure où des plans de relance économique sont mis en place pour sortir de la crise de la COVID-19, nous ne pouvons refaire ces mêmes erreurs qui consistent à mettre fin prématurément à la reprise en réalisant des coupes budgétaires drastiques préjudiciables à la croissance
.
Ne pas faire barrière au nouveau contrat social sur lequel doit s’appuyer la relance
Pour appuyer son propos, la CSI a publié le 21 mai deux rapports, l’un consacré aux politiques du FMI, l’autre à celles de la Banque mondiale, au cours des quarante dernières années.
En Zambie, au Soudan, au Nigéria, en Argentine, au Brésil, au Pérou, en Thaïlande… Les auteurs reviennent, chiffres à l’appui, sur l’expérience de plusieurs pays confrontés ces quarante dernières années aux plans d’ajustements structurels du FMI et de la Banque Mondiale. Ils analysent également les conséquences des plans imposés en Europe après la crise de 2008, en particulier en Grèce et au Portugal, par la fameuse troïka composée du FMI, de la banque centrale européenne et de la commission européenne.
La CSi demande donc aux deux institutions financières internationales de tirer les leçons des expériences passées, d’aller au-delà des réformes structurelles dictées par le fondamentalisme du marché
et de ne pas faire barrière au nouveau contrat social sur lequel doit s’appuyer la relance
. Par fondamentalisme du marché, il faut comprendre une liberté totale de ces marchés, censés a priori se réguler eux-mêmes et surtout sans aucune entrave des États. A jouter que cette théorie libérale porte en elle le fait que ces marchés ont toujours raison.
Et en Europe ?
Il apparaît que la partie engagée pour un tel changement de paradigme n’est pas non plus gagnée du côté de l’Union européenne, même si le pacte de stabilité budgétaire a été suspendu dès le 20 mars dernier.
Aujourd’hui, les négociations entre les 27 États membres, en vue d’adopter le projet de plan de relance présenté le 27 mai par la Commission européenne, s’annoncent ardues. Le projet est en effet adossé au budget de l’Union européenne, qui pour être validé requiert le vote unanime des États membres.
La commission a proposé un fonds de 750 milliards d’euros, dont 500 seraient redistribués sous forme de subventions que les États n’auraient pas à rembourser. Le reste serait constitué de prêts accordés aux États membres. Il s’agit donc d’un mix censé satisfaire à la fois les États partisans des subventions et ceux, plus rigoristes, aujourd’hui surnommés les frugaux
, que sont les Pays-Bas, l’Autriche, Danemark et Suède. Ces derniers sont en effet partisans d’un soutien via des prêts uniquement.
Une relance conditionnée aux réformes structurelles ?
Subventions ou prêts, pour avoir accès à ces aides financières, les États devraient présenter un plan national d’investissements et de réformes structurelles compatible avec les priorités de la commission européenne en termes de compétitivité.
On peut craindre que cela renvoie aux recommandations faites dans le cadre du semestre européen
(cycle récurrent de coordination des politiques économiques des États membres). Or c’est dans ce cadre qu’ont été encouragées et validées de nombreuses réformes ces dernières années, comme celles des retraites, du système de santé ou encore CAP 22.
, indique Marjorie Alexandre, secrétaire confédérale chargée du secteur International, Europe et Migrations. D’ailleurs, les dernières recommandations par pays faites par la Commission viennent de paraître et elles reprennent celles de l’exercice précédent, notamment en matière de retraites
, ajoute-t-elle.
Et la secrétaire confédérale de conclure : Sans affirmation claire d’un changement de paradigme économique, on peut craindre la poursuite de politiques d’austérité avec des mesures de rigueur budgétaire, ainsi que de réformes, tout ce que FO a fermement dénoncé.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly