Réchauffement climatique : pour FO, rien ne remplacera le business de la neige

L a neige tombée en abondance ces dernières semaines en haute altitude, et qui fait le bonheur des skieurs, est surnommée l’« or blanc » tant elle peut rapporter financièrement en quelques mois aux acteurs de la montagne et assurer le développement économique des territoires.

La France compte 250 stations de ski alpin exploitées par 200 entreprises de remontées mécaniques employant 18 000 salariés. Chaque hiver, ces stations accueillent 10 millions de touristes, dont un quart venu de l’étranger. Ils dépensent près de 10 milliards d’euros par an dans les forfaits, la location de matériel, les cours de ski, le logement… Avec 51,9 millions de journées-skieur enregistrées l’hiver dernier, la France se place au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis. La fréquentation moyenne a augmenté de 2 % sur un an, malgré de fortes disparités entre les massifs selon les aléas d’enneigement (+ 7 % en Savoie, – 57 % dans les Vosges).

La branche génère plus d’un milliard d’euros de recettes, une fois défalqués les lourds investissements réalisés chaque année pour les domaines skiables (546 millions d’euros en 2023). En euros constants, les recettes globales ont triplé en trente-cinq ans, passant de 600 millions d’euros en 1990 à 1,8 milliard d’euros en 2024.

Les stations génèrent aussi plus de 120 000 emplois indirects, dans les commerces, les hébergements, les écoles de ski… Ce dynamisme économique s’étend jusqu’aux vallées, avec les services aux entreprises (comptabilité, informatique, communication), la construction… Les communes et les départements concernés perçoivent également une taxe sur les recettes des entreprises des remontées mécaniques. Une ressource pour les collectivités qui s’élève au total à 60 millions d’euros par an.

Mais cet « or blanc » est menacé par le réchauffement climatique. Si les stations de haute altitude parviennent encore à tirer leur épingle du jeu, les stations familiales situées en plus basse altitude doivent composer avec le manque de neige, débouchant souvent sur un déficit financier.

Certaines communes préfèrent tourner la page. En octobre dernier, après un référendum auprès des habitants, la Seyne-les-Alpes, dans les Alpes-de-Haute-Provence, a décidé de fermer les remontées mécaniques de la station du Grand-Puy. La baisse de fréquentation due au manque de neige avait généré des centaines de milliers d’euros de pertes. L’objectif est désormais de diversifier les activités de sport et nature. En septembre, c’est la plus grosse station de ski alpin du Jura, Métabief, qui a annoncé la fermeture de 30 % de son domaine skiable. Depuis les années 1950, cent quatre-vingt-six domaines skiables ont cessé d’être exploités, au rythme de deux ou trois par an, selon le géographe Pierre-Alexandre Metral, cité par le journal Le Monde.

En jeu, la survie économique des vallées

Insuffisant pour la Cour des comptes qui, dans un rapport rendu en février 2024, pointait l’essoufflement du modèle économique du ski français. Elle estime que toutes les stations seront plus ou moins touchées à l’horizon de 2050 par le manque de neige et que beaucoup de collectivités territoriales n’ont pas pris la mesure de la situation. Elle leur reproche aussi de trop miser sur la neige de culture (canons à neige), qui n’est, à ses yeux, qu’une solution à court terme. La Cour recommande notamment que chaque station élabore un plan d’adaptation pour sortir de la dépendance au ski, et que les financements publics soient conditionnés à l’existence et au respect de ce plan.

Une méthode trop brutale pour Éric Becker, conseiller fédéral chargé des remontées mécaniques à l’UNCP FO-Transports et référent national saisonniers.  Il serait irresponsable d’ignorer l’évidence d’un réchauffement climatique, mais il faut mener une réflexion intelligente, explique-t-il. Beaucoup de petites stations sont sous perfusion financière. Aujourd’hui, on leur coupe les vivres avant de leur donner les moyens de changer. Il n’y a pas de solution miracle selon lui. On ne remplacera jamais la neige. Le VTT, qui marche très fort l’été et a le plus gros potentiel, ne représente au maximum que 20 % du chiffre d’affaires de la saison d’hiver. La suppression progressive des aides aux stations en difficulté serait catastrophique pour des régions entières, poursuit le militant.

En Savoie, qui possède le plus grand domaine skiable du monde avec les Trois Vallées, l’or blanc génère chaque année 4 milliards d’euros d’activité économique, soit un bon tiers du PIB du département (11,4 milliards d’euros) selon Pierre Didio, secrétaire général de l’UD FO. La Savoie ne pourra jamais se priver de ces 4 milliards d’euros. L’industrie fout le camp, ce qui fait encore augmenter la part du tourisme dans le chiffre d’affaires, réagit-il.

Selon FO, il en va de la survie économique des vallées. Éric Becker appelle à la mise en place de mesures de sauvegarde de l’emploi. Des actions du syndicat sont en cours auprès des ministères concernés. L’équilibre économique de nos vallées est totalement dépendant du travail en station. Si ce schéma est rompu, un exode rural est prévisible, alerte-t-il. Il faut se rappeler que c’est l’essor des stations de ski qui avait sorti ces régions de la pauvreté et permis aux montagnards de rester au pays.

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