Pour consommer, les plus modestes s’endettent


Certes sur 2020, le nombre de dossiers déposés pour surendettement (108 000) a reculé de 24% indiquait mi-janvier la Banque de France. La raison principale : le confinement du printemps dernier. Pour autant, depuis, les dépôts sont revenus à leur niveau de 2019 et en décembre ils étaient « un peu au-dessus » indiquait la BdF qui se dit « attentive ».

Et pour cause, la crise n’a pas dit son dernier mot, notamment en ce qui concerne la capacité très amoindrie des plus modestes à consommer. Et si en novembre 2020, la consommation des ménages chutait de près de 19% (sur un an, de 17,1%), cela provenait notamment de la crainte de certains de devoir affronter des difficultés à l’avenir. Déjà, en amont de la crise, la capacité à consommer traduisait les inégalités, en lien bien sûr avec les revenus. En 2019, l’Insee et la BdF indiquaient que le surendettement en France a reculé depuis 2014. La raison « tient en partie aux évolutions de la législation, en particulier à la loi Lagarde du 1er juillet 2010 qui a fortement encadré les crédits à la consommation ».

Cela ne signifie donc pas que les ménages ont moins de difficultés financières et d’ailleurs, moins d’un tiers de ceux qui en connaissent déposent un dossier de surendettement. Et les statistiques sur ces dossiers en disent déjà long. Au plan de leur situation professionnelle, les ménages surendettés sont (en 2019) à 60,5% des actifs et plus de la moitié avec un emploi. 39,5% sont déclarés « inactifs » dont près de 16% de retraités. Les surendettés sont à 31,5% des employés, à 21,4% des ouvriers, à 14,4% des retraités et à près de 28% des personnes sans activité professionnelle. 57% des personnes vivant dans des ménages surendettés ont des ressources mensuelles nettes sous le seuil de pauvreté, soit moins de 1055 euros. 34% ont des ressources comprises entre 1055 euros et 1759 euros. En France, 49% des ménages surendettés « n’ont aucune capacité de remboursement » souligne l’Insee. Et ça, c’était avant la crise…

Pourquoi FO demande une hausse des salaires, pensions, allocations et minima sociaux

Comment les ménages en difficulté pourraient-ils consommer sans recourir aux crédits ? Ces derniers ont fortement augmenté dès le printemps 2020 (+7,5% en juin, +5% en août). 27% des français ont eu recours au crédit à la consommation en 2020. La moitié des crédits ne dépassent pas 1000 euros. 47% des personnes contractant un crédit le font pour pouvoir acheter de la nourriture et assurer les charge fixes. Pour 21%, une situation devenant précaire (chômage, temps partiel…) est exprimée. En octobre, un organisme de crédit révélait que 48% des personnes interrogées (+14 points par rapport à février 2020) envisageaient de souscrire un crédit pour préserver son épargne. Une personne sur cinq disait devoir faire face à une baisse de pouvoir d’achat, 29% de celles-ci sont des « catégories socio-professionnelles les moins favorisées ».

Dans le contexte de crise, le livret A (taux de rendement de 0,5%) a multiplié par deux sa collecte en 2020. « C’est une épargne qui est vraiment forcée, qui est contrainte » déclarait le directeur général de la Caisse des dépôts. Et tandis que l’épargne gonflait au total en 2020 d’environ 100 milliards d’euros, le Conseil d’analyse économique (CAE) précisait en fin d’année que « près de 70% du surcroît de l’épargne » provient des 20% des ménages les plus aisés. La moitié provient des 10% les plus riches. En revanche, « les 20 % des ménages les plus modestes n’ont pas épargné et ont même dû s’endetter pour consommer. »

Peu de temps avant la crise, le baromètre Odoxa-RTL indiquait que 50% des français ne pouvaient épargner plus de 50 euros par mois. Dès la fin 2020, le gouvernement, et depuis le Medef, ont cependant appelé les citoyens à consommer pour relancer l’économie. La consommation des ménages -qui représentait au total 72% du PIB en 2019- est le principal moteur de la croissance, et donc de l’emploi. Mais encore faut-il avoir les ressources suffisantes pour consommer. La revendication de FO de revalorisation substantielle des salaires dont le Smic, des pensions, des minima sociaux, des allocations est donc bel et bien hélas fondée.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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