La direction du groupe Carambar&Co, détenue par un fonds d’investissement français, souhaite fermer le site de Blois et délocaliser la production de la marque emblématique de la région. Convaincus de son potentiel, les 109 salariés recherchent activement un repreneur.
À Villebarou, juste à côté de Blois (Loir-et-Cher), 176 ans d’histoire sont menacés de délocalisation. Début juin, les 109 salariés de la chocolaterie Poulain ont appris la volonté de son actuel propriétaire, Carambar&Co, de fermer le site. Malgré l’existence de quelques signes avant-coureurs, le choc a été rude pour les ouvriers : On se doutait qu’il y aurait peut-être un plan social, mais ils ne nous avaient jamais parlé de fermeture, assure Pascal Chollet, délégué syndical FO du site de Blois – où FO est majoritaire – et délégué central chez Carambar&Co.
Pour justifier son choix, la direction de Carambar&Co – groupe qui réunit depuis 2017 de nombreuses marques de confiserie célèbres mais en difficulté comme Carambar, Suchard, Lutti ou Krema – affirme qu’elle ne parvient pas à trouver assez de contrats pour remplir les volumes du site de Blois. L’usine est très grande, c’est vrai, admet volontiers Pascal Chollet. On a connu des époques où on tournait en 3×8, donc la baisse de volume est certaine. En décembre 2023, la fabrication de poudre chocolatée a été cédée au groupe allemand Krüger. Elle représentait 18% de la production du site. Eh oui, quand on vend des marques, c’est normal qu’on ait moins de volumes, ironise le délégué FO.
Un affaiblissement volontaire de la marque
Mais la perte de vitesse de Poulain ne date pas de Carambar&Co. Les coups les plus sévères ont été portés par le précédent propriétaire, Mondelez, qui lors du rachat de Poulain en 2010 possédait déjà les marques concurrentes Milka et Côte d’Or. Certaines productions de Poulain sont alors stoppées pour ne pas leur faire d’ombre. On ne s’est jamais remis des pertes que Mondelez a volontairement créées afin qu’elles bénéficient à ses marques phares, analyse Pascal Chollet.
Une fois ses vaisseaux amiraux sécurisés, Mondelez a donc revendu l’entreprise en 2017 au fonds d’investissement français Eurazeo, qui détient Carambar&Co. Ils nous ont dit en résumé : Nous, on achète des marques qui sont au plus bas, on les remonte et on les revend pour se faire de l’argent, raconte le militant FO. Ils n’ont pas réussi à remonter Poulain. Affaiblie par les déshabillages successifs subis, l’usine ne produit actuellement qu’à hauteur de 25% de son potentiel (considérant que 100% reviendrait à produire 24 heures sur 24 du lundi au dimanche).
Un risque de délocalisation de la marque emblématique
Pour autant, l’actionnaire ne désespère pas de faire du profit en revendant l’entreprise. Ils veulent licencier les 109 personnes et fermer le site, mais ils tiennent absolument à la marque Poulain, expose Pascal Chollet après avoir consulté le projet de la direction de Carambar&Co. L’actionnaire semble donc parier sur une plus forte rentabilité de Poulain après la fermeture du site de Villebarou. La fabrication des produits serait alors délocalisée à Strasbourg, en Allemagne et en Belgique.
Il y a trois ans, Carambar&Co avait déjà décidé d’un regroupement de sa production en fermant son usine Carambar de Marcq-en-Baroeul (Nord) au profit du site Lutti de Bondues, à 8 kilomètres de là. Un reclassement avait été proposé aux 105 salariés en CDI… moyennant une baisse de salaire de plus de 20%.
Maintenir la chocolaterie sur le bassin d’emploi
À Blois, les salariés de l’usine n’entendent pas laisser leur marque et leurs emplois être délocalisés. Blois c’est Poulain et Poulain c’est Blois, comme Michelin à Clermont-Ferrand, martèle le délégué. Nous allons nous battre pour trouver un repreneur, même s’il ne prend pas tout le monde. Objectif : empêcher que la marque historique quitte le bassin d’emploi. Fondée en 1848, elle a été pionnière de la réclame grâce à ses images à collectionner cachées dans les tablettes, et est devenue une marque très populaire du fait de son partenariat de longue date avec le Tour de France.
Si la direction aimerait d’emblée aborder les mesures d’accompagnement liées au PSE, l’intersyndicale menée par FO souhaite donc avant tout négocier une trêve d’un mois pendant les congés d’été, afin de disposer pleinement de la période légale de trois mois pour chercher activement un repreneur.