Plus de justice fiscale pour plus de justice sociale


Sept ans après le scandale des accords fiscaux avantageux consentis par le Luxembourg à plusieurs multinationales (« Luxleaks »), un article du journal Le Monde révèle que près de la moitié des entreprises commerciales enregistrées dans le pays sont de pures holdings financières, des sociétés offshore totalisant pas moins de 6 500 milliards d’euros d’actifs dont des entreprises du CAC 40 et grandes fortunes. D’après le quotidien, 15 000 français y détiendraient ainsi plus de 100 milliards d’euros d’actifs, attirés par les avantages fiscaux et la discrétion offerts par le pays, soit l’équivalent du montant du plan de relance destiné à sortir de la crise, et alors que vient le débat sur la dette créée par la crise – sous entendant la question : qui va la payer ?

Ces pratiques témoignent du caractère inopérant des mesures fiscales adoptées en 2018 (Suppression de l’ISF, allègement de l’exit tax, instauration de la flat taxe sur les revenus financiers) qui se donnaient pour objectif de lutter contre l’exil fiscal. Pour rappel, les pratiques d’optimisation représentent pour la France un manque à gagner de près de 5 milliards d’euros, soit l’équivalent du rendement annuel de l’ancien ISF (impôt sur la fortune) avant sa suppression.

A cela s’ajoute que plusieurs des entreprises concernées ont bénéficié, et bénéficient dans la cadre de la crise sanitaire, d’aides publiques. Encore une fois, quid des conditions, contrôles et sanctions associées à ces aides destinées à favoriser ou protéger l’emploi ?

Il faut aussi rappeler que la lutte contre les pratiques fiscales abusives au niveau européen, par exemple avec la création de la liste européenne des paradis fiscaux (limité à la dimension extra-européenne) en 2017 ou la réforme du droit des sociétés de l’UE en 2019, a systématiquement été amoindrie par les États membres qui profitent de ces pratiques. Malgré le lancement par le Parlement européen d’une commission spéciale contre l’évasion et l’optimisation fiscale en 2020, les nouvelles initiatives européennes sur la fiscalité risquent de perpétuer le statu quo, au détriment des finances publiques et de la justice fiscale.

Au niveau international, la liste des paradis fiscaux de l’OCDE est inefficace en l’absence de mécanismes de suivi et de sanctions effectives. Les négociations menées au niveau de l’OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS) s’enlisent, laissant la possibilité aux multinationales de soumettre leurs profits, réalisés ailleurs, dans des États avec une fiscalité basse ou nulle.

Pour FO, les règles en matière de transfert des bénéfices doivent être révisées au niveau international ou a minima au niveau de l’UE. Une nouvelle réforme du droit des sociétés est également nécessaire pour mettre en œuvre le principe de siège réel de l’entreprise et lutter durablement contre les « entreprises boîtes aux lettres » en Europe. La poursuite de la proposition d’un ensemble unique de règles fiscales sur l’impôt sur les sociétés au niveau européen – primordial pour lutter contre le dumping fiscal en Europe – sera un des principaux chantiers attentivement suivis par FO dans les prochaines années.

L’enchevêtrement et la complexité des règles fiscales au niveau international, européen ou national demandent plus que jamais des administrations fiscales nationales avec des moyens humains et financiers suffisants pour mener à bien leurs missions et effectuer les contrôles nécessaires.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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