Les demandes de requalification des CDD en CDI et les rappels de salaire subséquents donnent du fil à retordre aux salariés à l’origine des demandes. En témoigne l’arrêt, objet du présent Focus (Cass. soc., 28-2-24, n°22-11149).
Les faits sont les suivants : un salarié est engagé par une succession de CDD, en qualité d’animateur de vente. Il a travaillé de la sorte au total 14 ans. Au départ, il était engagé sur la base d’un temps complet, puis au bout de quelques années, les contrats étaient conclus à temps partiel.
Le salarié demande la requalification en CDI à temps complet avec paiement des périodes dites « interstitielles » c’est-à-dire celles entre les différents CDD.
En appel, il est débouté de sa demande et par la suite, la Cour de cassation s’aligne sur la position des juges du fond. Elle estime, à l’instar des juges du fond, que le simple fait qu’au début de la relation contractuelle aucun contrat écrit n’ait été rédigé par l’employeur ne fait que présumer le caractère de durée indéterminée. En revanche, le salarié devait apporter la preuve du temps complet. Il a été débouté sur ce point.
Ensuite, et c’est une donnée essentielle, les CDD à temps partiel étaient écrits, avec mention des horaires de travail. Le salarié savait donc à quel moment il était à la disposition de l’employeur, et à quel autre moment il ne l’était pas.
Par ailleurs, les juges du fond ont relevé que durant ces 14 années, le salarié ne travaillait qu’une à deux journées maximum à chaque contrat. Les juges ont qualifié d’anecdotiques le nombre d’heures travaillées chaque fois. Ils ont donc pu souverainement estimer, selon la Cour de cassation, que le salarié n’était pas, à la disposition permanente de l’employeur, outre le fait que les CDD à temps partiel précisaient les horaires de travail.
La Cour rappelle dans cet arrêt, que c’est au salarié de rapporter la preuve qu’entre les différents contrats (successifs ou non), il s’est tenu à la disposition de l’employeur, et non pas à l’employeur de prouver que le salarié n’était pas sous son autorité permanente. Le présent arrêt n’est qu’une confirmation d’une jurisprudence établie depuis un moment. La Cour avait déjà formulé cette règle dans un arrêt du 10 décembre 2014 (Cass. soc., 10-12-14, n°13-22422) et dans un autre du 16 septembre 2015 (Cass. soc., 16-9-15, n°14-16277).
Qu’entend-t-on par être à la disposition de l’employeur ? La jurisprudence n’est pas abondante sur ce sujet spécifique des périodes interstitielles. On peut mentionner un arrêt du 3 juin 2015 (Cass. soc., 3-6-15, n°14-15587) dans lequel a été reconnu qu’un salarié se tient à la disposition de l’employeur, et qu’il est par conséquent fondé à demander le paiement des périodes interstitielles, dès lors qu’il est appelé la veille pour le lendemain pour accomplir une mission, et qu’il est obligé d’accepter tout type de contrat pour espérer être recontacté par la suite.
Cet arrêt appelle ainsi à la vigilance à l’égard des salariés qui souhaiteraient voir payer les périodes creuses entre chaque CDD. Il est nécessaire d’être factuel, d’apporter des éléments qui tendent à prouver que les salariés sont dans l’impossibilité de travailler pour un autre employeur par exemple, ou que du moins, l’exercice d’une activité chez un autre est rendu difficile.