Pénitentiaire, l’État s’engage à améliorer la sécurité des agents

Les personnels de la pénitentiaire ont obtenu la réaction politique d’envergure qu’ils attendaient, après l’attaque le 14 mai d’un fourgon ayant causé la mort de deux agents au cours d’une extraction, le 14 mai. Moins d’une semaine après le drame, l’intersyndicale, à laquelle participe FO-Justice, premier syndicat dans le secteur de la pénitentiaire, a accepté la base d’un protocole d’accord qui devrait être signé le 10 juin.

Trois semaines après la violente attaque par un commando d’un convoi pénitentiaire le 14 mai et la mort de deux agents, l’émotion est légitimement toujours aussi forte parmi les personnels de la pénitentiaire. Le choc est immense, souligne Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO justice et de la Fage-FO. Nous n’avons pas connu de drame similaire depuis 1992.

Au sein du secteur de la pénitentiaire, tous les agents ont été bouleversés : En réaction, les établissements ont été bloqués. Une mobilisation sans mot d’ordre, venue de la base. Les syndicats ont plus accompagné le mouvement qu’ils ne l’ont initié, indique le militant. Après quelques jours de blocage, la mobilisation est stoppée. Les agents ont obtenu la réaction politique d’envergure qu’ils attendaient, estime l’intersyndicale à laquelle participe FO-Justice, premier syndicat dans le secteur de la pénitentiaire.

Nous avons élaboré un relevé de décision, avec le cabinet du ministre Éric Dupont-Moretti, qui a par la suite a été validé par l’intersyndicale. Les membres du FO-Justice qui ont assistés aux huit heures de réunions nécessaires pour trouver un accord sur ce relevé de décisions l’ont ensuite envoyé aux délégués FO des dix régions, qui l’ont ensuite transmis à leurs bureaux locaux, et ce afin d’avoir le retour des militants du terrain. Globalement, la validation de nos membres a été très importante, massive, puisque ce relevé de décisions reprend en grande partie les revendications que nous portions depuis longtemps, précise Emmanuel Baudin. Les organisations de l’intersyndicale, dont FO-Justice, ont donc signé le 21 mai la base d’un protocole d’accord.

Plusieurs mesures concernent l’armement des agents de la pénitentiaire. Est ainsi prévu le déploiement rapide d’une dotation en armes plus adaptées (armes longues et armes d’épaules, automatiques). Il a aussi été acté le déploiement immédiat et la généralisation du holster cuisse holster poitrine. Cette ceinture avec étui, qui permet de garder son arme, se porte généralement à la taille. Mais cela rend compliqué l’accès à l’arme lorsque l’on est assis dans un véhicule, observe Emmanuel Baudin. Est prévu aussi l’élaboration d’une doctrine d’emploi et la mise en œuvre d’un plan de formation pour les agents.

Autre évolution à venir sur le court terme, le renouvellement du parc des véhicules. D’ailleurs, nous avons obtenu que quelques-uns de ces véhicules ne soient pas floqués pénitentiaire afin qu’ils ne puissent pas être pris pour cible !, précise le militant.

La révision des niveaux d’escortes

Sur le plus long terme, le relevé de décision évoque plusieurs évolutions concernant les extractions des détenus. Les niveaux d’escortes, qui vont de 1 à 4, vont être révisés. Un groupe de travail dédié à cette question va être mis en place, précise Emmanuel Bodin. Par ailleurs, la signature d’un partenariat entre la pénitentiaire, la gendarmerie et la police est prévue. Et ce afin de faciliter les aides entre les services, notamment dans le cas des extractions de détenus.

Enfin, pour éviter les extractions de prisonniers au profil particulièrement dangereux, le relevé de décisions prévoit le développement de la visioconférence pour les présentations aux magistrats et dans le cas de certaines audiences, mais aussi le déplacement de magistrats en milieu carcéral. Cela prendra la forme d’un projet de loi, avec le processus de vote que cela requiert, précise Emmanuel Bodin. Mais il faudra sans doute convaincre certains acteurs : des organisations syndicales de la magistrature se sont d’ores et déjà opposées à ces évolutions. Ce n’est pas le cas de FO Magistrat qui le 29 mai dans un communiqué commun avec les syndicats de la pénitentiaire FO DPIP (les directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation) et FO Direction (directeurs des services pénitentiaires) a appelé à un travail collectif sur la problématique des extractions judiciaires. Nous appelons à l’ouverture, à l’échelon ministériel, de négociations qui réuniront l’ensemble des organisations syndicales de magistrats, de fonctionnaires et d’agents pénitentiaires pour éventuellement revoir le dispositif législatif ou réglementaire actuel et surtout redéfinir les modalités des extractions judiciaires indique ainsi le communiqué.

Signature du protocole d’accord le 10 juin

Lors d’une réunion au ministère de la Justice le 4 juin, les organisations syndicales ont pu préciser le protocole d’accord qui doit être signé le 10 juin. Nous resterons vigilants à ce que ce protocole respecte les engagements du relevé de décisions, prévient Emmanuel Baudin. Par ailleurs, dans le cadre d’une mission flash lancée par l’Assemblée nationale, les députés vont auditionner plusieurs acteurs de la pénitentiaire et pourraient formuler plusieurs propositions.

L’attaque tragique du fourgon de la pénitentiaire a encore d’autres conséquences en matière d’initiatives. Ainsi, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a annoncé le 29 mai l’ouverture d’une enquête administrative, confiée à l’inspection générale de la Justice. L’objectif est avec l’objectif de mettre en lumière d’éventuelles failles, notamment dans la transmission d’informations. Une demande formulée par FO dans une lettre envoyée au ministre quelques jours auparavant. Ce drame n’aurait pas dû se produire. Si nous avions connu la dangerosité du détenu, jamais il n’aurait été sorti dans ces conditions. Et nos collègues seraient encore parmi nous.

Il y a un chantier à ouvrir autour de l’attractivité des métiers de la pénitentiaire

La détermination des personnels à faire bouger les lignes est d’autant plus forte que la problématique de la sécurité se pose sur fond de surpopulation carcérale. Or, outre la question de la dignité humaine que pose la surpopulation, elle démultiplie en effet les risques d’actes violents envers les agents de surveillance de la pénitentiaire. Ce qui inquiète les organisations : Il y a une vraie crainte alors qu’arrive cet été assez inédit (le déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques) et avec de possibles épisodes de chaleur qui augmentent les tensions, insiste Emmanuel Baudin.

Sur la question de la surpopulation pénale et des risques qu’elle porte, le ministère de la Justice s’est engagé à ouvrir, dans la semaine du 10 juin, une large concertation pluridisciplinaire, avec l’ensemble de l’écosystème, dont l’intersyndicale, reconnue comme un acteur primordial. Ce débat s’inscrit dans un temps long, mais justement, le temps nous en manquons, souligne le secrétaire général.

Si le plan 15 000 places supplémentaires de prison est prévu pour 2027, cela ne résoudra que partiellement le problème, souligne le militant. Nous manquons d’effectifs pour encadrer ces futures places supplémentaires. Il y a un chantier à ouvrir autour de l’attractivité des métiers de la pénitentiaire, ce que le ministère a déjà commencé à faire en évoquant un futur travail sur les rythmes professionnels des agents. Mais, plus largement, pour Emmanuel Baudin, une réflexion doit s’ouvrir sur les peines de prisons, alors que des aménagements sont possibles, afin qu’elles soient utiles pour les prisonniers, mais aussi pour toute la société.

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