P.-O. : Le secteur alimentaire pourra ouvrir tous les dimanches matin

En déclarant illégal un arrêté préfectoral de 1965, le tribunal administratif a ravivé le sujet brûlant du travail dominical, notamment dans les supermarchés des P.-O.

La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel, déjà passablement agité, de l’activité commerciale du département. Par un communiqué, la préfecture des P.-O. a annoncé l’abrogation de son arrêté du 23 septembre 1965, qui prescrivait jusqu’ici la fermeture obligatoire des commerces de détail alimentaire un jour par semaine. Un arrêté qui vient d’être déclaré illégal par le tribunal administratif de Montpellier, saisi l’an dernier par la Fédération nationale des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) sous l’impulsion de ses adhérents locaux, à qui le préfet refusait cette abrogation.

Tous les dimanches et toute l’année « Concrètement, cette décision concerne l’ensemble des commerces de détail alimentaire, ou à prédominance alimentaire, du petit commerce de quartier à l’hypermarché », précise Michel Cavagnara, directeur adjoint de la Direccte (direction régionale du travail). « Ce qui va changer, c’est que cette obligation de fermeture un jour par semaine n’existant plus, cela ouvre la possibilité d’ouvrir ces commerces tous les dimanches, toute l’année, à condition de respecter les dispositions de droit commun qui imposent l’arrêt du travail à 13 h le dimanche ».

Et ce, en théorie, dès ce dimanche… Cette décision de justice réjouit, on s’en doute, la FCD. Laquelle tempère toutefois, en expliquant qu’il ne s’agit pas vraiment d’une révolution. « Cet arrêté, en imposant un jour de fermeture hebdomadaire, était un obstacle significatif au fonctionnement normal des magasins alimentaires ailleurs en France, qui sont souvent ouverts le dimanche matin sans pour autant fermer un autre jour de la semaine », annonce d’emblée Renaud Giroudet, directeur des affaires sociales, de l’emploi et de la formation au sein de la Fédération.

En France 60% des ’super’ ouverts le dimanche Effectivement, depuis le début du XXe siècle, le secteur alimentaire bénéficie d’une dérogation de plein droit afin de pouvoir ouvrir le dimanche matin. « Rien d’anormal à cela, quand on sait que les bureaux de tabac ou les fleuristes bénéficient depuis 1993 d’une dérogation de plein droit afin d’ouvrir le dimanche toute la journée », souligne Renaud Giroudet, aux yeux de qui le ’particularisme local’ des P.-O. avait bien besoin d’être dépoussiéré. « Il n’est pas rare que les tribunaux annulent des arrêtés de ce type. Cela a été le cas récemment à Toulouse, à Rouen… Mais un arrêté datant de 1965, c’est beaucoup moins courant !

Le moins que l’on puisse dire c’est que le commerce d’aujourd’hui n’est pas le même que celui d’il y a cinquante ans ». Pour autant, cette possibilité donnée aux commerces alimentaires du département ne constitue pas une obligation. « En France, seuls 60 % des supermarchés sont ouverts le dimanche matin. Quant aux hypermarchés, c’est beaucoup plus rare, en raison des frais générés pour quelques heures d’exploitation uniquement. Il n’y a donc pas d’ouverture généralisée en France, cela reste un choix ». Un ’choix’ qui fait craindre aux syndicats (lire ci-contre) qu’il n’en laisse guère aux salariés… En 2013, à Pollestres, certains salariés avaient manifesté leur droit à vouloir travailler le dimanche.

« C’est un véritable cataclysme »

Pour Jérôme Capdevielle, secrétaire général de l’Union départementale FO, cette annonce est un « coup dur ». « Je m’étonne que les services de l’État ne nous aient pas informés de cette décision, que nous avons apprise de manière fortuite. Nous avons saisi le préfet afin qu’il fasse appel de la décision du tribunal administratif, mais il nous a répondu que c’était du ressort du ministère du Travail. C’est l’indignation qui prévaut, car tout cela se fait sans créer les conditions nécessaires à un nouveau décret. Aujourd’hui, tous les commerces alimentaires ou à prédominance alimentaire comme les grandes surfaces vont pouvoir ouvrir les dimanches matin, avec une majoration du taux horaire limitée à 20 % au lieu du paiement double ou triple parfois appliqué ! C’est un véritable cataclysme, une libéralisation totale du travail dominical ».

Liberto Plana, élu de la CGT 66 affecté au commerce et délégué syndical Carrefour, ironise : « Cela correspond à la période : les jours fériés sont travaillés, on nous prépare une loi prévoyant 12 dimanches entiers avec possibilité de travail au lieu des 5 actuellement appliqués, et on rémunère toujours moins les salariés… C’est une dérégulation supplémentaire avec des contreparties salariales ridicules, qui va affecter le petit commerce, surtout à Perpignan. Notre combat sera d’obtenir qu’il n’y ait pas d’obligation de travailler le dimanche. Parce que le volontariat, cela fait rigoler… ». Comme ses collègues d’Auchan,

Nathalie Prieur, déléguée syndicale CFDT et élue au comité d’entreprise et au comité central d’entreprise, a appris la nouvelle ce matin. « Et c’est la déception qui a dominé. Il est certain que ce n’est pas une satisfaction pour les salariés. Nous avions obtenu un accord sur la fermeture du magasin à 21 h à certaines périodes de l’année pour que les salariés aient un peu de vie familiale, et maintenant il va falloir renoncer au dimanche matin… On aimerait que le préfet convoque toutes les organisations syndicales et patronales afin de mettre en place éventuellement un nouvel arrêté ». Une réunion d’urgence de l’intersyndicale se déroulera lundi prochain, à 10 h afin de définir la stratégie commune à adopter. Un ’coup dur’ pour les syndicats

L’Indépendant – Edition du 29 mai 2014 – Barbara Gorrand

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