La caisse de retraite publique du Canada, qui était le principal actionnaire d’Orpea durant dix ans, a perdu plus de 300 millions d’euros dans l’effondrement du groupe. Une recherche du CICTAR estime que les travailleurs dont l’épargne retraite est investie dans le secteur du soin aux personnes âgées sont exposés au même risque.
Le scandale et l’effondrement du groupe ORPEA, le plus grand opérateur européen de résidences pour personnes âgées et de centres de soins de longue durée, n’en finissent pas de faire des vagues. Un récent rapport du Centre for International Corporate Tax Accountability and Research (CICTAR) révèle que l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC), qui a été dix ans durant le principal actionnaire d’Orpea, y a perdu un demi-milliard de dollars canadiens (environ 338 millions d’euros) de l’épargne-retraite des travailleurs cotisants.
Si cela peut sembler limité par rapport aux quelque 623,3 milliards de dollars canadiens que gère cet office, cela reste choquant, d’autant plus au regard des normes d’éthique dont se prévaut l’OIRPC, qui se présente comme un investisseur « durable ». Les fonds gérés par l’OIRPC ont connu ces dix dernières années l’un des meilleurs rendements parmi les fonds de pension du monde entier. L’OIRPC pourrait bien devoir son succès tant vanté à son approche apparemment laxiste en matière d’éthique, résume le rapport du CICTAR.
Des manquements passés sous silence
La caisse de retraite publique canadienne détenait deux sièges au conseil d’administration de l’opérateur de résidence pour personnes âgées et de centres de soins de longue durée de 2013 à 2023. Elle n’a cependant rien fait pour mettre un terme aux actes criminels et aux détournements de fonds de la haute direction indique le rapport CICTAR. A ce jour elle n’a par ailleurs jamais reconnu publiquement ses manquements ni engagé la responsabilité des personnes chargées de le représenter au CA d’Orpea.
Au Canada, au moins deux autres fonds de pension investissent au niveau international dans le secteur des résidences et établissements de soins pour personnes âgées. L’Office d’investissement des régimes de pension du secteur public est même directement propriétaire de Revera le deuxième exploitant de résidences pour personnes âgées du pays (également présent aux États-Unis et au Royaume-Uni). Syndicats et militants du secteur du soin font campagne pour éliminer la recherche du profit dans ce secteur et pour la nationalisation de Revera. Ces fonds de pension publics doivent générer des rendements pour financer la retraite des travailleurs canadiens mais pas en nuisant à la société par des pratiques d’investissement à court terme purement extractives et destructrices, condamne Jason Ward, analyste principal du CICTAR.
Un scandale largement ignoré au Canada
En France, les agissements d’Orpea (accusé de mauvais traitements des personnes hébergées, des salariés et des représentants syndicaux mais aussi de mauvaise gestion de fonds publics et de fraude fiscale), ont notamment été révélés par l’enquête du journaliste Victor Castanet, publiée en 2022. Au Canada, en revanche, le scandale n’a pas connu le même retentissement médiatique. Et ce malgré un précédent rapport du même CICTAR qui avait montré, en 2022, comment Orpea (désormais rebaptisé Eméis) a utilisé les revenus de ses établissements, financés en grande partie par des fonds publics, pour l’acquisition d’un vaste ensemble immobilier européen, géré à travers un labyrinthe complexe de structures d’entreprises basées dans des paradis fiscaux.