La loi de ratification (loi n°2018-217 du 29 mars 2018) ayant apporté des ajustements notables concernant le volet négociation collective précédemment commenté dans nos InFOjurdiques n°99, il nous est apparu nécessaire de vous en faire état. Les précisions parfois importantes apportées seront-elles de nature à tuer dans l’œuf tout futur contentieux ?
(InFOjuridiques n°100 janvier/mars 2017)
Accord dans les TPE :
Comment s’opérera la révision des accords signés dans les TPE ? Ni les ordonnances ni les décrets d’application ne répondaient à cette question. La réponse est apportée par la loi de ratification. Celle-ci prévoit que l’employeur peut proposer un avenant de révision aux salariés pouvant porter sur tous les thèmes ouverts à la négociation. L’adoption des avenants de révision se fait de la même manière que celle qui prévaut pour la conclusion des accords.
Sont également prévues les règles de dénonciation de l’accord dans les TPE à l’initiative de l’employeur ou des salariés. L’accord dans les TPE est dénoncé à l’initiative de l’employeur ou des salariés dans les conditions prévues par l’accord ou, à défaut, selon les règles des articles L.2261-9 à L2261-13 du code du travail (procédure classique de dénonciation des accords).
La dénonciation à l’initiative des salariés est encadrée ; les salariés représentant les 2/3 du personnel notifient collectivement et par écrit la dénonciation à l’employeur. Cette dénonciation ne peut avoir lieu que pendant un délai d’un mois avant chaque date anniversaire de la conclusion de l’accord.
Lorsque l’entreprise devient une TPE postérieurement à la conclusion d’un accord, les modalités de révision et de dénonciation sont celles applicables dans les TPE, quelle qu’a été la modalité de conclusion de l’accord (art. L.2232-22-1 du code du travail).
Les mêmes règles de conclusion, de révision et de dénonciation d’un accord collectif s’appliquent dans les entreprises ayant entre 11 et 20 salariés, en l’absence de DS et de comité social et économique (art. L 2232-23 du code du travail).
Accord dans les entreprises dont l’effectif est compris entre onze et moins de cinquante salariés, en l’absence de DS :
La loi de ratification précise la manière d’apprécier la condition de majorité lorsque l’accord est conclu par un ou des membres titulaires du CSE central (art L 2232-23-1) Pour apprécier le poids de chaque membre titulaire du CSE dans la négociation, il est tenu compte d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres titulaires composant la dite délégation. La formule de calcul est donc la suivante :
Poids de l’élu au CSE central = (nombre de suffrages recueillis par l’élu/nombre de suffrages exprimés dans l’établissement au profit des titulaires du CSE central) x 100.
La loi de ratification indique également que l’accord peut être dénoncé (rajout).
Accord dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins égal à cinquante salariés, en l’absence de délégués syndicaux :
La loi de ratification précise que ces accords peuvent être dénoncés.
La loi de ratification précise la manière d’apprécier la condition de majorité lorsque l’accord est conclu par un ou des membres titulaires du CSE central. La méthode de calcul est la même que celle décrite plus haut (art L2232-25).
Périodicité des négociations obligatoires :
Un accord peut désormais définir, s’agissant des négociations obligatoires aux niveaux de l’entreprise ou de la branche : le calendrier, la périodicité, les lieux de réunion, le contenu des thèmes de négociation, les modalités de négociation, les informations que l’employeur doit remettre aux organisations syndicales sur les thèmes prévus de la négociation qui s’engage et la date de cette remise, les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties. La durée d’un tel accord ne peut excéder 4 ans au niveau de l’entreprise et 5 ans (au lieu de 4 ans initialement) au niveau de la branche (art L2241-5).
Qu’entend-on par « garantie équivalente » ?
La loi de ratification règle cette question, sans lever toute ambiguïté, en indiquant que l’équivalence des garanties doit s’apprécier par ensemble de garanties se rapportant à la même matière, autrement dit domaine par domaine, et non globalement (art L2253-1).
Accord de compétitivité baptisé accord de performance collective :
Cet accord peut notamment :
– aménager la rémunération, dans le respect du Smic et des salaires minima conventionnels des salaires minima hiérarchiques (on ne vise plus la source du salaire minima) ( art L2254-2).
Les articles régissant le forfait annuel (en jours ou en heures) s’appliquent lorsque l’accord de performance collective met en place ce type de forfait ou le modifie, à l’exception de l’article L3121-55 du code du travail en cas de simple modification. En d’autres termes, l’accord du salarié se fera conformément aux règles de l’accord de performance collective en cas de simple modification (art L2254-2 II).
Si l’ordonnance n’imposait aucune mesure spécifique d’accompagnement ou de reclassement [tout juste prévoyait-elle que l’employeur était tenu d’abonder le compte personnel de formation (CPF) à hauteur de 100 heures], la loi de ratification précise que les accords de performance collective peuvent (facultatif) prévoir les modalités d’accompagnement des salariés, ainsi que l’abondement du CPF au-delà du montant minimal de 100 heures, tel que fixé par décret.
La loi de ratification précise quel est le point de départ du délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur ; ce délai court à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord (art L 2254-2 IV).
La loi de ratification indique que l’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement.
Action en nullité des accords :
Un article est rajouté, l’article L.2262-14-1, indiquant que lorsque le juge est saisi d’une action en nullité de l’accord dans le délai de deux mois, celui-ci doit rendre sa décision dans un délai de 6 mois (ce délai n’est assorti d’aucune sanction).
Accord conclu en présence de DS :
La loi de ratification précise que la révision et la dénonciation de l’accord se font selon les règles prévues en présence d’un DS, qu’elles qu’aient été ses modalités de négociation et de ratification (art L2232-16).
Hiérarchie des normes : les domaines où l’accord d’entreprise domine
Les accords de groupe pouvaient-ils aussi primer sur les accords de branche ? La loi de ratification règle cette question : le texte indique ce qu’il faut entendre par convention d’entreprise. Il s’agit de toute convention ou accord conclu soit au niveau du groupe, soit au niveau de l’entreprise, soit au niveau de l’établissement.(art L2232-11).
Sur la participation des salariés aux négociations de branche :
L’article L 2232-8 du code du travail, dans sa rédaction issue des ordonnances, inique que les conventions de branche et les accords professionnels comportent, en faveur des salariés d’entreprises participant aux négociations, de même qu’aux réunions des instances paritaires qu’ils instituent, des dispositions relatives aux modalités d’exercice du droit de s’absenter, à la compensation des pertes de salaires ou au maintien de ceux-ci, ainsi qu’à l’indemnisation des frais de déplacement.
Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à un seuil défini par décret en Conseil d’État, la rémunération ainsi que les cotisations et contributions sociales afférentes à la rémunération des salariés d’entreprise participant aux négociations sont prises en charge par le fonds paritaire mentionné à l’article L. 2135-9 sur la base d’un montant forfaitaire fixé par arrêté pris par le ministre chargé du travail (rajout la loi de ratification).
Suppression des instances de dialogue social dans les réseaux de franchise :
L’article 7 de la loi de ratification abroge l’article 64 de la loi du 8 août 2016. Cet article 64 prévoyait, sous certaines conditions, la mise en place, dans les réseaux d’exploitants d’au moins trois cents salariés en France, liés par un contrat de franchise, d’une instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau. Quel sort doit être réservé aux mandats en cours dans les instances mises en place depuis mai 2017 ?
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly