Alors que, pour des motifs budgétaires, les exécutifs successifs ont fait des opérateurs de l’État les maillons essentiels de la mise en œuvre des politiques publiques, l’anathème semble toutefois jeté désormais contre ces derniers. Pour leur part, dans la tourmente d’attaques diverses, les agents de l’Office français de la biodiversité, en grève le 31 janvier, exigent le soutien de l’État et l’abandon de la baisse programmée des moyens de l’OFB.
Ils se nomment CIRAD, ASC, ENIM, France compétences, Ifremer, agences de l’eau, Météo-France, OPPIC, Insep, … Les opérateurs de l’État, organismes et agences, sont dans le collimateur du gouvernement, accusés d’avoir pris trop d’ampleur au fil des années. « Est-il nécessaire que plus de 1000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique ? », « sans contrôle démocratique réel, (ils, ndlr) constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire » assénait le Premier ministre, François Bayrou, le 14 janvier devant l’Assemblée.
Le Sénat a de son côté décidé d’ouvrir une commission d’enquête en février. Ces structures aux statuts divers (EPA, EPIC, EPSCP, GIE, GIP, association, …) sont chargées de « mettre en place une politique publique pour le compte de l’État ». Les premières sont nées dans les années 60, ainsi l’Agence nationale pour l’emploi. Au fil des décennies, les opérateurs ont pris de l’ampleur, sont devenus incontournable et essentiels à la réalisation des missions publiques. Cela comment s’en étonner, ainsi que l’a souvent rappelé FO.
Des agents au « rôle crucial »
En mai 2016 par exemple, FO fustigeait « la logique d’austérité » persistante dans le projet de loi de finances à venir et qui conduisait « à diminuer les effectifs et les moyens dans les services du ministère de l’environnement ». La confédération indiquait que « La création au 1er janvier 2017 de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), tant vantée par le gouvernement, revient en réalité à réduire les moyens publics existants dans les différents services et opérateurs publics œuvrant pour la biodiversité, et ce malgré les engagements gouvernementaux. »
Depuis, en 2019, l’AFB a fusionné avec l’office national de la chasse et de la faune sauvage, donnant naissance en 2020 à l’OFB, l’Office français de la biodiversité. Un OFB, actuellement dans la tourmente, ses agents étant depuis quelques mois, notamment dans le cadre de leurs missions de police de l’environnement, soumis à des « attaques » et à du « harcèlement » s’indignaient fin janvier la FEETS-FO avec le syndicat national des personnels de l’Environnement FO (SNAPE-FO).
Tous deux rappellent que « Les agents de l’OFB jouent un rôle crucial dans la préservation de notre environnement et de la biodiversité. Ils méritent respect et soutien dans l’exercice de leurs fonctions essentielles. Le SNAPE-FO appelle le gouvernement et le ministre de l’Écologie à prendre des mesures immédiates pour assurer la protection de ces personnels et à reconnaître publiquement leur contribution inestimable à la société ».
Après une action le 17 janvier, consistant à appeler les agents à « rester au bureau », six syndicats de l’OFB, dont FO, ont lancé une grève le 31 janvier, exigeant un soutien « ferme » du gouvernement aux missions de l’OFB. Mais aussi que les effectifs de l’Office soient « sanctuarisés » et que « la baisse drastique envisagée du budget » soit annulée…
Le mouvement de « démembrement de l’administration »
Le développement des opérateurs est intimement lié à celui des réformes de l’État. Sur décision des exécutifs successifs, l’État a œuvré sans cesse en effet à réduire la voilure de certains de ses services, notamment via la RGPP (la révision générale des politiques publiques) à partir de 2007 (et jusqu’en 2012) impactant douloureusement les moyens, et donc les missions, des administrations et leurs effectifs. D’autres réformes suivront (MAP, MAPAM, CAP2022, …) conduisant à extraire toujours plus de politiques publiques d’un traitement direct par les administrations de l’État.
Dès les années 60, la Cour des comptes évoquait d’ailleurs un « démembrement de l’administration » et analysait dans un rapport « la tendance de l’État à confier certaines de ses tâches à une institution de droit privé, jouissant d’un régime juridique plus souple ». Une cinquantaine d’années après, en 2013, l’annexe au projet de loi de finances dédiée aux opérateurs intitulé « Les opérateurs, un enjeu pour le pilotage des finances publiques » s’inquiétait d’une hausse de 15% des moyens des agences depuis 2007 « tandis que les dépenses de l’État ont progressé moins rapidement que l’inflation sur la période. Par ailleurs, leurs effectifs ont crû de 6 % depuis 2007 alors que les effectifs de l’État diminuaient ». Pour réduire « le coût de structure » de ces agences, et « qu’elles contribuent à l’effort de redressement » des comptes publics, le gouvernement prônait une mise à la diète, décidant que « l’évolution des dotations de l’État aux opérateurs sera donc très modérée ». Une sorte d’effet domino des mesures sévères touchant déjà l’État.
En 2021, dans un rapport dédié aux liens entre l’État et ses opérateurs, la Cour des comptes évoquait cette fois les « enjeux financiers croissants associés à cette forme d’action publique » via les opérateurs. Elle appelait à renforcer toujours plus, pour l’efficacité de leur gestion, les « contrats d’objectifs et de performance » ou encore les « contrats d’objectifs et de moyens ». Avec tout ce que cela implique de recherche d’économies de moyens, dont d’effectifs.
Un financement en baisse de 3,6 milliards d’euros
S’il n’a rien d’inédit, l’actuel procès en lourdeur fait aux opérateurs -434 inscrits au PLF 2025 avec 402 218 emplois sous plafond (en équivalents temps plein travaillés) – interroge dès lors que, souligne lui-même le PLF, « certaines » politiques publiques « sont exclusivement mises en œuvre par des opérateurs ».
Ces structures nullement hors contrôle -puisque rattachées à 54 programmes relevant de 24 missions différentes du budget général et cadrées par la LOLF (loi organique relatives aux lois de finances adoptée en 2001) qui a réorganisée l’architecture de la comptabilité de l’État- sont devenues elles-mêmes un levier pour contraindre encore les dépenses de l’état. Ainsi, en 2025, participant au plan global d’économies prévu pour la sphère de l’État (23 milliards d’euros a priori), le financement des opérateurs par l’État (subventions/crédits budgétaires, taxes affectées, …) passerait à 77 milliards d’euros, contre 80,6 milliards d’euros l’an dernier. En net recul, donc.