Alors, bien sûr, dans le concert d’indignation suscité par les « relents de droite » du ministre du Travail François Rebsamen, l’anathème n’est jamais bien loin. « S’ils veulent trouver de l’argent frauduleux, qu’ils aillent vérifier les valises qui passent en Andorre. Plutôt que de fliquer les chômeurs, on ferait mieux de se pencher sur les problèmes structurels de l’offre et de la demande… », se lasse Pierre Place, secrétaire départemental de la CGT 66. L’agacement est de mise du côté des syndicats, tout autant que chez les chômeurs rencontrés hier à la sortie de l’agence Pôle Emploi de Saint-Assiscle, située à cent mètres de la salle de concert le Croque-mort, mauvais présage. « Ça fait trois ans que je cherche, si le gouvernement croit que je me tourne les pouces… J’ai dû vendre ma voiture et retourner vivre chez mes parents. On n’est pas des fumistes » se décourage Myriam, 25 ans. Titulaire d’un DEUG de droit, la jeune fille en est aujourd’hui à regretter d’avoir eu son BAC. Elle lorgne une place dans le secrétariat ou le commerce, mais on ne lui propose que des ménages. « J’ai fait des études, quand même… » Ainsi, les propos de M. Rebsamen visant à « renforcer les contrôles » sur les chômeurs « pour vérifier qu’ils recherchent bien un emploi », sous peine de « radiation », sont très mal passés. S’estimant injustement visés par la sortie du ministre, mardi matin sur i-Télé, les bataillons de chômeurs balayent d’un revers de main les soupçons de fumisterie. En ces temps de crise gouvernementale, la ficelle est grosse couplée aux chiffres de la fraude à Pôle Emploi, qui s’élève à 39 millions d’euros, soit 0,8% de l’ensemble des fraudes détectées sur une année, loin derrière la fraude fiscale (3,66 milliards d’euros)*.
Les P.-O. souffrent d’un chômage structurel
On parle de bataillons de chômeurs mais, dans les P.-O., c’est de véritable armée dont il faudrait parler au regard du taux de chômage (14,6 %, catégorie A) en forme de record national. Fin juillet, 33 897 personnes étaient inscrites à Pôle Emploi (catégorie A), soit une augmentation de 9 % en un an. « Même les emplois saisonniers ne couvrent plus la chute, dénonce Pierre Place qui, en sus, déplore « un déficit structurel dans les secteurs du commerce et des services ». Conséquence, le climat social est aujourd’hui à l’image de la météo des vacances : au plus bas. « C’est mon premier rendez-vous depuis six mois. J’ai l’impression que ça ne sert à rien, on n’est pas assez bien suivis » se plaint Francky, 26 ans, l’air dépité après vingt minutes d’entretien.
Jérôme Capdevielle, secrétaire général FO 66, dénonce l’hypocrisie de l’Etat. « Monsieur Rebsamen stigmatise les chômeurs comme étant responsables des mauvais chiffres, alors que les moyens donnés à Pôle Emploi sont systématiquement revus à la baisse chaque année. C’est insupportable et doublement gonflé. »
Le directeur territorial de l’organisme, Guy Dujol, défend sa boutique : « Nos agents ont pour mission de faciliter le rapprochement entre l’offre et la demande. Leur vocation n’est pas de sanctionner. »
Pendant ce temps-là, les P.-O. continuent de fabriquer des chômeurs à la chaîne. Jusqu’ici, tout va mal. A qui la faute ?
La Région au plus mal Fin juillet 2014, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi (catégorie A) s’établit à 193 843, en données corrigées des variations saisonnières, en Languedoc-Roussillon. Ce nombre est en baisse de -0,1% par rapport à fin juin 2014. Sur un an, il est en hausse de +6,2%. La France compte au total 3 424 400 chômeurs de catégorie A.
Le chiffre : 14,6% Le taux de chômage des Pyrénées-Orientales recensé en juillet 2014. Il s’agit d’un record national (catégorie A). Le Languedoc-Roussillon (13,9 %), lui, pointe en tête des vingt-deux régions.
L’Indépendant – Edition du 4 septembre 2014 – Vincent Couture
* Sources 2012 : Délégation nationale à la lutte contre la fraude.