« On n’a plus envie d’aller au charbon »

Plusieurs dizaines de fonctionnaires de la police nationale, parmi lesquels le directeur départemental de la sécurité publique des P.-O., se sont rassemblés à l’appel du syndicat Unité SGP Police FO
hier midi devant le commissariat de Perpignan soutenus par les effectifs de la police municipale de Perpignan et l’adjointe au maire chargée de la sécurité. Une mobilisation, ponctuée par une minute de silence, visant à une réelle prise de conscience des autorités quant au « ras-le-bol général » des policiers après la succession d’agressions dont ont été victimes leurs collègues depuis 10 jours de Champigny sur Marne à Perpignan. « On a le sentiment que cela devient une banalité et ça ne peut plus durer, précise Franck Bouchot, secrétaire départemental d’Unité SGP- FO, dont le représentant national sera reçu au sein d’une intersyndicale par le ministre de l’Intérieur aujourd’hui même, à l’heure où de nouvelles actions sont prévues devant divers hôtels de police de France. On lui demande de condamner aussi les agressions verbales comme le tweet de Mathieu Kassovitz.
Et on réclame de revoir la justice pénale pour que nos collègues puissent interpeller, contrôler et intervenir sereinement. On a un individu qui, en l’espace de 15 jours, s’est rebellé 2 fois et à qui on notifie encore une convocation. Combien lui en notifiera-t-on avant qu’il soit jugé ? »

Les mêmes « doutes » que ceux de ce brigadier-chef qui, parmi les manifestants, témoigne de son expérience. Récemment, il a été amené à interpeller un individu qui faisait le gué devant un bar faisant l’objet d’un sixième contrôle et abritant des activités illégales. À la vue des forces de l’ordre, le suspect a prévenu le patron de l’établissement et a pris la poudre d’escampette. « Je l’ai rattrapé et s’en sont suivis des coups de poings, raconte le policier.
Je suis de bonne composition, j’ai fait du sport de combat, mes lunettes sont tombées, pour vous dire la violence. On n’a pas été trop de deux pour le maîtriser, on a dû faire usage de la force et on
a mis deux minutes pour le menotter. Il a été présenté à l’officier de police judiciaire qui a mené la procédure. Et la justice a conclu qu’il devait passer en composition pénale pour avoir un rappel à la loi. Je ne m’y suis même pas présenté. Je l’ai mal pris. J’ai trouvé honteux que ce genre d’individu, qui n’avait rien à faire là, bénéficie d’une mesure d’indulgence. Des anecdotes comme celle-là, j’en ai plein. J’ai gardé ma motivation, mais cette succession de contrariétés vous amène au dégoût. Et à douter sur sa manière d’agir. Les collègues vont au travail, c’est leur vie et leur devoir. Ce n’est pas dans notre nature, mais on n’a plus envie d’aller au charbon car, selon les circonstances, vous pouvez être incriminés. On se dit, on va devoir payer des indemnités et on a une famille à
nourrir, notre carrière va être forcément freinée. On ne travaille pas la peur au ventre mais avec la peur de faire usage de la force. Avant, cela n’existait pas. Notre motivation a été freinée. Et encore, à Perpignan, on s’en sort à peu près bien. Mais, ça peut vite dégénérer et c’est le citoyen qui va en pâtir. Il faut dire aux autorités : “votre police est bien mais votre police est blessée car elle est négligée” ».

L’Indépendant – édition du 10 janvier 2018 – Laure Moysset

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