Vendeur-conseil au magasin Lapeyre d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Mohamed Ben Ahmed, 48 ans, est le DSC FO de l’enseigne spécialisée dans l’aménagement de la maison. Depuis sa vente en 2021 à Mutares, fonds d’investissement allemand spécialisé dans l’acquisition d’entreprises en difficulté, il est à l’offensive contre des méthodes vampiriques qui mettent en péril les emplois.
Pas de répit pour Mohamed Ben Ahmed. Depuis que le groupe Saint-Gobain a vendu en 2021, pour un euro symbolique, son enseigne d’aménagement Lapeyre au groupe allemand Mutares, spécialisé dans l’acquisition d’entreprises en difficulté et réputé « fonds-vautour », les nuits sont courtes. Je me bats pour la survie des emplois, commente le délégué syndical central (DSC) FO qui dit ne penser qu’à ça. Avant même le rachat, il tirait la sonnette d’alarme, appelant les pouvoirs publics à sauver le groupe d’une mort planifiée.
De fait, en quatre ans, les effectifs de Lapeyre ont fondu de 3 500 à 2 700 salariés. Et la perspective d’une relance semble bien fragile. Le groupe, toujours déficitaire, est à court d’argent. Non pas tant en raison de la conjoncture ou du positionnement commercial, juge le militant FO. Il dénonce une stratégie au seul profit des actionnaires, et des méthodes vampiriques qui, sous couvert d’une pseudo-restructuration, ont notamment conduit à ponctionner la trésorerie en facturant de juteuses prestations en interne.
Fer de lance de la structuration des IRP
Les méthodes de Mutares soulèvent de graves questions éthiques, appuie le natif de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), 48 ans, qui a fait toute sa carrière au magasin d’Aubervilliers. Entré comme livreur en 2001 au service logistique, à la faveur d’un job d’été pendant ses études en Staps (sciences et techniques des activités sportives), choisies après un bac pro comptabilité, il décroche dans la foulée un CDI comme vendeur-services. Autrement dit magasinier, précise celui qui est devenu vendeur-conseil et est connu pour son franc-parler. En conflit avec le directeur, qui l’a estampillé trublion de service et le convoque sans cesse, il se tourne en 2003, en quête de conseils, vers l’UD FO, convaincu par un tract mettant en avant l’indépendance de l’organisation. Il en sort avec sa carte FO, décidé à œuvrer pour que le groupe se mette en conformité avec la loi. À l’époque, il n’y avait aucun comité d’entreprise, rappelle le militant, à l’initiative des premières élections professionnelles chez Lapeyre, alors désert syndical.
Mon premier combat, c’est la défense des salariés, appuie ce passionné de handball, qui n’a jamais eu peur de l’adversité. Structuration en 2003 des institutions représentatives du personnel, création en 2009 d’une grille sur les minima chez Distrilap (regroupant les magasins) après onze jours de grève au magasin d’Aubervilliers, vite élargie à plusieurs magasins franciliens, création d’un treizième mois en 2015… Sur tous ces sujets, la section FO a été fer de lance. La plus belle victoire reste d’avoir mis en place des représentants du personnel. Ils sont un recours essentiel pour les salariés qui ont besoin de se défendre, confie le délégué syndical central FO (depuis 2008). FO est la troisième organisation chez Distrilap Lapeyre, avec 20,06 % (chiffres 2024). Sur le dossier Mutares, il affiche la même détermination à agir. Lapeyre peut se redresser si les actionnaires mettent de réels moyens pour la relance, estime Mohamed Ben Ahmed, qui appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures concrètes. Car les reprises d’entreprise ne sont pas suffisamment encadrées par la loi.