L’équipementier automobile a annoncé la mise en vente, dans le cadre de la loi Florange, des deux sites de production de La Suze (Sarthe), de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) ainsi que du centre de recherche de La Verrière (Yvelines), qui emploient au total un millier de salariés. Troisième organisation du groupe, FO condamne un plan inacceptable, motivé par la rentabilité financière, qui contredit les mirifiques perspectives présentées par la direction, il n’y a que quelques mois, sur la promesse d’essor du véhicule électrique.
Apprendre à quelques jours de la fermeture estivale de son site que celui-ci va être vendu ! C’est la situation proprement angoissante dans laquelle Valéo vient de précipiter un millier de salariés, qui ignorent désormais le sort réservé à leur poste. Lundi 15 juillet, lors de deux CSE (comité social et économique) centraux, l’équipementier automobile (110.000 salariés dans le monde, 14.000 en France) a annoncé la mise en vente des deux sites de production de La Suze (270 salariés, Sarthe) et de Saint-Quentin-Fallavier (350 salariés, Isère), ainsi que du centre de recherche de La Verrière (Yvelines). Lequel a déjà été frappé en janvier dernier par l’annonce d’un plan social concernant 207 emplois (sur un total alors de 617 emplois).
Alors que les élus des CSE centraux – dont ceux de FO – ont aussitôt déclenché un droit d’alerte économique, les salariés ont manifesté leur colère, par des débrayages à La Suze et à Saint-Quentin-Fallavier. Sur ce site nord-isérois, où s’est tenu un CSE extraordinaire mercredi 17 juillet, le secrétaire du syndicat FO (majoritaire) Kemal Sozeri pointait le total désarroi des personnels : Le ressenti, c’est qu’on a de très minces chances d’être repris… Il faudrait un miracle !. Ici, les syndicats ont aussi lancé une procédure de danger grave et imminent. En réponse, la direction a décidé d’augmenter le volume horaire de la psychologue et de l’infirmière du site.
FO condamne de mauvais choix stratégiques
Les salariés ne doivent pas servir de variable d’ajustement à de mauvais choix stratégiques de la direction, en termes technique ou de marché. Cette nouvelle restructuration, qui met en péril plusieurs centaines d’emplois, est inacceptable, dénonce Olivier Lefebvre, secrétaire fédéral chez FO Métaux chargé des équipementiers automobiles. Le militant condamne une décision de fermeture brutale et choquante, qui dévoie la notion même de dialogue social chez l’équipementier. Lequel se targue de maintenir le dialogue social à un haut niveau.
En plus, appuie-t-il, l’annonce de ces trois cessions contredit les mirifiques perspectives présentées par la direction, il n’y a que quelques mois, sur la promesse d’essor du véhicule électrique. Valéo motive sa décision – concernant le seul périmètre des sites français – par sa volonté de s’adapter à la transformation chaotique du marché automobile engagé dans la transition à marche forcée vers le tout-électrique d’ici à 2035.
Sur le site nord-isérois, récemment converti partiellement aux systèmes d’hybridation, la technologie n’a pas rencontré son marché, a expliqué le porte-parole de Valéo. Toujours selon le même porte-parole, la baisse de la production automobile européenne expliquerait la volonté de Valéo de céder le site sarthois, spécialisé sur les systèmes de gestion de la température pour les moteurs thermiques et électriques.
Au prétexte de l’électrification, des délocalisations partielles
Sauf que, martèle Olivier Lefebvre, les salariés ne sont pas responsables des choix stratégiques. Et de rappeler que, sur certains des sites concernés et au prétexte de leur recentrage sur l’électrification, Valéo a procédé à des délocalisations partielles de production vers des pays européens à la main d’œuvre low cost. Si des sites sont délestés des productions qui assuraient leur rentabilité, il est facile de décréter, après, leur manque de rentabilité. Les dés sont pipés, poursuit Olivier Lefebvre.
Ainsi, depuis 2018, le site nord-isérois de Valéo a vu quasi-disparaître sa production de démarreurs diesel, délocalisée en grande partie en Pologne. A l’époque, les salariés ont accepté notamment un gel des salaires pendant deux ans dans le cadre d’un accord de compétitivité, en contrepartie de l’arrivée d’une nouvelle production de moteurs pour véhicules électriques. Après avoir consenti à tous ces efforts, en termes de salaire ou de temps de travail dans le cadre de l’accord de compétitivité, apprendre la cession de l’usine ! Les salariés sont amers : ils ont l’impression de s’être fait complètement avoir, commente Philippe Beaufort, secrétaire général de l’Union départementale (UD) FO Isère.
La course à toujours plus de rentabilité financière
C’est trop facile de dire que c’est la faute aux marchés et aux difficultés de l’électrification. Valéo pourrait très bien choisir de participer à l’écosystème qui se construit autour de l’électrique en France plutôt que de prendre la décision radicale, précipitée, de se séparer de ses usines. Le groupe privilégie l’accélération des profits, ajoute Bertrand Bellanger, coordinateur FO du groupe Valéo.
L’équipementier a vu progresser de 11% son chiffre d’affaires en 2023 (à 22 milliards d’euros), avec une marge opérationnelle multipliée par deux (à 3,8%). Le bénéfice net part du groupe a atteint 221 millions d’euros.
Engagé dans un plan de compétitivité, Valéo continuer de viser l’amélioration de sa performance financière, notamment par une réduction des coûts. Avant l’annonce abrupte du 15 juillet dernier, elle s’est déjà traduite début 2024 par un plan de 1.150 suppressions d’emplois dans le monde dont plus de 410 en France (sur les sites de Créteil dans le Val-de-Marne, Cergy dans le Val d’Oise et La Verrière dans les Yvelines). Il y a un an, en juillet 2023, l’équipementier avait déjà lancé sur le site d’embrayages d’Amiens (Somme) un plan social concernant 89 postes des fonctions support, soit 10% des effectifs. FO, qui y est majoritaire, a réussi à réduire le nombre de licenciements secs à moins d’une trentaine, rappelle Bertrand Bellanger.
Prochaine réunion des CSE centraux le 24 juillet
Dans les deux CSE-centraux, qui se réuniront le 24 juillet prochain suite aux annonces de cessions, les élus FO lanceront toutes leurs forces dans la bagarre, assure le coordinateur FO chez Valéo. A l’ordre du jour : le vote sur la désignation d’un expert dans le cadre du droit d’alerte économique. L’objectif est d’avoir rapidement tous les éléments pour démontrer la viabilité des sites, précise Olivier Lefebvre, secrétaire fédéral FO chargé des équipementiers automobiles, pour qui rien n’est joué. Et certainement pas la fermeture des trois sites.
Ce 24 juillet, la direction de Valéo devra elle donner des précisions sur son projet de cessions. Elle doit se conformer à la loi Florange de mars 2014, qui fait obligation aux grandes entreprises envisageant de fermer un établissement ou de procéder à des licenciements économiques de rechercher un repreneur pendant plusieurs mois (trois mois a minima, NDLR) mais sans obligation de résultat. Le porte-parole de Valéo assure que le groupe se donnera le temps nécessaire pour faire aboutir la recherche de repreneurs.