Marion Videau, conductrice de train sur la ligne H qui dessert le nord de la grande banlieue parisienne, est en grève depuis le 5 décembre. La jeune trésorière du syndicat FO des cheminots de l’Oise fait aujourd’hui ses premières armes dans les assemblées générales.
D u haut de son mètre cinquante, Marion, 31 ans, conduit des trains depuis l’âge de vingt-cinq ans. Elle aime passionnément son métier. En grève depuis le 5 décembre contre le projet de retraite par points, elle explique avec franchise : Je ne suis pas rentrée à la SNCF dans le but de pouvoir arrêter de travailler plus tôt. C’est plutôt la sécurité de l’emploi qui me rassurait, le fait de pouvoir faire un travail qui me plaît sans risquer de le perdre du jour au lendemain. Mais après six ans d’horaires décalés, qui changent tous les jours, je commence déjà à sentir des conséquences physiques, et maintenant, oui, ça m’effraie de penser qu’il faudrait partir plus tard, que je ne pourrais plus faire ce métier jusqu’au bout, que je serais recalée aux visites médicales… Et je n’ai pas non plus envie de mourir un an après ma retraite !
Embauchée en CDD en 2009, pour un job d’été destiné à payer ses études de cinéma, Marion a eu très vite envie de conduire des trains. On lui dit dans un premier temps qu’elle n’a pas le profil. Tenace, elle ne renonce pas. En 2010, elle est embauchée au statut, mais comme contrôleuse. Elle finira par atteindre son but et suivra en 2014 une formation d’un an, comme tous les conducteurs. J’ai eu un coup de cœur pour ce métier… Peut-être parce que cela me donne un sentiment de liberté, que cela répond à mon besoin d’originalité… Je ressens aussi une certaine fierté.
De fait, 10 % seulement des agents de conduite de la SNCF sont des femmes.
Des collègues qu’on ne voyait jamais viennent tous les jours en AG
Marion se syndique en 2011 à la CGT, qu’elle quittera au printemps 2018 en plein conflit contre le nouveau pacte ferroviaire. Le vase a débordé le 22 mars, se souvient-elle avec précision. Ce jour-là, la CGT a appelé à manifester mais sans appeler à la grève. J’ai décidé de faire grève quand même, ils ont très mal réagi, alors j’ai rendu ma carte.
Trois mois plus tard elle rejoint FO, dont elle est aujourd’hui trésorière du syndicat des cheminots de l’Oise. Elle est également suppléante au CSE. À FO, ma voix ne vaut pas plus ou moins que celle d’un secrétaire général, on est tous des travailleurs et on a tous le droit de s’exprimer à égalité. Le syndicat est là pour les travailleurs, pas l’inverse.
Et aujourd’hui, comment cela se passe lorsqu’elle côtoie d’anciens camarades de la CGT ? Ce n’est pas le sujet aujourd’hui. J’ai choisi mon outil, c’est tout. Dans les AG personne n’essaye de tirer la couverture à soi, personne ne vient avec sa chasuble. Nous avons de vraies discussions sur comment nous organiser efficacement, nous voulons tous obtenir la même chose, le retrait du projet de réforme.
Dans ces assemblées, Marion intervient de plus en plus, bien que cela lui coûte encore. Ce n’est évident pour personne, mais il faut bien le faire, donc plutôt que d’attendre après les autres, je me lance, même si ça me demande du courage !
Du courage, elle semble en avoir à revendre. De l’espoir aussi. Je ne m’attendais pas à une telle mobilisation après l’échec cuisant de 2018 contre la réforme ferroviaire, confie-t-elle, c’est colossal, on voit des collègues qu’on ne voyait jamais avant venir tous les jours dans les AG, et c’est ça qui me donne de l’espoir.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly