A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, et alors que nombre d’études statistiques soulignent une hausse inquiétante des expressions délictueuses, huit organisations syndicales, dont FO, se sont réunies le 21 mars à la Bourse du travail. Lors d’une table ronde – à laquelle a participé la secrétaire confédérale Patricia Drevon – elles ont lancé une campagne visant à sensibiliser les salariés à la lutte contre les propos et comportements racistes, antisémites ou xénophobes sur les lieux de travail. Une lutte qui dispose déjà certes d’outils, dont juridiques, mais qui nécessite d’en conforter ou d’en créer de nouveaux.
Huit organisations syndicales (FO, CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, Solidaires, Unsa et FSU) – dont des représentants se sont retrouvés le 21 mars, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, à la Bourse du travail pour une table ronde –, ont présenté 6 affiches intersyndicales sur le thème : « Racisme, antisémitisme, xénophobie au travail : c’est non ! », engagées contre toutes les formes de discriminations sur l’ensemble des lieux de travail.
Le rappel de la responsabilité de l’employeur…
Un tract intersyndical a été élaboré, rappelant que plus de la moitié des saisines reçues par le Défenseur des droits en matière de discriminations liées à l’origine se déroulent dans la sphère professionnelle, or le lieu de travail est avant tout un espace d’égalité et d’inclusion. Les organisations rappellent la responsabilité de l’employeur lequel doit garantir un environnement de travail respectueux et sécurisé pour tous les salariés et qu’aucune distinction, directe ou indirecte, ne puisse être faite entre les agents publics. Le tract souligne encore les sanctions encourues, ainsi jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende pour les actes racistes.
Selon l’Insee, les origines sont le deuxième motif de discrimination le plus cité par les personnes en emploi qui déclarent avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au travail (le sexisme demeurant le principal motif). Une enquête de l’Institut des politiques publiques réalisée en novembre 2021 montre que pour recevoir le même nombre de réponses positives une personne dont le prénom et le nom sont à consonnance « supposée maghrébine » doit envoyer en moyenne 1,5 fois plus de candidatures qu’une personne ayant le même profil mais dont le nom et le prénom sont identifiés comme ayant une consonnance française. Enfin pour l’Observatoire des inégalités, à sexe, âge, niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle et lieu d’habitation comparables, le risque d’être au chômage est 1,96 fois supérieur pour les descendants d’immigrés d’Afrique.
Des discriminations croissantes
La discrimination, c’est aussi la concentration des travailleurs issus de l’immigration dans les métiers en tension, ceux qui sont mal payés et ceux qui sont pénibles, soulignait Patricia Drevon, secrétaire confédérale FO lors de cette table ronde.
Plus largement, selon l’enquête Trajectoire et origines de l’Ined en 2020, 18 % des personnes âgées de 18 à 49 ans ont déclaré avoir subi, souvent ou parfois, des discriminations au cours des cinq dernières années, que ce soit au travail, dans la recherche d’un logement ou la pratique d’un loisir – contre 14 % en 2008. L’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité montre quant à elle une hausse de 52 % des victimes de discriminations entre 2021 et 2022. Le ministère de l’Intérieur note de son côté une hausse de 11 % des crimes et délits racistes, xénophobes ou antireligieux entre 2023 et 2024. Et ceci alors que les saisines du défenseur des droits en matière de discrimination sont en baisse s’inquiète Claire Hédon, Défenseure des droits et qui présentait un état des lieux de la situation en introduction de la table ronde du 21 mars.
Les syndicats en première ligne dans la lutte
Il existe cependant en France un arsenal important de textes – au plan constitutionnel, législatif, réglementaire – pour lutter contre les discriminations. On a la Constitution française, les conventions internationales, les conventions cadres de l’OIT, les conventions européennes, les droits de l’Homme, le Code du travail, le Code pénal, la loi de 2008, celle de 2017… résume Patricia Drevon. Et de nombreuses institutions : le Défenseur des droits, l’inspection du travail, le Conseil des prud’hommes… La situation néanmoins ne s’améliore pas, voire, se dégrade. Beaucoup de personnes victimes de discrimination n’alertent aucune autorité ou syndicat. Principalement parce qu’elles doutent de l’utilité du moindre recours mais aussi parce qu’elles craignent des représailles.
L’intersyndicale a rappelé que les syndicats, pleinement dans leur rôle, sont en première ligne dans la lutte contre les discriminations. Ils peuvent accueillir et accompagner les victimes mais aussi négocier des dispositifs ou des accords en matière de lutte contre les discriminations ou le harcèlement dans l’entreprise ou l’administration, a salué Claire Hédon. Ils peuvent prévenir, identifier, signaler les discriminations par le biais de leur droit d’alerte, par leur participation à la réalisation d’enquêtes internes, par la mise en place de cellules de signalement. Les syndicats sont aussi désormais en capacité d’initier des recours collectifs en justice en lieu et place des victimes, même si ces procédures sont encore longues et fastidieuses.
Parmi les outils nécessaires : la formation et la prévention sont nécessaires
Les organisations syndicales ont rappelé encore le 21 mars qu’elles forment leurs élus et militants à la lutte contre les discriminations, notamment raciales. Ainsi, au sein de FO, nous avons délivré l’année dernière une formation à tous les conseillers prud’hommaux sur le fonctionnement des discriminations, indiquait Patricia Drevon. Nous avons développé des stages sur ce thème pour nos militants avec l’Institut supérieur du travail qui ont beaucoup de succès, ainsi qu’une formation en ligne, très suivie. Bien sûr, il faut aller encore plus loin appuyait la secrétaire confédérale. Il faut donc mettre l’accent sur la prévention, faire comprendre aux salariés qu’ils appartiennent à une communauté de travail, qu’ils ne sont pas là pour s’opposer, bien au contraire, car s’ils veulent trouver des solutions pour améliorer leurs conditions de travail ils doivent se battre ensemble.
L’intersyndicale appelle à la désignation dans les entreprises et administrations de référents sur le même modèle que les référents harcèlement. Pour Patricia Drevon, il faut que ces personnels puissent être de vrais lanceurs d’alerte, afin que les salariés puissent savoir à qui s’adresser, et surtout qu’ils ne soient pas seuls face à l’employeur. Il faudra aussi que l’État prenne sa part et mette en place des campagnes de communication pour déconstruire les stéréotypes. Ainsi résumait la secrétaire confédérale : Il devra aussi redonner des moyens pour l’inspection du travail qui en manque cruellement.
Lors de cette journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, l’intersyndicale a fait part de son souhait que chaque salarié se saisisse sur tous les lieux de travail des nouveaux outils servant à cette lutte, afin que la parole se libère et que les collectifs de travail soient confortés.