Adoptée 19 décembre sur la base d’un texte durci encore par la CMP, la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration suscite un tollé général. Panorama de mesures que FO dénonce, les qualifiant de dangereuses pour la démocratie et la cohésion sociale.
Adoptée le 19 décembre au soir par le Parlement, au forceps, dans la cacophonie et dans un émoi général, la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration provoque l’indignation des syndicats et des associations. Entre autres. La loi votée l’a été sur la base d’un texte extrêmement durci par une commission mixte paritaire (CMP), laquelle s’est saisie d’un contenu que le Sénat avait auparavant durci, comparé à une version initiale qui déjà ne faisait pas dans la dentelle ! Pour ce texte de loi : 349 voix pour à l’Assemblée, 186 voix contre et 42 abstentions. 573 votants avec une majorité absolue à 289 députés pour que le texte puisse être adopté.
Cette loi bafoue les principes républicains d’égalité et de solidarité, il s’agit d’un texte discriminatoire et stigmatisant, qui porte atteinte aux droits fondamentaux des étrangers dénonçait FO, juste avant l’adoption du texte à l’Assemblée. Les mesures, de nature sécuritaires et répressives en matière d’immigration, sont en effet extrêmement inégalitaires.
Des quotas d’immigration
La loi que le président de la République Emmanuel Macron considère comme le bouclier qui nous manquait rompt ni plus ni moins avec le principe du droit du sol. Principe dont les prémices remontent en France au… XIVe siècle. Le texte prévoit en effet qu’il faudra désormais qu’une personne née en France de parents étrangers fasse la demande pour obtenir la nationalité française, entre ses 16 ans et ses 18 ans. Les sept sénateurs et les sept députés siégeant à la CMP ont en outre introduit la fixation de quotas d’immigration : l’article 1 prévoit que les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration font l’objet d’un débat annuel au Parlement. Celui-ci devra en outre déterminer pour les trois années à venir, le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. Ces quotas sont des mesures totalement inacceptables pour FO, qui dénonce une forme de priorité nationale contraire à nos principes républicains.
Des allocations restreintes pour les étrangers
Autre sujet de vives tensions : le texte adopté par le Parlement au prix de concessions inadmissibles du gouvernement, de compromissions indignes, alors qu’il avait la possibilité de retirer un texte qui lui avait totalement échappé, durcit drastiquement les conditions de versement des allocations sociales (allocations familiales, APL, APA) aux familles immigrées en situation régulière. Les délais sont allongés, et dépendent de la situation professionnelle. Les allocations familiales ne pourront être perçues à moins de cinq années de résidence en France pour les étrangers sans emploi, et de trente mois de présence sur le sol national pour ceux qui travaillent. L’accès aux allocations logement est fixé à un délai requis minimum de cinq ans de résidence en France pour les immigrés sans emploi, et de trois mois pour ceux qui travaillent. Avec cette réforme, des travailleurs vont donc cotiser au système de protection sociale sans pouvoir bénéficier de leurs droits du seul fait qu’ils sont étrangers ! Pour FO, ces dispositions instaurent une inégalité de traitement fondé sur l’origine, ce qui est totalement inacceptable !
Cette rupture d’égalité dans les allocations provoque l’indignation de toute part. La Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est ainsi alarmée de dispositions « qui prévoient que des personnes étrangères régulièrement établies en France seront privées, pendant plusieurs années, de prestations essentielles concourant à l’effectivité de droits fondamentaux, alors même qu’elles auront satisfait à toutes les règles relatives au droit des étrangers. Pour sa part, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a présenté sa démission dès le 20 décembre.
Des travailleurs sans papiers encore plus fragilisés
Concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, la loi durcit sévèrement cette possibilité. L’obtention d’un titre de séjour pour les travailleurs immigrés devient exceptionnelle, et à la discrétion des préfets. Inadmissible martèle la Confédération FO : La régularisation par le travail doit reposer sur des critères clairs, issus de la loi, et non du pouvoir discrétionnaire des préfectures.
Les conditions sont en outre drastiques : pour se voir délivrer une carte de séjour d’un an en tant que salarié, le travailleur immigré devra avoir travaillé au moins douze mois, au cours des deux dernières années dans un métier en difficulté de recrutement. Et justifier de trois ans de résidence en France. FO dénonce une restriction de toute forme de régularisation, à la main des Préfets. Cette mesure renforce l’arbitraire, fragilisant encore un peu plus la situation des travailleurs sans papiers. La confédération plaide pour des possibilités de régulation plus larges, pas seulement pour les travailleurs en tension. Le texte de loi n’en prend pas le chemin. Il doit encore être examiné par le Conseil constitutionnel, saisi notamment par l’exécutif le 20 décembre. Mais pas que.
Dès la loi votée, des associations et groupes politiques ont déclaré déjà leur intention de se tourner vers le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, dès le 20 décembre, plus de trente départements et nombre de grandes villes ont déjà indiqué qu’ils n’appliqueraient pas les mesures durcies, tel sur l’APA (allocation personnalisée d’autonomie versée aux personnes âgées de 60 ans ou plus en situation de perte d’autonomie).
Les Sages disposent d’un mois pour examiner, valider ou censurer l’entièreté du texte ou certains de ses articles. Et pour la Première ministre, interviewée le 20 décembre par France Inter, il y aurait dans le texte des mesures contraires à la Constitution…
FO quant à elle a exigé dès le 20 décembre le retrait pur et simple de ce texte. Le 21 décembre dans l’après-midi, dans un communiqué intersyndical court et sans équivoque, six organisations- (FO, CGT, CFDT, FSU, Solidaires et Unsa) soulignaient la gravité de la situation en condamnant le vote de ce texte de loi. Nous demandons solennellement que ce texte ne soit pas promulgué concluent les organisations.