Le temps suspendu
Le monde a vécu un moment historique avec la pandémie de Covid-19, qui fera sans doute date dans l’histoire de l’humanité. Aussi, il semble important d’en conserver une trace forte, comme un devoir de mémoire, d’autant que cette situation devrait nous faire prendre conscience de façon accrue que nous vivons tous dans le même bateau. Un élan de solidarité s’est manifesté de nombreuses façons durant ces mois de confinement et cet ouvrage est un exemple de ce désir d’être utile et de témoigner. Durant trois semaines, des photos ont été prises dans Paris puis regroupées dans un recueil dont les bénéfices sont intégralement reversés à la Fondation Abbé Pierre.
Ces splendides images en noir et blanc de la capitale désertée sont frappantes, elles font ressortir une réalité qu’on a du mal à entièrement intégrer ; cette vision des monuments et lieux emblématiques de Paris vides, pourtant connus, nous les fait découvrir sous un nouveau jour, sans la vie qui les habite d’habitude, nous faisant perdre nos repères. Le vide des rues provoque un sentiment de solitude puissant et il nous semble entendre le silence que dégagent ces clichés.
On retient son souffle tout au long de la lecture et si beaucoup d’adjectifs viennent à l’esprit en observant ces photos, c’est un sentiment d’irréalité qui prend le dessus : on dirait des scènes de science-fiction, une image de fin du monde, comme un mauvais rêve… Il n’y a aucune sensation de déjà vu et, au contraire, on espère tous ne plus jamais voir ça.
Ce qui a surpris l’œil du photographe, c’est que l’absence de la foule habituelle a rendu visibles ceux qui ne le sont ordinairement pas et qui ont dû vivre ce confinement en extérieur.
Et finalement, le plus dérangeant sur ces clichés déshumanisés ne serait-ce pas ces invisibles devenus bien trop visibles.
Paris Lockdown ‒ 100 photographies inédites de Paris pendant le confinement de Fred Di Girolamo. Kong Factory, 48 pages, 15 euros. |
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly