Deux sociologues se sont entretenues avec des salariés de la coiffure, du BTP et de la restauration, ainsi qu’avec leurs patrons. Leur recherche qualitative confirme combien l’ambiance du collectif de travail peut masquer de réelles difficultés de santé au sein des très petites entreprises.
M oins de maladies professionnelles et moins d’arrêts de travail déclarés, les salariés des très petites entreprises seraient-ils vraiment en meilleure santé que les autres ? Deux sociologues, Fanny Darbus et Émilie Legrand, se penchent sur la question. Dans Santé et travail dans les TPE, s’arranger avec la santé, bricoler avec les risques, elles ont mené l’enquête auprès des secteurs de la coiffure, de la restauration et du bâtiment, qui emploient environ un tiers des salariés des TPE et exposent fortement aux risques professionnels et à la pénibilité. Leur enquête de terrain, financée par le ministère de l’Emploi et du Travail, a été menée en 2018 et 2019 via trente études de cas d’entreprises installées dans des grandes villes. Elles ont mené quatre-vingt-sept entretiens semi-directifs avec des patrons et avec des salariés.
On ne se plaint pas, on minimise
Leur recherche met en évidence des situations de santé plus dégradées que ce que montrent les enquêtes statistiques, en particulier concernant les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les arrêts de travail simples. Les troubles sont souvent banalisés du fait de la quotidienneté des douleurs et acceptés comme faisant partie du métier. Et dans les TPE, on ne se plaint pas, on minimise, parce que la sortie du métier n’est pas envisageable ou pas envisagée, mais aussi parce qu’au sein du collectif de travail la moindre absence peut pénaliser tout le monde. Aussi, plus les salariés se sentent bien dans l’environnement de travail, plus ils prennent sur eux. Tout se passe comme si la bonne ambiance pouvait constituer un antalgique face aux difficultés du travail et aux maux dont les corps sont affectés. Des situations qui soulignent toute la nécessité de construire dans ces TPE une présence syndicale, afin d’apporter à ces salariés le soutien nécessaire et d’œuvrer pour la défense de leurs droits. Celui de pouvoir préserver leur santé notamment.